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“ le soutien de beaucoup de grands hommes ”
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Les sionistes n'ont pas attendu le retournement brutal de la politique britannique envers les Juifs de Palestine pour construire un capital de sympathie auprès des Juifs américains, tel Felix Warburg (1871-1937), le banquier originaire de Hambourg qui, comme de nombreux autres riches mécènes, nous l'avons vu, a financé des colonies juives en Palestine, ou encore l'Université hébraïque de Jérusalem, pour laquelle, on l'a vu, Albert Einstein, a aussi contribué. Différentes personnalités juives américaines ont joué un rôle important dans la formation des réseaux de soutien des gouvernements américains à la cause sioniste. Commençons par Louis Dembitz Brandeis (1856-1941), ami proche du président Wilson, principal soutien de sa campagne de 1912, juge à la Cour suprême en 1916, enfin, président de l'Organisation sioniste américaine de 1914 à 1918, qui, sans être décisif, influença sans doute positivement le jugement du président Wilson dans les négociations de la déclaration Balfour, en 1917 (Roppestad, 2015). Pendant longtemps, Brandeis, ne connaissait rien aux rites juifs, ne fréquentait aucune synagogue et n'embrassa le sionisme qu'après la cinquantaine, au point de devenir président de la Word Zionist Organization (WZO) en 1914, promouvant cette cause auprès des Américains: "Chaque Juif américain qui aide à faire avancer la colonisation juive en Palestine, bien qu’il sente que ni lui ni ses descendants n’y vivront jamais, sera également un meilleur homme et un meilleur Américain pour le faire. Il n’y a pas d’incohérence entre la loyauté envers l’Amérique et la loyauté envers la communauté juive." (L. Brandeis, "The Jewish Problem: How To Solve It" discours prononcé à la Conference of Eastern Council of Reform Rabbis, 25 avril 1915). Par ailleurs, il n'échappe pas comme l'ensemble des élites occidentales, au sentiment de supériorité de sa civilisation sur les autres. De retour de voyage au Moyen-Orient, il écrit : "L'impression la plus répandue en Orient est la monotonie, et on peut établir des comparaisons sur tout avec notre civilisation américaine, sauf dans le domaine des vertus. Dans ces matières, l'Amérique et la Grande-Bretagne excelle [sic] ; et on sent constamment leur supériorité en matière d'hygiène morale, mentale et physique." (L. Brandeis, "Letters of Louis D. Brandeis, Vol IV (1916-1921) : Mr Justice Brandeis", édité par Melvin I. Urofsky et David W. Levy, Albany, State University of New-York Press, 1975, p. 410). En 1919, une brouille naît d'une animosité de Brandeis envers Weizmann, et plus généralement les Russes sionistes, leur reprochant d'être indigne de confiance, de manquer d'honnêteté. Weizmann poussa alors une faction sioniste opposée à Brandeis à la direction de la ZOA, menée par Louis Lipsky , qui en deviendra le président de 1922 à 1930, poussant Brandeis à la démission avec ses associés, comme le rabbin réformé Stephen S. Wise (1874-1949) ou Felix Frankfurter (1882-1965), juge associé à la cour suprême des Etats-Unis, conseiller de Roosevelt après 1933. Du côté du judaïsme réformé, qui met davantage l'accent sur l'égalité des hommes et des femmes, sur les progrès sociaux et culturels que sur les rites et les pratiques cultuelles, ces trois hommes appartiennent aussi au courant progressiste ("Progressive Movement", vers 1890-1917), dont Brandeis et Frankfurter sont devenus les principaux leaders (comme Roosevelt lui-même), menant de nombreux combats pour le progrès social (salaire minimum, lois antitrust, anti-corruption, etc), un sujet sur lequel nous ne pouvons nous étendre ici.
Brandeis ou Frankfurter ne sont pas les seuls Juifs sionistes à fréquenter les plus hautes sphères du pouvoir américain. L'ambassadeur auprès de la Sublime Porte, Henry Morgenthau (1891-1967), fils d'un magnat de l'immobilier, se verra confier par le président Wilson une mission secrète en 1917 afin d'instaurer une paix entre l'Empire Ottoman et les Alliés et voulut profiter de cette mission pour verser tout aussi secrètement une somme de 400.000 dollars à la communauté juive de Palestine (Roppestad, 2015). Indépendamment du fait que le projet fut contrarié par Brandeis et Weizmann, pour des raisons de prudence politique, ceci nous montre une des multiples formes dont nous avons parlé, de la puissance des réseaux politiques et financiers des dirigeants sionistes, largement utiles et nécessaires à la réussite de leurs projets de domination économique et politique sur la communauté arabe. Morgenthau, issu de la grande université de Cornell (Ithaca, Etat de New-York), rencontrera le couple Franklin et Eleanor Roosevelt et ce dernier devenu président, confiera nombre de postes prestigieux à Morgenthau, qui deviendra secrétaire du Trésor de 1934 à 1945.
La première grande victoire des sionistes auprès des Américains des Etats-Unis est sans doute celle de la création de l'Agence juive, en 1929, à propos de laquelle les discussions étaient âpres depuis 1923, entre Weizmann er Louis Marshall (1856-1929), tout particulièrement, président de l'American Jewish Committee (AJC), créée en 1906 pour défendre les droits des Juifs. Cette année-là, Félix Warburg accompagnait Weizmann en Palestine où ils étaient reçus avec les honneurs dans une colonie sioniste de premier ordre, Nahalal, où Warburg tint ces propos : "« J’admire ce que j’ai vu ici et je suis confiant dans l’avenir du pays », a-t-il déclaré, concluant par cette remarque humoristique : « Je crains qu’à l’avenir, il n’y ait plus de candidats pour les sièges non sionistes de l’Agence juive, car tous les non-sionistes deviendront sionistes. »" ("Warburgs and Weizmann Visit Nahalal, the Leading Zionist Colony", article de la Jewish Telegrahic Agency, 28 avril 1929). Deux ans auparavant, alors que les discussions sur la formation de l'Agence juive sont en train d'aboutir, Louis Marshall prononce un discours très instructif de la part de quelqu'un qui se prétend non sioniste (ce que des historiens confirment, au même titre que F. Warburg : cf. Weinstock, 2011), et qui, dans le même temps, affirme que le sionisme n'a apporté que de bonnes choses et rêve à haute voix que les Juifs reconquièrent un jour le pouvoir en Palestine, le tout sans évoquer une seule fois le sujet arabe :
"« Ceux qui, pendant de nombreuses années, ont supporté le poids de la bataille pour une Palestine restaurée, avaient de nobles idéaux, de nobles motivations ; il n’y avait rien d’égoïste dans toute leur théorie et leur pratique », a déclaré M. Marshall. Ils croyaient que c’était vraiment l’une des missions des Juifs une fois de plus de s’installer en Palestine, d’aider à reconstruire les lieux incultes, de donner à ceux qui désiraient y vivre cette opportunité, afin qu’ils puissent vivre la vie qu’ils désiraient poursuivre.
« Pourquoi, demanda M. Marshall, m’opposerais-je à une entreprise qui a conduit à l’élaboration d’une pareille théorie ? Pourquoi devrais-je m’y opposer ? Pourquoi devrais-je m'exprimer contre elle ? Pourquoi ne devrais-je pas sympathiser avec cet idéal ? Je n’ai jamais été capable de comprendre cela. Vous savez tout ce que je ne suis pas et je n’ai jamais été un sioniste. Vous savez tous que j’appartiens à une congrégation réformée, que je suis président du temple Emanu-El, et pourtant, je trouve intéressant tout ce qui s’est emparé de l’esprit juif, non seulement de nos jours, mais dans les jours passés. Je ne pense pas qu’il soit incohérent d’être lié à une grande congrégation réformée et en même temps président d’un séminaire orthodoxe. Tous deux prêchent et pratiquent les principes de notre foi sacrée. Les deux sont destinés à glorifier Dieu – tous deux servent le judaïsme.
Le sionisme a accompli des merveilles au cours des vingt-cinq dernières années », a poursuivi M. Marshall.
Ils ont été la source d'une renaissance de l'étude et de la connaissance de la langue juive qui a fait de l’hébreu une langue vivante. Elle a donné à un peuple qui, à une certaine époque, était indifférent à notre histoire, quelque chose à vivre et à rechercher. Elle a été à l'origine de la création d’une grande université, la fondation de ce qui sera l’une des hauts lieux de connaissance dans le monde, à Jérusalem, et par conséquent, elle a donné aux Juifs un plus grand idéal.
« Le fait, dit M. Marshall, que l’on soit en désaccord avec certains aspects théoriques et académiques du mouvement ne devrait pas être une raison pour ne pas s’unir à ceux qui désirent édifier la Terre Sainte et lui rendre son utilité, sa beauté et sa grandeur qui n’est que naturelle.
« J’aurais honte de moi-même en tant qu’homme, si je sentais que, parce qu’une majorité de Juifs de certaines parties du monde ne désiraient pas réaliser cet idéal, je devrais m’opposer à eux ou à leurs idéaux. Il y a ceux qui disent : « Nous n’avons que faire du sionisme politique. Nous ne voulons pas d’un État juif. Eh bien, c’est un point de vue tout à fait Mais cela n’a aucune importance, lorsque nous examinons la question de savoir si la Palestine doit être reconstruite. Il n’y a aucun danger qu’un État juif s’y organise à notre époque. Quiconque en parle n’a l’idée que ce serait faisable. Nous sommes satisfaits, nous tous qui avons de la sympathie pour la Palestine, de donner la possibilité d’y vivre à ceux qui le peuvent, qui peuvent y gagner leur vie et devenir économiquement indépendants. Personne n’est obligé de devenir membre d’un État qui n’existe pas et qui n’existera pas jusqu’à ce que le temps arrive où les Juifs pourront être majoritaires en Palestine. Pour l'instant, ils ne le sont pas, et il est peu probable qu’ils le soient avant de très nombreuses années. Leur situation sera alors, si cela se produit, exactement ce qu’est la situation de n’importe quel peuple aux États-Unis aujourd’hui. La majorité gouverne en général, et s’il y avait une majorité de Juifs à Far Rockaway, ou dans n’importe quelle ville alentour, et qu’ils décidaient d’élire des Juifs à des postes, ce serait dans les limites légitimes du système politique qui prévaut dans tous les pays civilisés. N’ayez donc pas peur, mes bons amis, qui vous êtes jusqu’ici opposés au sionisme au motif que vous ne croyez pas en un État juif."
Louis Marshall, discours dans le cadre de la Far Rockaway Division of the United Palestine Appeal (UPA), tenu dans le Congregation Shaaray Tefila Center, à Far Rockaway (Queens, New-York), dans "Louis Marshall in Speech Urges Harmonious Effort for Palestine Rebuilding", article de la Jewish Telegraphic Agency, 15 mars 1927.
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C'est seulement au moment d'aborder, en forme de réponse, le rapport cinglant du Dr Henry Smith Pritchett (1857-1939), que Marshall touche aux sujets qui fâchent. Le 29 novembre 1926 paraissait dans le New York Times un rapport intitulé "Zionism Will Fail" ("Le Sionisme échouera"), en forme de condamnation virulente de l'entreprise sioniste par le scientifique américain, astronome, professeur de mathématiques, président du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT) entre 1900 et 1906 et membre du conseil d'administration de la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale (Carnegie Endowment for International Peace, CEIP), pour laquelle il avait rédigé ledit rapport après une grande tournée au Moyen-Orient, à destination du président de la fondation, Nicholas Murray Butler (1925 – 1945), déclarant en substance que la colonisation juive attisait les haines, soulignant le choc entre Juifs et Arabes, la pauvreté du pays, etc.. un ensemble de faits mis sous le tapis par Marshall dans son discours, soi-disant "non sioniste". Pritchett laissait entendre que la renaissance d'une Palestine juive enflerait l'ego racial des Juifs (ce qui était le cas, en fait, depuis très longtemps déjà chez les sionistes, nous l'avons vu). Qu'à cela ne tienne, l'orateur lui rétorque a posteriori : "Dans ce cas, réhabilitons-le. Je suis prêt à tenter ma chance doté de l'ego racial" (Marshall, op. cité) Comme tout partisan du sionisme qui se respecte, en fait, Marshall ne s'intéressait pas le moins du monde à la réalité concrète du drame palestinien mais uniquement à la gloire du peuple hébreu : "L'histoire de l'héroïsme des Chalutzim, ajouta-t-il, constitue un chapitre de l'histoire juive qui devrait faire frissonner chaque Juif. Parfois, ils n'ont pas de pain à manger, mais ils chantent les cantiques de Sion. (...) Je n’ai pas l’habitude de poser cette question, mais que dira le monde, si la communauté juive américaine retirait maintenant son soutien, et disait que nous n'aurons rien de tout cela, que tout effort serait voué à l'échec et qu’une telle opportunité ne serait jamais plus offerte au peuple juif ? L’idéal de la Palestine, a-t-il encore déclaré, représente non seulement l’accomplissement de l’aspiration juive depuis les temps anciens, mais il a le soutien de beaucoup de grands hommes, quelle que soit leur croyance, qui reconnaissent la poésie de ce mouvement que nous appelons le sionisme." (op. cité)
Avec le désengagement du Royaume-Uni de la construction d'un Etat juif en Palestine, les dirigeants sionistes se tournent donc davantage vers les Etats-Unis pour continuer la réalisation de leur projet colonial. Le 20 juin 1939, Rabbi Solomon Goldman, président de l'Organisation sioniste américaine, écrit à Weizmann, président de l'Organisation sioniste mondiale (1921-1931 et 1935-1946) : "Nous avons toutes les raisons de penser que le président a une fine compréhension de notre mouvement et la plus profonde sympathie pour celui-ci" (Halperin et Oder, 1962). L'entrée des Etats-Unis dans le conflit mondial en décembre 1941 est aussi un atout pour la cause sioniste : "Or les Etats Unis abritent la plus importante communauté juive du monde, la plus puissante aussi. Le sort infligé aux communautés juives d’Europe ne peut que renforcer son influence et c’est aux organisations américaines qu’est confié le soin d'élaborer le nouveau programme sioniste. Le centre de gravité du sionisme se déplace donc vers les Etats-Unis et cette tendance ira en s’accentuant." (Perrin, 2000). En janvier 1942, Weizmann écrit un article pour la prestigieuse revue américaine Foreign Affairs appelant les puissances occidentales à soutenir la création d'un "commonwealth" juif en Palestine (Masalah, 1992), terme repris par la conférence extraordinaire que les sionistes américains organisent à Biltmore le 11 mai 1942.
Il faut cependant relativiser la marche en arrière du gouvernement britannique sur la question palestinienne. Comme Martin Gilbert, le grand biographe de Churchill l'a rappelé :
“ Weizmann avait accès à Churchill. Ils se connaissaient depuis la Première Guerre mondiale (...) Lors de leur première discussion, le 17 décembre 1939, Weizmann pressa Churchill sur cette question de l’avenir de la Palestine après la guerre. (...) Le Dr Weizmann a dit à M. Churchill : « Vous avez été le berceau de cette entreprise. J’espère que vous irez jusqu’au bout. » M. Churchill demanda ce que le Dr Weizmann entendait par « aller jusqu’au bout ». Le Dr Weizmann répondit qu’après la guerre, les sionistes souhaiteraient avoir un État de quelque 3 à 4 millions de Juifs en Palestine. M. Churchill a dit : « Oui, je suis tout à fait d’accord avec cela. » ”
Martin Gilbert, Churchill and the Holocaust : The Possible and Impossible, discours prononcé au U.S. Holocaust Memorial Museum, Washington, le 8 novembre 1993, article de l'International Churchill Society, 3 juin 2009.
À la veille de la seconde guerre mondiale, Churchill a contre lui les principaux leaders de son propre camp conservateur, le chef du parti Neville Chamberlain, qui écrit en privé à sa sœur : "Les Juifs ne sont pas des gens aimables, je ne m’en soucie pas moi-même.", ou encore le premier ministre MacDonald, le même qui avait permis un boom fantastique de l'immigration juive en Palestine, nous l'avons vu, et qui ensuite "avait spécifiquement refusé de délivrer des visas à quelque 25 000 enfants juifs polonais au motif que cela serait, entre autres, bien qu’il ne s’agisse pas techniquement d’une violation du Livre blanc de 1939 sur l’immigration, considéré par les Arabes comme une violation." (Gilbert, op. cité). Du 10 mai 1940 au 26 juillet 1945, Churchill a beau être au sommet du pouvoir, en tant que premier ministre du Royaume-Uni, il doit harceler "constamment son propre personnel pour être informé de ce qui se passe" (op. cité) quand il s'agit du problème de l'immigration juive en Palestine, qui continue (depuis très peu de temps, rappelons-le) d'être combattue par son gouvernement (au mépris parfois d'un devoir d'humanité : cf. l'épisode du Patria et du Struma, plus haut). Et quand Roosevelt et Churchill se rencontrent le 14 août 1941, sur le navire de guerre HMS Prince of Wales, au large de Terre-Neuve, pour établir "certains principes communs de la politique nationale de leurs pays respectifs sur lesquels ils fondent leurs espoirs d'un avenir meilleur pour le Monde" (The Atlantic Charter), ils s'engageaient à ne faire "aucune modification territoriale qui ne soit conforme aux désirs librement exprimés des populations intéressées." (op. cité). Mais selon Martin Gilbert, toujours, quand Roosevelt présentera son texte, basé sur les Quatorze points de Woodrow Wilson ("Fourteen Points", 8 janvier 1918), Churchill soutiendra "cette promesse, mais pas en ce qui concerne les Arabes de Palestine, expliquant à Roosevelt que «la majorité des arabes pourraient prétendre à expulser les Juifs de Palestine, ou en tout cas interdire toute immigration future. » Churchill a ajouté, pour expliquer son inquiétude : « Je suis fortement attaché à la politique sioniste, dont j'ai été l'un des auteurs. »" (Gilbert, 2007).
L'entrée des Etats-Unis dans le conflit mondial en décembre 1941 est aussi un atout pour la cause sioniste : "Or les Etats Unis abritent la plus importante communauté juive du monde, la plus puissante aussi. Le sort infligé aux communautés juives d’Europe ne peut que renforcer son influence et c’est aux organisations américaines qu’est confié le soin d'élaborer le nouveau programme sioniste. Le centre de gravité du sionisme se déplace donc vers les Etats-Unis et cette tendance ira en s’accentuant." (Perrin, 2000). En janvier 1942, Weizmann écrit un article pour la prestigieuse revue américaine Foreign Affairs appelant les puissances occidentales à soutenir la création d'un "commonwealth" juif en Palestine (Masalah, 1992), terme repris pendant le Congrès sioniste extraordinaire (Extraordinary Zionist Congress), que les sionistes américains organisent à l'Hôtel Biltmore entre le 6 et le 11 mai 1942. La déclaration finale du Congrès, en huit points, est éloquente sur la permanence idéologique du sionisme, qu'on en juge : Après avoir déclaré leur "dévouement sans équivoque à la cause de la liberté démocratique et de la justice internationale" (texte de la déclaration Biltmore, 11 mai 1942), les sionistes américains affirment sans vergogne que les Juifs "ont écrit une page remarquable dans l'histoire de la colonisation". et "qu'en "particulier au cours des vingt dernières années, le peuple juif a réveillé et transformé son ancienne patrie" (op. cité, 4), que leurs "voisins arabes en Palestine ont partagé ces nouvelles valeurs ainsi créées. Le peuple juif dans son propre travail de rachat national accueille le développement économique, agricole et national des peuples et des États arabes. La Conférence réaffirme la position adoptée précédemment par les Congrès de l'Organisation Sioniste Mondiale, exprimant la disponibilité et le désir du peuple juif de coopérer pleinement avec ses voisins arabes." (op. cité, 5). Sans complexe encore, les sionistes réclament que "l'Agence juive soit investie du contrôle de l'immigration en Palestine et qu'elle ait l'autorité nécessaire pour construire le pays, y compris le développement de ses terres inoccupées et non cultivées ; Et que la Palestine soit établie comme un Commonwealth juif intégré dans la structure du nouveau monde démocratique." (op. cité, 8).
Le message délivré par les sionistes aux Arabes palestiniens n'a pas changé d'un iota. Évitant soigneusement le débat religieux, il base la prétention des Juifs à défendre et à gouverner la Palestine principalement sur leur valorisation économique du pays. Non seulement, l'argument, décliné sous diverses formes, est profondément indigent en regard de la situation, mais il est, de plus, en partie erroné et entaché d'inégalités, nous l'avons vu. Non seulement les sionistes ne se défendent pas de la colonisation, si décriée par les autochtones, mais ils s'en vantent : "de 50.000 à la fin de la dernière guerre le nombre de Juifs est monté à plus de 500.000." (op. cité, 4). Au final la déclaration Biltmore traduit encore une fois le profond mépris et la totale indifférence envers les Arabes palestiniens et leurs doléances de justice, maintes fois exprimées. Le "peuple juif" est cité six fois, le "peuple palestinien" aucune, c'est encore un autre signe qui ne trompe pas.
Toute autre est la légitime préoccupation des congressistes vis-à-vis des crimes abominables causés à l'endroit des Juifs, particulièrement dans les ghettos et les camps de concentration du IIIe Reich hitlérien. On comprend aisément qu'ils souhaitent que le nouvel ordre mondial, après la guerre, résolve "le problème des Juifs sans foyer", mais au lieu de chercher une solution acceptable par tous, ils cherchent à imposer unilatéralement la solution choisie par la doctrine sioniste et demandent " instamment que les portes de la Palestine soient ouvertes", ce qui nous ramène à la position, inacceptable par les Arabes, tenue de manière intangible par les sionistes depuis les débuts de la colonisation.

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