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Billet de blog 9 janv. 2023

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Argentine : Démocratie ou mafia

La mafia judiciaire en Argentine peut conduire à la proscription de la dirigeante la mieux placée pour les élections présidentielles de cette année, l’actuelle vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner. Une droite dure alliée avec une naissante extrême droite pourrait alors revenir aux affaires et suivre les traces du Brésil de Bolsonaro.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’invasion par des extrémistes sympathisants de l’ex président Jair Bolsonaro des trois principales institutions brésiliennes (le Congrès, le Tribunal Supérieur de Justice et le palais présidentiel), est le corollaire d’une série de coups d’État déguisés qui ont commencé par la destitution de la présidente Dilma Roussef en 2016 puis par l’emprisonnement de Lula (avril 2018), l’empêchant de se présenter aux élections présidentielles. Ceci a permis a l’ex militaire Bolsonaro d’être élu en 2018. Lula, - blanchi des fausses accusations et libéré en novembre 2019 -, élu président pour la troisième fois en octobre 2022, vient d’affronter avec énergie une véritable tentative de coup d’État, une semaine après sa prise de fonction.

En Argentine, le 1er janvier 2023, le président Alberto Fernández a surpris en publiant lors de ses vœux du nouvel an sur Twitter, l’annonce qu'il soumettrait au Congrès une demande de destitution contre le président de la Cour suprême de justice de la Nation, Horacio Rosatti. Deux jours plus tard, il annonçait sur le même réseau social qu'il avait signé la requête pesant également sur les 3 autres autres membres de la plus haute juridiction, Juan Carlos Maqueda, Ricardo Lorenzetti et Carlos Rosenkrantz.

Le gouvernement a confirmé qu'il officialisera cette semaine l' appel à des sessions extraordinaires du Congrès afin que débute dans la seconde quinzaine de janvier le procès politique du président de la Cour suprême , Horacio Rosatti, pour "violation de la Constitution nationale". Les questions incluses dans la demande de destitution sont au nombre de deux : la décision qui ordonne le retour du pourcentage de coparticipation financière fédérale au gouvernement de la Capitale et l'application illégale d'une loi abrogée il y a 16 ans pour que Horacio Rosatti assume également la direction du Conseil de la magistrature.

Sur les deux questions, la Cour suprême casse la séparation des pouvoirs parce qu'elle est intervenue dans le pouvoir législatif et exécutif en faisant appliquer une loi abrogée et parce que, dans le cas de la coparticipation, elle est passé outre les attributions du pouvoir exécutif et du Congrès afin de prendre une décision qui implique la répartition des fonds, sur la base de ce que la Constitution établit.

Une mise en accusation de la Cour suprême est un événement grave, justifié par des événements récents. Les cas de corruption et de partialité sont malheureusement nombreux.

Tout d’abord, un tchat récent dévoilé par la presse entre le porte parole du président de la Cour Suprême Horacio Rosatti et Marcelo D’Alessandro, ministre de la Sécurité et de la Justice de la ville de Buenos Aires (actuellement «mis en congé»), révèle des appels d'offres truqués et d'enveloppes avec des milliers de dollars avec le propriétaire d’une entreprise de dépanneuses et de stationnement de la capitale argentine. 

Un autre événement - paradigmatique du niveau de déliquescence du système judiciaire - est celui de la juge María Eugenia Capuchetti, chargée d'enquêter sur la tentative d'assassinat de la vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner. Bien que la loi l'interdise, la juge travaille en parallèle pour le parti d'opposition - « Juntos por el Cambio (Ensemble pour le changement) – qui gouverne la capitale argentine. Ces liens l'empêchent de remplir son rôle de juge de manière impartiale : l'attentat contre la vice-présidente a eu lieu le 1er septembre 2022 et, depuis, la juge Capuchetti n'a non seulement pas réussi à faire progresser l'enquête, mais elle n'a pas non plus arrêté plusieurs des suspects (en particulier ceux dont les liens sont clairement liés à l'opposition de droite) et impliqués dans l'attentat.

Un autre exemple : Jorge Rendo et Pablo Casey, respectivement président et avocat du Grupo Clarín, ont invité un groupe de fonctionnaires, de juges et de procureurs directement liés à la persécution judiciaire de Cristina Fernández de Kirchner à passer quelques jours à Lago Escondido, le ranch patagonien du magnat anglais Joe Lewis, ami personnel de Mauricio Macri. Lorsqu'ils ont été découverts, ils ont tenté de dissimuler cette réunion en préparant des fausses factures et en essayant d’orienter l'affaire dans laquelle ils font l'objet d'une enquête. Des preuves irréfutables ont permis la mise en accusation des impliqués. Voir ici 

Réactions

Les Mères et Grands-mères de la Place de Mai, le prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel et plus de huit mille cinq cents personnalités - intellectuels, scientifiques, artistes, défenseurs des droits de l'homme, militants sociaux, éducateurs, représentants syndicaux, etc. - ont soutenu, par le biais d'une pétition, la destitution de la Cour suprême de justice que le président Alberto Fernández et plusieurs gouverneurs de province (11 sur 23), ont présentée au Congrès national. L'ampleur du soutien ne peut s'expliquer que par la gravité des délits commis par le pouvoir judiciaire ces dernières années et le danger réel pour la démocratie en Argentine.

Traduction de la pétition publiée dans deux journaux argentins (Página 12 et Tiempo Argentino).

Illustration 1
Petition publiée dans Pagina 12 et Tiempo Argentino

Démocratie ou mafia

Buenos Aires, le 8 janvier 2023.
Les groupes et les citoyens qui ont signé ce document - intellectuels, artistes, scientifiques, dirigeants et militants sociaux, représentants syndicaux, journalistes, éducateurs et travailleurs culturels et scientifiques - veulent accompagner ce moment historique et dramatique que traverse notre démocratie. Nous voulons apporter notre point de vue et engager notre lutte pour parvenir à une époque de paix, de justice et de bien-être collectif.
Ces derniers jours, nous avons pu voir et vérifier les plis et les replis du pouvoir réel - économique, médiatique et judiciaire - qui empoisonnent le cœur de notre pays par le mensonge, la haine, la violence et l'injustice. Les cas de collusion entre des juges fédéraux, un ministre de la sécurité et de la justice de la CABA (Ville Autonome de Buenos Aires) et d'autres niveaux du pouvoir judiciaire sont un exemple de l'injustice dont notre peuple est victime au quotidien.

- Le lien direct, contraire à la législation et à l'éthique entre le ministre de la sécurité et de la justice de la CABA et un collaborateur direct du président de la Cour suprême, favorisant l’octroi de la coparticipation correspondant aux provinces à la ville de Buenos Aires, cœur du capitalisme, du colonialisme et la dépossession.

- La négociation truquée concernant - selon des informations diffusées publiquement – des appels d'offres relatifs au système de dépanneuses, marché attribué directement par le maire de la capital à une entreprise et donnant lieu à des pots-de-vin.

Avant même cela, la pire urgence du pouvoir judiciaire s'est manifestée avec la condamnation sans preuve et la proscription de la vice-présidente de la nation, Cristina Fernández de Kirchner, dans le prolongement de la tentative d'assassinat dont elle a été victime. Il est impératif de mettre un terme à cette collusion qui affecte profondément la démocratie, l'État de droit et la vie en commun.
Nous soutenons la mise en accusation de la Cour suprême, suite à l'utilisation fallacieuse de la coparticipation en faveur de la campagne politique d'Horacio Rodríguez Larreta (maire de la ville de Buenos Aires), comme une mesure qui débute une voie émancipatrice. La contribution que la Cour suprême entend donner au PRO (parti macriste) est une opération comparable à celle que Mauricio Macri a mise en œuvre avec le FMI en recevant 45 milliards de dollars pour sa campagne politique de 2019, que des générations d'Argentins devront payer, dans un acte de pillage de ce gouvernement et de ses fonctionnaires, qui n'a pas encore été puni.
Pour mettre fin à un processus de manipulation qui a débuté le 24 mars 1976, jamais démantelé au cours des années de démocratie, et à une justice corporative qui répond à des intérêts idéologiques et de classe, nous devons parvenir à un nouvel équilibre au sein du pouvoir judiciaire. C'est la seule façon de réformer une législation qui favorise aujourd'hui, dans ses termes et son fonctionnement, la mafia qui profite du régime, dont l'expression maximale réside dans l'enracinement de Juntos por el Cambio (aliance de droite) et de ses alliés d’extrême droite « libertaire », et dans sa résistance à mettre fin à l'État parallèle, mafieux et criminel qu'il a instauré pendant ses années de gouvernement.
Ce qui est énoncé ici concerne les oubliés de la démocratie. L'antinomie « Démocratie ou mafia » exprime la gravité du moment que nous vivons. Quarante ans après le retour aux institutions démocratiques et la fin de la terreur dictatoriale et génocidaire, nous soutenons une culture de la légalité, de la vie en liberté et la justice pour tous les Argentins.

Adhesions :

Taty Almeida - Vera Jarach (Madres LF) - Estela de Carlotto (Abuelas) - Lita Boitano (Familiares) - Adolfo Pérez Esquivel (Serpaj) – Nora Cortiñas - Mauricio Kartún - Mempo Giardinelli - Hugo Yasky (Sec. Gral. CTA de lxs Trabajadorxs) - Alberto Kornblihtt - Atilio Borón - Teresa Parodi - Miguel Repiso (Rep) - Dora Barrancos -  Sonia Alesso (Sec. Gral. CTERA) - Daniel Santoro - Edgardo Llanos (Sec. Gral. APA) - Stella Calloni - Ana María Careaga - Angelica Graciano (UTE) - Cecilia Roth - Roberto “Roby” Baradel (Sec. Gral. SUTEBA) – Claudio Marín (Sec. Gral FOETRA) - Cecilia Rosetto - Patricio Contreras - Daniel Catalano (Sec. Gral ATE Capital) - Mabel Careaga, Hector Francisetti. Perla Bonatti, Adolfo Mango (Familiares y Compañeros de los 12 de la Santa Cruz) - Elisabeth Gómez Alcorta - Matías Fachal (Sec. Gral. Federación Judicial Argentina) - Gabriela Alegre (Asociación Buena Memoria) - Ana Celentano - Roberto “Beto” Pianelli (Sec. gral. METRODELEGADOS) - Jorge Auat - Rocco Carbone - RADAR Intersindical de Cultura (CGT - CTA) - Alejandra Gils Carbo - Alejandro Grimson - Juano Villafañe - Alejandra Darin (ACTORES) -  Osmar Nuñez - Yamile Socolovsky (CTA-T/CONADU) - Telma Luzzani – Carlos de Feo (Sec. Nac. CONADU) - Osvaldo Quiroga - ENCUENTRO DE LA MILITANCIA JUDICIAL -  María Seoane - APDH La Matanza - Edgardo Mocca - Ernesto Villanueva (UNAJ) - Roberto Salvarezza - Pompeyo Audivert - Carla Gaudensi (FATPREN) - Juan Carlos Junio - Ricardo Carrizo - Ana Arias (Decana Ciencias Sociales - UBA) - Alejandro Tarruella - Jorge Mancinelli - Vicente Battista -  Juan Falú –  Agustín Lecchi (SIPREBA) - Daniel Tognetti - Alicia Castro - Mesa Intersindical de DDHH (CGT - CTA) - Pedro Saborido – María Elena Naddeo - Jorge Halperin - Mex Urtizberea - Santiago Varela - Ricardo Forster – Nahuel Sosa - Comisión DDHH Instituto Patria - María Pia López - Graciela Morgade - Nilda Garré - Paula Klachko - Jorge Elbaum - Liliana Mazure - Federico Montero (Sec. Gral. CONADU) - Carlos Raimundi (Embajador argentino en OEA) - Liliana Herrero - Cristina Caamaño - Sergio Maldonado - Marián Farías Gómez - Manuel Callau - Luis Puenzo - Alejandra López (Sec. Gen. SADOP Capital) - Cristina Banegas - Alejandro Apo - Araceli Bellotta - Ariel Garbarz - Paula de Luque – Gustavo Ciampa - Corriente de Abogados y Abogadas Laboralistas 7 de Julio – Confluencia Federal de Laboralistas -  María Cristina Perceval - Eduardo Rinesi - Ricardo Aronskind - Pablo Perazzi (Sec. Gen. FEDUBA) -Víctor Kot - Eduardo López (UTE - CTA Ciudad) - Daniel Pérez Guillén (CTA Pcia Bs As) - María José Goldín – Jorge Kreyness - Guillermo Wierzba - Luisa Vivanco – Carlos Schmerkin - Darío Capelli - Silvio Schneck - Rubén Ciuró (FeTIA-CTA) - Javier Juárez (APSEE - SubSecretario Rel. Intersindicales) - FATICA (Fed. Trabajadores del Cuero) - Horacio Gargano - Nora Lafon - Agustina Panissa, Juan Manuel Sueiro, Soledad Santellan, Romina Piccirillo, Sandra, Clarisa Spataro, Sandra Di Claudio, Ignacio Cámpora, Camila Lynn (ATE Capital) - Omar Quiroga - Judith Said - Alberto Moya - Marcelo Figueras - Malena Winer, Federico Amigo (Pres. y vice coop. Tiempo Argentino) - Gustavo Romero - Nora Merlin -  Ricardo Manetti - Marcelo Campagno - Conrado Yasenza (La Tecla Eñe) - Roberto Bo (Inv. Conicet) - Nelly Saporiti - Vicente Muleiro - Pablo Lago - Amancay Espíndola - Jorge Garacotche - Guillermo Pilia - Ricardo Díaz Mourelle - Natacha Koss - Cristian Forteza - Beinusz Szmukler - Claudia Rocca - Zidy Medina - Soledad Quereilhac - Adriana Rodríguez Pérsico - Jorge Boccanera - Nelly Minyersky - Nicolás Lisoni - Milcíades Peña - Alejandro Kaufman - Hugo Presman - Guillermo Ricca (CLES UNRC) - Silvio Feldman - Diego Tatián - Ester Szlit - Aurelio Narvaja - Juan Vallerga -  Ricardo Gené - Guillermo Paulino - Américo Cristófalo - Mariana Gainza - Gisela Catanzaro - Laura Tissembaum - Ivana Brighenti - Juan Alonso - Hugo Pitotti - Osvaldo Andreoli - Silvia Horne - Leopoldo  "teuco" Castilla - Javier Romero - Claudio César Orellano - Marcelo S. Luizetto - Alexia Massholder - Marcelo F. Rodríguez - Ricardo M. Theller - María Eugenia Muñiz - Ágata Iris Maimone - Adriana Pedrolo - Elisa Giordano - Mario Giorgi - Roberto Retamoso - Pelusa Luchini - Jorge Testero - Roberto García - Adriana Granica - María Cristina Hammermuler - Héctor Varas (Coordinadora por la Renacionalización del Cobre) - Diego Belauzarán Colombo - Les Jóvenes - Mauricio Nizzero -  José Luis Vanegas - Graciela Mirta - Guadalupe Raffaeli - Liliana Duran -  Hernan Brienza - Guadalupe Santana, Guillermo Ormachea (SIGURA GUARDAVIDAS) - Liliana Hendel -   Nicolas Escobari - Marina Glezer - María Teresa Méndez - José María Sabaté - Frank Cristian Manuel - Juan José Salinas - Víctor Salinas - Ricardo Morini - Marta Riskin - Eduardo Tavani….

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