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Près de quatre ans après avoir été mentionné pour la première fois comme le cerveau présumé ou possible du meurtre de la conseillère municipale de Rio de Janeiro Marielle Franco et du chauffeur Anderson Gomes, le nom de l'ancien député de l'Etat de Rio de Janeiro Domingos Brazão (1965) est réapparu cette semaine de juillet 2023 dans les nouvelles concernant le crime du 14 mars 2018. Cela s'est produit après la délation "primée" de l'ex-policier militaire Élcio de Queiroz, avéré et auto-déclaré chauffeur du véhicule le 14/3/2018.
L'homologation de cette délation, signée par la nouvelle avocate d'Élcio Queiroz - qui est toujours en prison - Ana Paula de Araújo Fonseca, a eu lieu le 20 juillet, par le même juge qui a ordonné l'arrestation, le lundi 24 juillet, de l'ex-pompier Maxwell Simões Corrêa.
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Le 26/3/2023, The Intercept Brasil (TIB) a publié une enquête détaillée sur cette affaire emblématique de l'état des institutions et administrations dans le domaine de la sécurité et des secteurs des forces de l'ordre. Le TIB révèlait que, le 11 mars 2019, à 23 heures, trois jours avant que le crime n'ait un an, Jomar Duarte Bittencourt Júnior, 37 ans, connu sous le nom de Jomarzinho, fils d'un commissaire de la police fédérale, Jomar Bittencourt, âgé de 68 ans, a envoyé un message WhatsApp au sergent de la police militaire (PMERJ) Maurício da Conceição dos Santos Júnior, dit Mauricinho.
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Jomarzinho y a indiqué (cf. ci-dessous) que, le lendemain, une opération liée à l'enquête sur l'attentat contre Marielle Franco allait permettre d'arrêter plusieurs personnes. "D'après ce qu'ils m'ont dit, ils vont même arrêter [Domingos] Brazão et [le commissaire de la police civile] Rivaldo Barbosa [Rivaldo Barbosa de Araújo Júnior]", a déclaré Jomarzinho dans le message. "Ça alors, je vais tenter de l'appeler ici", a répondu le sergent de la PMERJ.
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Cela montre, en premier lieu, que l'information a fuité. Domingos Brazão est le chef d'un clan et d'une famille de politiciens opérant à Brasilia et surtout dans la zone ouest de Rio de Janeiro, où il serait allié à des miliciens. Conseiller à la Cour des comptes de Rio de Janeiro (TCERJ), il a été démis de ses fonctions par l'opération Lava Jato, accusé d'avoir reçu des pots-de-vin de la part d'hommes d'affaires du secteur des transports. Le 9 mars 2023, la Cour de justice de Rio de Janeiro (TJRJ) a autorisé le retour de Domingos Brazão au sein du TCERJ par 2 voix contre 1.
Le 27 octobre 2019, une enquête d'envergure, sur la plateforme UOL, a révélé que le membre d'une milice, Jorge Alberto Moreth, dit "Beto Bomba", avait déclaré lors d'une conversation téléphonique avec le conseiller municipal (2017/2020) Marcello Sicilliano (PHS, droite) que Domingos Brazão était le cerveau et avait payé 500.000 R$ (100.000 US$) pour l'attentat.
L'opération policière s'est déroulée, le 12 mars 2019, comme l'avait prédit Jomarzinho, selon le TIB, mais les personnes arrêtées ont été les anciens policiers militaires Ronnie Lessa et Élcio de Queiroz. Ce dernier a fait sa délation primée la semaine dernière et cette déclaration homologuée par la justice a fait la Une de l'ensemble des médias brésiliens.
Mais revenons à l'entrée, dans cette affaire, du milicien Macalé. Elle met en lumière plusieurs hypothèses sur les causes de cet attentat de mars 2018, et qui étaient apparues dans les enquêtes précédentes en 2018/2019/2020, mais qui n'ont pas été développées ou bien sont restées en l'état.
Une des9 hypothèses, à l'époque de l'enquête jointe de la police civile (PCRJ) et du parquet de Rio de Janeiro (MPRJ) déduisait que l'attentat avait été une représaille aux actions politiques du député de l'Etat Rio de Janeiro Marcelo Freixo*. La mort de Marielle Franco aurait été une forme pour toucher Freixo, qui ne se déplaçait qu'entouré de très nombreux gardes du corps et bénéficiait également de mesures de sécurité institutionnelles.
Maintenant, en juillet 2023, avec l'entrée dans la lumière du nom de Macalé, cette hypothèse revient en force, car Macalé, selon le rapport sur les milices daté de 2018, "travaillait" dans les quartiers de Madureira et d'Oswaldo Cruz, deux zones géographiques qui, dans le même rapport de 2018, sont pointées comme territoires sous l'influence de ... Domingos Brazão et de Chiquinho Brazão, l'un de ses frères, actuellement député fédéral à Brasilia.
Ce qui s'est produit en 2017, c'est l'opération menée par la police fédérale (PF) à la suite d'une déposition d'un entrepreneur d'un géant de la construction civile, la multinationale Andrade Gutierrez, empire du BTP, par ailleurs impliqué dans l'opération Lava Jato.
Le policier militaire et milicien Edimilson Oliveira da Silva, dit Macalé, est cité dans le rapport (2018) de la CPI sur les Milices comme membre de l'organisation paramilitaire qui opérait dans la région de Campinho, dans les favelas de Fubá et Pedra Rachada et à Oswaldo Cruz, toutes sises dans la zone nord de Rio de Janeiro. Les chefs du groupe paramilitaire étaient le policier militare Marcos Vieira Souza, dit Falcon - président de l'école de samba Portela, qui a été abattu en septembre 2016 à Madureira - et un officier de la police militaire, Jorge da Silva Santos Junior, connu sous le nom de Janjão. Dans le rapport, Macalé apparaît comme un membre de la milice à Oswaldo Cruz avec deux autres personnes identifiées comme "Geison" et André Peçanha.
En 2008, Marcelo Freixo avait présidé le CPI de l'Assemblée législative sur les milices. Il s'agissait d'une étape importante dans la lutte contre le crime organisé et son articulation avec le pouvoir public. Le rapport final demandait l'inculpation de 225 hommes politiques, policiers, gardiens de prison, pompiers et civils.
En mars 2017, l'opération policière Quinto do Ouro, réalisée sur la base de délations de directeurs de Andrade Gutierrez, a fait écrouer temporairement cinq des sept conseillers du TCERJ, dont son président, Aloysio Neves, le fils de l'ex-gouverneur Marcello Alencar, Marco Antônio Alencar, et ... Domingos Brazão, en prison préventive. Le premier à être accusé par les directeurs de Andrade Gutierrez dans le cadre de l'accord de délation a été un sixième conseiller, Jonas Lopes, qui a été identifié comme l'organisateur des pots-de-vin au tribunal qui a donné son feu vert à des travaux publics surfacturés, illicites. Jonas Lopes a cependant conclu un accord de délation primée et a pris congé de son poste. Selon lui, les conseillers, ses collègues, sont accusés de toucher des pots-de-vin allant jusqu'à 20 % sur les marchés publics. Après leur libération, les tribunaux ont décidé que les cinq conseillers devaient continuer écartés - mais toujours rémunérés - de leurs fonctions jusqu'au jugement de l'affaire. Craignant des représailles physiques, se sentant menacé, Jonas Lopes a quitté le pays avec sa famille, pour aller aux USA. Il ne restait plus alors qu'un conseiller au TCE, la corégulatrice Marianna Montebello Willeman, qui ne pouvait pas voter et prendre des décisions seule.
Cela a été une première opération.
Il restait donc la nécessité de choisir trois nouveaux conseillers pour que la Cour des comptes (TCERJ) ne ferme pas. Car il devait y avoir, toujours, un quorum de 4 conseillers. Il a été décidé, alors, pour ne pas répéter les vices en tout genre des institutions de Rio de Janeiro, qu'allaient être choisis 3 conseillers de carrière pour assurer les trois postes vides.Tout était prêt. Le jour où ils allaientêtre investis, ils ont désisté.
Le gouverneur d'alors, Luiz Fernando Pezão (PMDB, droite), indique alors, le 7 novembre 2017, le député de Rio de Janeiro Edson Albertassi (PMDB), qui était lié à Paulo Melo et à tout un système politique - pour ne pas dire une mafia - qui avait pour origine le "règne" (1/2/1995-1/2/2003, cad 4 mandats consécutifs) de Sergio Cabral Filho à la présidence de l'assemblée législative de Rio de Janeiro. A ce moment là, tout continuait comme avant, avec le député de Rio de Janeiro, l'ultra corrompu Jorge Picciani (1955/2021) et tous ses compères politiciens arrivistes et opportunistes. Une maille. un rempart, une forteresse, pour l'opposition de gauche.
Le dessein d'un Edson Albertassi probable élu, Marcelo Freixo s'y est opposé tout de suite fermement, et a annoncé qu'il allait tenir un discours, en ce sens, à l'Alerj. Albertassi dit alors à Freixo de ne pas tenir ce discours, que Freixo maintient. Arive le soir, la nuit tombe ... Freixo reçoit alors un coup de téléphone d'un des procureurs fédérqux de rio de janeiro, lui disant qu'il avait, dans l'instant ou presque, la nécessité absolue de le rencontrer, au siège du parquet fédéral, à Rio de Janeiro. Ils demandent à Freixo d'entrer immédiatement avec une action en justice, pour retarder l'investiture de Albertassi au TCE. Freixo réussit.
Que se passe-t-il alors ?
Une seconde opération policière, très importante, intitulée Cadeia Velha, commence le 14 novembre 2017. Picciani, Paulo Melo et Albertassi sont écroués. Si Albertassi assume la présidence, car il est alors couvert par le foro privigielado, Cadeia Velha allait échapper à la compétence des procureurs fédéraux... Il y a donc eu une opération délicate pour que cette opération policière se produise. Marielle Franco participe alors, avec Freixo, en tant qu'assistante parlementaire, à toutes ces négociations, réussies.
Il y a donc une hypothèse, qu'à la suite de cette grande avancée contre ce schéma politique, ce système d'entre-soi complice et arriviste, qui existait depuis plus de vingt ans, c'est-à-dire depuis les années 90, a tenté de "montrer qui dirigeait vraiment l'Etat de Rio" avec la mort commandée de Marielle Franco. Il faut rappeler que Domingos Brazão était parmi les suspects à la suite de cette opération. Mais cette hypothèse n'a pas germé, pas avancé, principalement à partir du moment que le gouverneur Cláudio Castro, bolsonariste, est investi, le 1er mai 2021, et qu'il choisit les nouveaux commissaires de la police civile (PCRJ). Cette hypothese de combat contre la culpabilité d'un groupe de barons réélus et toujours réélus, avait pourtant le renfort des investigations de la police fédérale (PF), faites à l'époque de la procureure générale du Brésil, Raquel Dodge.
Les conseillers du TCE étaient possibles suspects et rien ou presque n'a avancé depuis ce départ de Dodge.
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(*) M. Freixo a été parlementaire de l'Alerj de janvier 2007 à février 2019, puis député fédéral jusqu'en février 2023. Il dirige actuellement un organisme fédéral national de tourisme.
Domingos Inacio Brazão
- En 1994, fort du soutien de sa base, alors résumée à la zone ouest de la municipalité de Rio de Janeiro, il se présente à sa première élection avec un vote expressif, devenant suppléant avec une différence minime par rapport aux élus immédiats.
- Lors des élections municipales de 1996, il a consolidé sa position de leader en étant élu conseiller de la municipalité de Rio de Janeiro, avec la confiance de 11.990 électeurs.
- En 1998, il se présente à l'un des 70 sièges de l'assemblée législative de l'État de Rio de Janeiro et est élu avec 27 287 voix.
- En 2002, candidat à la réélection au poste de député de l'État, il a obtenu la reconnaissance de la population de l'État de Rio de Janeiro, dépassant à l'époque les limites de la capitale de l'État, en obtenant 68.300 voix.
- Lors des élections de 2006, Domingos Brazão, candidat à la réélection, a retrouvé la reconnaissance de ses électeurs, qui a également eu des répercussions dans le nord de l'Etat. En particulier dans la municipalité de Campos dos Goytacazes et ses environs, où il a obtenu 72.263 voix.
- Le député Domingos Brazão a atteint les élections de 2010 avec une large reconnaissance d'électeurs de l'État de Rio de Janeiro, lorsqu'il a été réélu pour son quatrième mandat (2011/2014) de l'Assemblée législative, avec l'appui de 91.774 électeurs. Il est arrivé en 9e position parmi les 70 députés élus.