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Billet de blog 16 mars 2024

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Une nouvelle défaite pour Javier Milei

Les sénateurs argentins ont voté contre le DNU (Décret de nécessité et d’urgence) ce jeudi 14 mars à une large majorité. Deuxième défaite du président Milei après le retrait le 6 février de la « loi omnibus » à la Chambre de députés.

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Décidément, 90 jours après sa prise de pouvoir le 10 décembre 2023, le président d’extrême droite Javier Milei n’arrive pas à faire adopter les réformes qu’impliquent la liquidation de l’État social argentin. En réalité, en soutenant que « l’État est une organisation criminelle » ou « qu’il préfère la mafia à l’État » le président libertarien s’attelle à gouverner par décrets en menaçant de la dissolution du parlement.

Le DNU 70/2023 avec ses plus de 300 articles, est toujours en application depuis le 29 décembre 2023: il modifie le code civil et commercial pour consacrer le libre choix de la monnaie dans les contrats, ouvre la porte à la privatisation des entreprises publiques et abroge plus de 80 lois, dont celle sur la location des logements - qui laisse les propriétaires libres d'imposer les conditions qu'ils veulent à leurs locataires -, sur l'approvisionnement, sur la promotion industrielle et sur la promotion commerciale. Le décret a libéralisé les prix des denrées alimentaires, des médicaments et de l'assurance maladie privée, provoquant de fortes hausses au cours des trois derniers mois. Il prévoit également l'adoption d'une politique de ciel ouvert pour encourager la concurrence entre les compagnies aériennes et la vente de Aerolineas Argentinas, la compagnie nationale. Par contre les six articles sur les réformes du travail ont été bloqués par la justice.

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Vote contre le DNU au Sénat argentin © Página 12

Le résultat du vote au Sénat : 42 contre le DNU, 25 pour, et 4 abstentions, reflète la fragilité du groupe parlementaire du président (7 sénateurs sur 72) . Ce camouflet a provoqué la colère de Milei en insultant et menaçant, non seulement les sénateurs qui ont voté contre mais aussi contre Victoria Villaruel, sa vice-présidente et également présidente du Sénat, pour avoir convoqué la session.

La prochaine étape sera le vote à la Chambre des députés qui doit se prononcer pour ou contre le DNU. Si le résultat est favorable au président le décret sera validé malgré le vote négatif du Sénat.

Sur les 257 députés, Milei peut compter sur 93 voix sures: 39 de son parti (LLA : La Libertad Avanza), 37 députés du PRO (parti de l’ex président Macri) et 17 députés alliés divers droite. Selon le média Infobae, « l'UCR (Union Cívica Radical) compte 34 députés, dont 17 sont actuellement en faveur de l'approbation du DNU et 11 pourraient s'y opposer ».

Toujours selon Infobae, 106 députés seraient contre : les 99 de « Unión por la Patria », les 5 du « Frente de Izquierda » et les 2 du bloc « Por Santa Cruz » et l'on peut supposer qu'il n'y aura pas de fuites. Concernant les 23 députés de « Hacemos Coalición Federal », une majorité serait d’accord pour voter contre le DNU ainsi que les 6 députés de la « Coalición Cívica ». « Si l'opposition parvient à réunir chacun de ces législateurs qui sont contre ou qui ont des doutes, cela ferait 131 voix contre 126 que le parti au pouvoir pourrait réunir. Toutefois, ce décompte, effectué quelques heures après le rejet du décret au Sénat, ne considère pas des éventuelles absences ou abstentions, et il est fort probable que cela se produise lorsque la loi sera débattue dans l'hémicycle » conclu le journaliste David Cayón.

Plaintes et demandes de destitution

Milei vient de vivre la pire semaine de son mandat. Samedi dernier, il a été révélé qu'il avait signé un décret augmentant son salaire de 48 % pour le porter de 4 a 6 millions de pesos (4000 à 6000 euros). Face à l’ampleur du scandale il a fait marche arrière en limogeant sans explication un fusible : le secrétaire au Travail, Omar Yasin.

Vendredi 15 mars le président a été dénoncé devant la justice fédérale de Córdoba pour violation des traités internationaux, manquement aux devoirs, d'abus d'autorité et d'association illicite: une nouvelle action en justice contre l'abrogation de la loi foncière contenue dans le DNU 70/2023.

La plainte a été déposée auprès du ministère public par Raúl Montenegro, professeur à l'université nationale de cette province. Le plaignant a fait valoir dans sa présentation que la dérogation permettrait la vente illimitée de forêts, de glaciers et de gisements de minéraux, entre autres, à des particuliers et à des entreprises étrangères, ce qui est contraire aux réglementations environnementales et à la consultation des communautés autochtones.

Selon le média CBA24N, « M. Montenegro a demandé au pouvoir judiciaire d'enquêter sur la manière dont le DNU a été rédigé et sur l'influence éventuelle de consultants liés à des intérêts privés. Il a également qualifié le DNU d'"absolument nul et non avenu", en s'appuyant sur les arguments juridiques fournis par l'ancien juge fédéral Miguel Julio Rodriguez Villafañe.

Par ailleurs plusieurs demandes de destitution et plaintes ont été déposées contre le président et ses ministres. Fin février, c’est l'ancien candidat à la présidence, Ramiro Eduardo Vasena qui a déposé une demande de mise en accusation de Javier Milei pour "malversation dans l'exercice de ses fonctions". La pétition, présentée à la Chambre des députés accuse Milei d'avoir "mis en péril" la séparation des pouvoirs. Le 31 janvier Un syndicat, une association de photojournalistes et une ONG, ont porté plainte contre le protocole répressif de sa ministre de la sécurité, Patricia Bullrich.

Face à une dégradation insupportable de la vie quotidienne des argentins dûe à l’inflation annuelle la plus importante au monde (274 % publiée en février), affectant essentiellement la classe moyenne et les couches de la population les plus défavorisées, le gouvernement de Javier Milei reste insensible aux malheurs de gens. Il suspend l’aide aux 40 000 centres de distribution d’aliments pour les plus pauvres, prive les personnes dépourvues de couverture sanitaire des médicaments contre le cancer, maladies chroniques invalidantes et pathologies aiguës urgentes.

Milei attaque également la liberté de la presse en suspendant les travailleurs de l’agence nationale d’information Télam, en fermant les locaux de la principale agence en langue espagnole d’Amérique Latine et la deuxième mondiale.

Illustration 2
Manifestation devant le cinéma Gaumont © Kaloian Santos

Milei réprime la manifestation devant l’historique salle de cinéma Gaumont organisée jeudi 14 mars par les syndicats de travailleurs et artistes du cinéma argentin contre les directives du nouveau directeur de l’INCAA (le CNC argentin) Carlos Pirovano qui lors de sa prise de fonctions annule toutes les contributions financières au Fonds de promotion, aux sorties des films et aux festivals, parmi de multiples coupes budgétaires annoncées.

Le 24 mars, lors de la commémoration du « Jour de la mémoire, la vérité et la justice », date du 48ème anniversaire du coup d’État militaire, la tension entre le gouvernement et l’opposition au sein du parlement aura dans les rues une expression multitudinaire et combative.

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