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Billet de blog 8 août 2024

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Ramona Horvath, une pianiste à Grand-Village-Jazz

Ramona Horvath jouera le 19 août 2024 avec le saxophoniste ténor français André Villéger (79 ans) à Grand-Village-Plage (Île d'Oléron). La brillante Franco-Roumaine se produira en ouverture du festival « Un Piano dans la Pinède », douzième édition, organisé par la municipalité.

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Ramona Horvath réserve à chaque fois des surprises. Du classique au folklore en passant par le jazz d’Errol Garner, la set-list de la Franco-Roumaine, installée à Paris depuis dix ans, varie au gré des concerts. Ce qui - en revanche - reste immuable, tient en un terme d’airain : le swing. Son jeu ravit. Celui-ci ouvre un canapé mœlleux dans lequel campent volontiers toutes les salles. Le discours éclate comme une pluie d’atomes. Pas question d’en perdre une miette. Dans le ballet captivant des touches défilent des phrases, tantôt délicates, tantôt balancées, tantôt percutantes. Son public (j’ai encore entendu Ramona cet hiver au Sunside, Paris 1er, en trio) épouse le mouvement des notes comme le public de Roland Garros regarde aller et venir les coups des stars du tennis. L’attention ne se relâche jamais. On le comprend : tout spectateur reste à l’affût de narrations qui maintiennent un pareil niveau d’écoute.

Formée au Conservatoire de Bucarest, depuis l’âge de six ans, elle a suivi l'enseignement de plusieurs maîtres. Rencontrée cet hiver à Paris, l’artiste reconnaît de ses professeurs une transmission cardinale : l’avoir braquée sur le son (« essentiel pour le jazz »). La vie lui a inscrit la prise de risques dans les veines : « écouter le jazz à la radio américaine (Voice of America) était interdit : les dénonciations étaient nombreuses ». Le Roumain d’origine hongroise Jancy Korossy la repère. Il la choisit. La charge de porter la flamme. Nous sommes en 2005 : elle apprend dorénavant le jazz sur le tas. Mieux encore : à vie ! Un avantage pour sortir des codes (« nous pratiquions des blind-fold tests (des tests à l’aveugle), cela à longueur de journée». Pas ingrate, l'autodidacte rend à César l'hommage qui lui revient (« Korossy a signé la structure de mon art »).

En matière de mettre le public dans sa poche, un pianiste surgit à l’esprit : Errol Garner. Prenant la suite de Sydney Béchet, le natif de Pittsburgh, a suscité l’engouement pour le jazz en France dans les années 60. À son image, Ramona se montre douée d’une oreille et d’une mémoire inouïes. Elle a conscience du phénomène (« Je saisis comment il entame ses improvisations), et de ses limites (Comment l’expliquer... »). Elle identifie un autre pianiste français qui en possède la maestria (Philippe Milanta, du reste vedette en 2020 d’Un Piano dans la Pinède)... Elle cite également sur le don le pianiste de Cecile McLorin-Salvant, l’Américain Sullivan Fortner (je confirme pour Milanta et lui). Au passage, ces instrumentistes partagent un amour pour le compositeur Billy Strayhorn, alter ego de  Duke Ellington, dont les œuvres sont reprises aujourd'hui avec bonheur par le Duke Ellington Orchestra.

Un instinct musical surnaturel pour s’adapter au public semble diriger les improvisations de Ramona pendant l’espace du concert. L’artiste jouit d’un véritable talent d’animatrice. De façon touchante, elle se désole de ne pouvoir distribuer de place aux amis pour chacune de ses affiches. Et se plaint quand un ami musicien n’a pas trouvé pas de place à l'une de ses dates. L'occasion d'inviter les adorateurs du dieu swing, de la musique, et de la création en général, à en profiter. Et à se ruer lundi 19 août sous les pins (650 places - 6 euros la soirée - prévente depuis le 5 août au bureau de poste de Grand-Village-Plage / début des concerts 21h30) pour compter les étoiles la nuit tombée. À commencer par la première : Ramona Horvath. La pianiste clôture en beauté le circuit des festivals de l'été.

Bruno Pfeiffer

Douzième édition d’Un Piano dans la Pinède (7 concerts du lundi 19 au vendredi 22 août 2024) dans les jardins de la Maison Paysanne. La manifestation cultive (ateliers animés par Fabien Mary) et défend le jazz qui swingue. Cette année, le festival s'étend sur cinq jours (voir lien ci-dessus). Un Piano dans la Pinède, organisé par Patrice Robillard, maire de Grand-Village-Plage, ouvre et régénère les trésors du jazz classique, accueillant mélodies et rythmes qui ont suivi la période. Au saxophone ténor, dans le quartet de la pianiste franco-roumaine, s'illustrera (personne n'en doute) le légendaire André Villéger, invité à Grand-Village en 2022 par le pianiste Alain Jean-Marie. J'en garde un excellent souvenir. Avec Villéger, 79 ans depuis le 12 août, on ne sort pas de la catégorie des super-pointures.

CD's

Ramona Horvath's trio (Nicolas Rageau - contrebasse + Antoine Paganotti - batterie) : Carmen's Karma (Camille productions, 2023). Ramona a porté plusieurs titres de l'album sur la liste du 19 août.

Ramona Horvath, Lotus Blossom (Black&Blue, 2017)

Duke Ellington 1939-1942. Duke at his Very Best : les sessions avec Billy Strayhorn, Ben Webster et Jimmy Blanton. 94 titres. La plus grande concentration de chefs d'œuvre imaginable en jazz classique. Réunis pour la première fois sur quatre CD's. L'équivalent des Suites pour violoncelle de Bach, ou de la Ve de Beethoven dans la musique classique. On flotte dans l'absolu terrestre. Edité chez Frémeaux&Associés.

LES DATES DE LA RENTRÉE D'AUTOMNE

Brad Mehldau les samedi 7 (en trio à 18h) et dimanche 8 septembre (en solo à 16h) à la Cité de la Musique-Philarmonie de Paris (Paris 19e-M° Porte de Pantin) dans le cadre du festival Jazz à La Villette (29 août au 8 septembre). Si j'en juge au phénoménal concert de Coutances le 8 mai 2024 (en trio), le virtuose n'a pas perdu la main. Un enchantement, par celui qui dépasse de la tête et des épaules les pianistes de sa génération.

Exposition "Metal Diabolus in Musica", jusqu'au 29 septembre 2024 à La Philarmonie de Paris (Paris 19e). Instruments de musique, costumes, iconographie, pochettes de vinyles rares, extraits sonores et vidéos, projections ; le visiteur encaisse le lot en pleine figure. La scénographie ahurit du début à la fin (cette apothéose du festival HellFest dans la dernière salle!). Une pédagogie spectaculaire déroule de bout en bout le panorama documenté du mouvement amorcé par les groupes légendaires (Deep Purple, Led Zeppelin, Black Sabbath). Le développement conduit le genre "Métal" aux délires. Réalisé avec le concours de partenaires pour le moins concernés (Le HellFest). Cela pour déclarer que j'ai dégusté la claque du semestre. L'expo que je ne suis pas prêt d'oublier.

B.P.

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