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Billet de blog 20 mars 2025

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Éloge de l’esprit critique en ces temps de connerie massive

L'éloge de l'esprit critique est le second volet d'une série d'analyses qui en comportera trois et dont l'objectif, probablement trop ambitieux, est de lutter contre les mécanismes en jeu dans la propagation de la connerie, un phénomène de masse particulièrement inquiétant.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Consulte ta raison ; prends sa clarté pour guide », conseille Molière dans Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux.

Cette maxime n’a jamais été aussi pertinente. Ce qui était vrai en 1661, année de création de cette pièce au Palais Royal, l’est encore davantage aujourd’hui. La surinformation médiatique, les algorithmes qui amplifient les émotions négatives et sensationnalistes, et les réseaux sociaux qui les exacerbent pour toujours plus de « buzz » nous éloignent dangereusement de cette « clarté » dont nous avons tant besoin.

Faire appel à la raison est devenu un défi, voire un luxe, mais c’est surtout une nécessité.

La lucidité dont nous parlions récemment (Éloge de la lucidité en ces temps de connerie massive* ) exige des efforts d’attention, de vigilance et d’analyse. Il est crucial de garder ses distances par rapport à un événement ou à une information, surtout lorsque les émotions qu’ils provoquent nous envahissent.

« L'émotion est une surprise de l'âme »  disait Kant : bonne ou mauvaise, elle ne nous laisse pas indifférents, elle peut nous enrichir comme elle peut nous affaiblir.

Nos certitudes, nos opinions et nos impressions sont parfois chahutées, infirmées ou confirmées. Notre réaction dépend alors de notre capacité – ou de notre incapacité – à remettre en question ce qui nous semblait, hier encore, incontestable. Face à une idée qui heurte nos convictions, nos croyances ou nos habitudes, notre premier réflexe est souvent de nous crisper sur nos positions ou de nous braquer. Pourtant, prendre le temps d’analyser, sans surréagir, permet de mieux comprendre ce qui nous dérange.

Or, ce qui nous entoure, ce qui nous encercle, la connerie, nous dérange !

Rester lucide, exercer son esprit critique, c’est aussi reconnaître que nos sens, supposés nous informer et nous guider, peuvent nous tromper sans que nous en ayons conscience. Les illusions ne sont pas seulement visuelles, comme le mirage dans le désert ; elles peuvent aussi être auditives, olfactives, tactiles ou gustatives. Le froid intense, par exemple, peut brièvement être perçu comme une sensation de brûlure. Et inversement.

La paréidolie illustre bien cette capacité du cerveau à interpréter des formes là où il n’y en a pas, il suffit d’un stimulus aléatoire : voir des visages dans des objets ou des nuages, attribuer une intentionnalité à une simple coïncidence sensorielle. Nos sens ne fonctionnent pas toujours de façon séquentielle ou isolément : la perception du goût, par exemple, est indissociable de la vue, de l’odorat et du toucher. Sur ces sujets des formes et de leur perception/interprétation par le cerveau, nous invitons nos lecteurs à se référer aux travaux de Max Wertheimer, Wolfgang Köhler et Kurt Koffka sur la Gestalt-théorie.

Ce bruit inexpliqué perçu dans un buisson, en pleine forêt, au crépuscule, en est une autre illustration. Ce réflexe de vigilance, hérité de nos ancêtres, vise à nous protéger des prédateurs. Aujourd’hui encore, il nous pousse à voir du danger là où il n’y en a peut-être pas.

Nos sens peuvent nous tromper, la raison aussi, mais avec des conséquences qui peuvent être sérieuses, voire dramatiques.

Dans le domaine de la rationalité (que l’on croit « objective »), et des faits, les notions de croyances, de convictions et d’habitudes jouent la même partition que nos sens trompeurs, le dénominateur commun est le cerveau qui commande sans nécessairement nous demander notre autorisation, les mêmes causes produisent donc les mêmes effets.

Les rumeurs et les complots se créent à partir d’un fait qui n’est pas correctement perçu ni correctement interprété, au point de le déformer et de proposer une autre réalité.

Nos sens nous abusent, la raison aussi !

Prenons quelques exemples connus qui vont nous aider à mieux mesurer les risques de dérapages collectifs qui, pourtant, prennent naissance dans la sphère du « concret » et des faits. Ou de ce que l'on prend pour des faits.

Il s’agit de rumeurs qui, on le verra, deviennent très vite des complots.

1 : La Rumeur d’Orléans (1969) — Edgar Morin en a parlé dans Le Paradigme perdu

  • Lieu : Orléans, France
  • Date : 1969
  • Acteurs : Des commerçants juifs accusés à tort
  • Détails : La rumeur prétendait que des boutiques de prêt-à-porter tenues par des commerçants juifs enlevaient de jeunes femmes dans leurs cabines d’essayage pour les envoyer dans un réseau de traite des blanches. Aucune victime ni aucun fait avéré, mais la rumeur s’est propagée au point de susciter une psychose locale.
  • Conséquences : Boycott de certaines boutiques, antisémitisme latent révélé, panique locale. Edgar Morin a analysé ce phénomène comme un exemple de rumeur collective irrationnelle, nourrie par des peurs et des fantasmes. 

2 : La Rumeur de l’Empoisonnement des Puits (1348) — L’un des premiers grands pogroms européens —

  • Lieu : Europe, notamment en France, Espagne, Allemagne
  • Date : 1348, pendant la peste noire
  • Acteurs : Juifs accusés d’avoir empoisonné les puits
  • Détails : Alors que la peste noire ravageait l’Europe, une rumeur s’est répandue : les Juifs auraient empoisonné les puits pour exterminer les chrétiens. Cette rumeur s’appuyait sur une vieille tradition antisémite et a trouvé un terrain fertile dans une population paniquée et désorientée.
  • Conséquences : Des massacres de communautés juives à Strasbourg, à Barcelone, et dans d’autres villes européennes, avec des milliers de victimes.

3 : La Rumeur du Complot des Bic (1970) — Une paranoïa scolaire en France

  • Lieu : France
  • Date : Années 1970
  • Acteurs : Les élèves, enseignants et parents d’élèves
  • Détails : La rumeur affirmait que les stylos Bic étaient remplis d’un gaz toxique destiné à abrutir les élèves. Ce mythe s’est propagé à une époque où la scolarisation massive et la standardisation de l’éducation suscitaient des peurs et des résistances.
  • Conséquences : Peur irrationnelle dans certaines écoles, défiance envers le système éducatif et les nouvelles méthodes d’apprentissage.

4 : La Rumeur de Roswell (1947) — OVNI ou fantasme américain ?

  • Lieu : Roswell, Nouveau-Mexique, États-Unis
  • Date : Juillet 1947
  • Acteurs : Armée américaine, médias, amateurs d’ufologie
  • Détails : Un objet s’écrase dans le désert près de Roswell. L’armée annonce d’abord qu’il s’agit d’une soucoupe volante, avant de se rétracter et d’évoquer un ballon météo. Cette volte-face alimente la rumeur d’un complot gouvernemental pour cacher la vérité sur une rencontre extraterrestre.
  • Conséquences : Naissance du mythe moderne des OVNIs, explosion de la culture conspirationniste aux États-Unis, prolifération de livres et de films inspirés de Roswell.

5 : La Rumeur du Rituel satanique dans les Crèches américaines (Années 1980) — Une hystérie collective

  • Lieu : États-Unis
  • Date : Années 1980
  • Acteurs : Parents, éducateurs, médias
  • Détails : Plusieurs crèches, notamment la McMartin Preschool en Californie, ont été accusées d’abriter des réseaux pédophiles pratiquant des rituels sataniques. Aucune preuve matérielle n’a jamais été trouvée, mais des témoignages d’enfants influencés par des techniques d’interrogatoire douteuses ont alimenté la panique.
  • Conséquences : Ruine et emprisonnement injustifié pour plusieurs enseignants et directeurs d’écoles, panique morale à l’échelle nationale, remise en question des méthodes d’interrogation des enfants.

6 : La Rumeur des Armes de Destruction Massive en Irak (2002-2003) — Une rumeur d’État

  • Lieu : États-Unis, Irak
  • Date : 2002-2003
  • Acteurs : Administration Bush, médias occidentaux
  • Détails : L’administration Bush affirme que Saddam Hussein possède des armes de destruction massive (ADM), justifiant ainsi l’invasion de l’Irak. Malgré l’absence de preuves tangibles, cette rumeur est relayée par de nombreux médias et devient un argument clé pour la guerre.
  • Conséquences : Invasion de l’Irak en 2003, chute du régime de Saddam Hussein, instabilité durable au Moyen-Orient, discrédit des médias et des institutions politiques.

Tous ces exemples montrent que les rumeurs, qu’elles soient populaires, orchestrées par des pouvoirs politiques ou des médias, ont des conséquences parfois dramatiques. Certaines reposent sur des peurs profondes (l’autre, l’étranger, l’inconnu, le juif, l’arabe, l’homosexuel…), d’autres sur des erreurs d’interprétation, et toutes révèlent quelque chose des sociétés qui les produisent.

Nos sens sont trompeurs, la raison aussi, mais, comme si cela ne suffisait pas, nous sommes sujets, instinctivement, spontanément, naturellement ou volontairement à ce qu’on appelle les biais cognitifs.

Les réseaux sociaux disposent, en effet, d'une boîte à outils particulièrement riche en nombre et en qualité d'instruments pour faire prospérer une quantité phénoménale de fausses nouvelles en s'appuyant sur des fantasmes et en surfant sur les incohérences, ou les illusions, des sens et de la raison.

Le biais cognitif est un mécanisme de pensée à l'origine d’une altération du jugement, un schéma de pensée trompeur et faussement logique. Nous pouvons en être victimes sans nous en rendre compte ; nous pouvons tout aussi bien y avoir recours par conformisme ou par réflexe afin de nous mettre à l’abri d’une trop douloureuse remise en cause.

Nous en avons sélectionné six, les sociologues et les psychologues en dénombrent plus de deux cents !

Les principaux biais cognitifs et leur exploitation dans la manipulation de masse, vecteur de démultiplication de la connerie massive :

1 : Biais de confirmation

Définition : Nous avons tendance à privilégier les informations qui confirment nos croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.

Illustration : Un utilisateur convaincu qu’un certain parti politique est corrompu ne retiendra que les articles et témoignages qui vont dans ce sens, en ignorant les faits qui nuanceraient son opinion.

Lien avec la manipulation : Les algorithmes des réseaux sociaux amplifient ce biais en nous montrant principalement du contenu conforme à nos idées, renforçant ainsi notre vision du monde et nous enfermant dans une bulle informationnelle.

2 : Biais de disponibilité

Définition : Nous accordons plus d’importance aux informations récentes ou facilement accessibles dans notre mémoire, même si elles ne sont pas représentatives de la réalité.

Illustration : Après un attentat médiatisé, certaines personnes surestiment massivement le risque d’être victime d’un acte terroriste, alors que les statistiques montrent que c’est extrêmement rare.

Lien avec la manipulation : Les médias et les réseaux sociaux exploitent ce biais en mettant en avant des faits spectaculaires (crimes, catastrophes, scandales) qui façonnent notre perception du monde, souvent de manière disproportionnée. Le biais de disponibilité est celui qui est copieusement utilisé pour l’immigration. Avec son corollaire, le « grand remplacement ».

3 : Biais d’autorité

Définition : Nous avons tendance à accorder une crédibilité excessive aux affirmations provenant de figures d’autorité ou de personnes perçues comme expertes, même sans vérification critique. Les médias mainstream usent et abusent du biais d’autorité.

Illustration : Un influenceur ou une célébrité partage une « info » non vérifiée sur un sujet médical, et une partie de son audience l’accepte comme une vérité sans se poser de questions. Ce biais d’autorité ajouté au précédent, le biais de disponibilité, a fait le succès du professeur Raoult, il y a cinq ans lors de la pandémie de Covid.

Lien avec la manipulation : Sur les réseaux sociaux, certaines figures publiques (politiques, influenceurs, pseudo-experts) utilisent leur statut pour diffuser des idées douteuses qui se propagent rapidement, car leur parole est rarement remise en question. Inutile de lister ces experts, des dizaines qui sautent d'un strapontin à l'autre, de LCI à BFM en passant par CNews, source d'un trumpisme franchouillard assumé.

4 : Biais (ou effet) de cadrage

Définition : Notre perception d’une information est fortement influencée par la manière dont elle est présentée.

Illustration : Une publicité politique qui dit « 90 % des citoyens soutiennent cette mesure » crée une impression positive, alors que « 1 personne sur 10 est contre » aurait un effet plus négatif, bien que les deux phrases décrivent la même réalité.

Lien avec la manipulation : Les campagnes de communication (politiques, publicitaires, médiatiques) exploitent ce biais en choisissant soigneusement leurs mots et leurs chiffres pour orienter notre jugement dans une direction spécifique.

5 : Biais de faux consensus

Définition : Nous avons tendance à croire que nos opinions sont partagées par la majorité, ce qui nous pousse à sous-estimer la diversité des points de vue.

Illustration : Une personne très active sur un groupe Facebook antivaccin peut avoir l’impression que la majorité de la population partage ses doutes, alors que, dans la réalité, elle est minoritaire.

Lien avec la manipulation : Les réseaux sociaux accentuent ce biais en nous enfermant dans des cercles où tout le monde pense comme nous, renforçant l’illusion que nos idées sont dominantes et justes.

6 : Biais (ou effet) de simple exposition

Définition : Plus nous sommes exposés à une information, plus nous avons tendance à la juger « crédible », même si elle est fausse.

Illustration : Une fake news répétée plusieurs fois sur différents comptes Twitter et reprise par des médias douteux finit par sembler vraie, même sans preuve.

Lien avec la manipulation : Les campagnes de désinformation exploitent ce biais en diffusant en masse de fausses informations. Plus elles circulent, plus elles deviennent crédibles aux yeux du public. La Russie est la référence, c’est une arme d’État, une arme hybride.

Ces biais cognitifs sont au cœur des mécanismes de manipulation de masse sur les réseaux sociaux. Ils expliquent pourquoi des rumeurs absurdes prennent de l’ampleur, pourquoi les débats sont polarisés et pourquoi il est si difficile de faire changer quelqu’un d’avis une fois qu’il est enfermé dans sa bulle cognitive ou, plus grave, dans ses bulles cognitives. Allons un peu plus loin pour illustrer l’exploitation politique faite par les médias, en particulier par les médias du groupe Bolloré, épicentre de la contre-information tradi-catho :

Onde de choc après le décès de Thomas, 16 ans, jeune rugbyman poignardé dans la Drôme dans la nuit du 18 au 19 novembre. Mortellement blessé d'un coup de couteau devant la salle des fêtes communales de Crépol.

Ce bandeau, publié par TF1, est immédiatement repris par CNews qui, sans attendre les résultats de l’enquête de gendarmerie et des juges d'instruction, sans s’embarrasser des faits ni des nombreux témoignages concordants, affirme, contre toute évidence qu’il s’agit d’une agression antiblanc préméditée par des jeunes d’une cité voisine, alimentant ainsi la thèse d’un complot au service de l’argumentaire du grand remplacement. Ces allégations mensongères seront démenties par tous les enquêteurs, mais le mal est fait et laissera des empreintes durables dans les cerveaux friables ou poreux.

Dernier exemple, les chiffres de l’immigration évoqués plus haut :

Les statistiques présentées par une grande partie de la presse mainstream prennent une option systhématiquement politisée, en tout cas très typée, très orientée.

Les données disponibles (2021) montreraient une surreprésentation des étrangers parmi les auteurs de certains crimes et délits en France. Par exemple, 13 % des personnes mises en cause pour des violences sexuelles élucidées sont de nationalité étrangère, et 18 % des auteurs d'homicides sont étrangers, dont 11 % sont Africains.

Les chiffres de 2024 indiquent que les étrangers représentent également 35 % des mis en cause dans les affaires de vols violents sans arme, et 30 % des mis en cause ont une nationalité d'un pays d'Afrique.

Une lecture plus attentive, et plus critique, permettrait de constater, à partir de ces mêmes chiffres, que 87 % des personnes mises en cause pour des violences sexuelles élucidées sont des Français ; que 82 % des auteurs d’homicides sont des Français.

Les Français représentent 65 % des mis en cause dans les affaires de vols violents sans arme, et 70 % des mis en cause sont de nationalité française.

Ces informations, telles qu'elles sont présentées et commentées, obéissent à une logique politique, à une intention politique qui ne dit pas son nom. Il y a un choix qui ne doit rien au hasard, cela n'est pas contestable.

Il convient de prendre en compte que ces chiffres (de l'immigration) présentés par la presse doivent être interprétés avec une extrême prudence, car ils ne reflètent pas nécessairement une causalité directe entre immigration et délinquance. Les facteurs socio-économiques, les conditions de vie et d'intégration jouent également un rôle significatif.

Considérations hors de portée pour les aficionados de TikTok, d’Insta et de X.

« Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques », expliquait Benjamin Disraeli (popularisé par Mark Twain), les ressources pour manipuler, encore une fois, sont infinies.

Les biais cognitifs, parfaitement connus des salles de rédaction et des publicitaires, exploités, déformés et amplifiés par les réseaux sociaux, incitent à contourner cette analyse logique très (trop ?) rapide ; la surabondance d’informations ainsi présentée et le caractère répétitif de ces messages, sur trois ou quatre décennies, matin, midi et soir, font le lit de l’extrême droite et expliquent, en partie, sa progression dans les élections, en France comme ailleurs en Europe.

Cette « ambiance » a influencé la gauche hollandaise (Valls, Cazeneuve) comme elle influence la droite dite « républicaine » (Retailleau, Darmanin) ; le gaullisme agonise, sauf, peut-être, du côté de Dominique de Villepin, sous réserve d'inventaire plus précis.

Au-delà du caractère anecdotique des positionnements opportunistes et par nature fluctuants des uns et des autres, c’est tout l’espace politique qui est envahi.

Enfin, Edgar Morin, dans Le Paradigme perdu, cite l'exemple de témoins affirmant avoir assisté à un grave accident de la route en ville, l'un des protagonistes, responsable de l'accident, a pris la fuite : certains sont convaincus d'avoir vu une voiture rouge, d'autres une blanche, tandis qu'un dernier groupe assure qu'elle était gris métallisé...

Ce phénomène est bien étudié en psychologie, notamment avec les expériences de Frederic Bartlett sur la mémoire reconstructive. Il a montré que les gens modifient involontairement les faits en les racontant, en fonction de leurs croyances et de leurs schémas cognitifs.

Tels sont les principaux mécanismes en jeu dans la propagation de la connerie, un phénomène de masse particulièrement inquiétant qui traverse toutes les couches de la société.

« Le résultat d’un remplacement constant de la vérité par le mensonge n’est pas que le mensonge sera désormais accepté comme vérité et la vérité diffamée comme mensonge, mais que le sens avec lequel nous nous orientons dans le monde réel est détruit. », explique Hannah Arendt dans La crise de la culture, publié en 1961.

À la suite d’Hannah Arendt, dans la même veine, Noam Chomsky nous met en garde, en 1988, dans La fabrication du consentement en ces termes : « La propagande est à la démocratie ce que la matraque est à l’État totalitaire».

L’esprit critique est, avant tout, une volonté de liberté.

https://blogs.mediapart.fr/bruno-painvin/blog/130325/eloge-de-la-lucidite-en-ces-temps-de-connerie-massive

P.-S. – Par souci de transparence autant que par honnêteté, nous informons nos lecteurs que nous avons eu recours à deux IA – dont Mistral AI que nous recommandons chaudement – pour nous aider à documenter les rumeurs ainsi que les biais cognitifs à partir de prompts très détaillés. Nous avons donc utilement complété nos propres recherches et nos archives personnelles.

Pour les biais cognitifs, par exemple, nous en avions identifié, puis analysé, 195...il a fallu faire des choix, être sélectif pour n’en retenir que 6 !

Enfin, nous avons pris soin de vérifier les informations fournies par recoupements de sources.

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