Fernando «Pino» Solanas est décédé à l'âge de 84 ans
- 7 nov. 2020
- Par Carlos Schmerkin
- Blog : Le blog de Carlos Schmerkin

La nouvelle de sa mort a été confirmée par le ministère des Affaires étrangères juste après minuit. "Énorme chagrin pour Pino Solanas. Il est mort dans l'exercice de ses fonctions d'ambassadeur d'Argentine auprès de l'UNESCO. On se souviendra de lui pour son art, pour son engagement politique et pour son éthique toujours au service d'un pays meilleur. Un câlin à sa famille et ses amis »
Cinéaste et militant politique

Lors d'un reportage réalisé par Juan Ignacio Boido en 1998 Solanas affirmait: «Avec La hora de los hornos, je suis sorti pour découvrir la vérité d'un pays. C'était le moment le plus épique du projet. La discussion à l'époque était celle de la poule et de l'œuf: qu'est-ce qui arrive en premier, la révolution ou le cinéma révolutionnaire? L'Heure des brasiers...ouvrit la troisième voie. Et aujourd'hui, il est très difficile de transmettre la ferveur avec laquelle à l'époque nous allions projeter clandestinement le film. Plus de soixante copies ont circulée pour se faufiler partout, des comités de base aux usines, en passant même par les églises. »
L'étape suivante, également liée à la politique, a été la réalisation avec Getino de "Perón: actualización política y doctrinaria para la toma del poder" (Perón, une mise à jour doctrinale pour la prise du pouvoir, 1971), un entretien approfondi avec le général Juan Domingo Perón pendant son exil à Madrid.
Après le coup d'État de 1976, le cinéaste est alerté qu'un commando de la Marine tenterait de le kidnapper, alors il décide de s'enfuir en Espagne, puis décide de s'exiler en France.
Le retour de la démocratie en Argentine (1983) est marqué par deux films primés "Tangos, el exilio de Gardel", qu'il a présenté en 1985, et "Sur", en 1988, avec lequel il a remporté le prix du meilleur réalisateur à Cannes.
En mai 1991, Solanas est blessé par quatre balles dans les jambes par une rafale de mitrailleuse tirée d'une voiture par deux hommes. Il avait sévèrement critiqué la dérive libérale du président péroniste Carlos Menem qui l'avait poursuivi après avoir décrit le gouvernement comme "un gang d'escrocs, corrompus et traîtres".

En 2003, il présente "Memoria del saqueo" (Mémoire du saccage) , un documentaire qui reflète la crise de 2001. En 2005 "La dignidad de los nadies" (La dignité d'un peuple), est primé à Montréal, Venise, Valladolid et La Havane.
Faché avec le kirchnérisme, en 2007, Solanas est candidat à la présidence de Proyecto Sur. Il atteint 1,6 % des voix. Critique sévère des politiques de transport, il présente en 2008 "La próxima estación" (La prochaine gare), un tableau dévastateur des conditions du service ferroviaire.
Son dernier film, "Viaje a los Pueblos Fumigados" (Le grain et l'Ivraie, 2018) sorti en France en avril 2019 est un plaidoyer contre la culture du soja OGM et contre l'utilisation intensive des agrotoxiques qui impacte sur la santé des habitants des zones agricoles.
De plus en plus éloigné du gouvernement de Cristina Kirchner, il est élu député en 2009 avec 24% des voix. En 2013, il rejoint l'UNEN avec la Coalition Civique Ari, l'Union Civique Radicale, Libres del Sur, GEN et le Parti Socialiste. Avec Fernanda Reyes, il remporte l'élection et il est élu sénateur.
Il a été sénateur national de 2013 jusqu'en 2019. Pendant les deux premières années, il était dans l'opposition au péronisme, mais avec l'arrivée de Mauricio Macri à la Casa Rosada en 2015, il a progressivement modifié sa relation avec ses anciens collègues jusqu'à ce qu'il rejoigne le Frente de Todos de la ville de Buenos Aires.
Pino Solanas au Sénat argentin
Fernando Pino Solanas avait été élu poste de premier député de CABA (Ville de Buenos Aires) pour le Frente de Todos, en obtenant 35% des voix. Avant de prendre ses fonctions, il avait accepté de représenter l'Argentine à l'UNESCO, à la demande spéciale du président Alberto Fernández. Installé à Paris depuis quelques mois, le 5 octobre voyage en Italie pour rencontrer le Pape François au Vatican. Quelques jours plus tard il est testé positif au COVID-19.
Sa disparition est une perte irréparable pour sa famille mais aussi pour de milliers d'Argentins qui l'ont connu, qui se sont formés grâce à ses combats. "On vient de perdre un titan de grandes causes" vient de m'écrire son fils Juan.
*"Que sea ley" (Femmes d'argentine, 2018) le documentaire de son fils, Juan Solanas a été présenté en Séance spéciale du Festival de Cannes en mai 2019. Le film exalte la lutte des féministes pour la légalisation de l'IVG en Argentine, où une femme meurt chaque semaine des suites d'un avortement clandestin. Le président Alberto Fernández s'est engagé à présenter un projet de loi cette année.
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