Avec le mot d’ordre « La Argentina no se vende » (l’Argentine n’est pas à vendre) les argentins résidant à l’extérieur de leur pays, ont organisé de rassemblements ce 24 janvier pour protester contre la politique ultra-libérale du gouvernement d’extrême droite de Javier Milei. Berlin, Madrid, Barcelone, Valence, Rome, Bruxelles, Amsterdam, Paris et Toulouse font partie d’une longue liste de villes où auront lieu ces rassemblements. Il s'agit de la première grève générale avec mobilisation de l'histoire argentine à peine le gouvernement installé.

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En France, l’intersyndicale a publié un communiqué exprimant sa solidarité avec les centrales syndicales argentines en appelant à manifester devant l’ambassade argentine à Paris (angle de la rue Cimarosa et avenue Kleber, 75016, Paris), rassemblement organisé par l’Assemblée de Citoyens Argentins en France (ACAF) et soutenu par d’autres organisations argentines, latino-américaines et françaises.
L’Intersyndicale dans son communiqué dénonce : « La politique de Milei témoigne de la nature profonde de l’extrême-droite, un danger mortel pour le monde du travail, pour les services publics et pour l’environnement, et un mépris des principes démocratiques les plus élémentaires. Nos organisations syndicales CFDT, CGT, FO, FSU, UNSA et Solidaires expriment leur plus vive inquiétude face à cette offensive contre les acquis de plusieurs décennies de luttes sociales et syndicales en Argentine.
Nous adressons toute notre solidarité aux travailleuses et travailleurs d’Argentine, et notamment aux confédérations syndicales CGT-RA, CTA-T et CTA-A. Nous les soutenons inconditionnellement dans le processus de lutte qu’elles ont engagés pour faire face aux politiques mortifères de Milei et son gouvernement. »
L’opposition au « Décret de nécessité et d’urgence » (DNU) et à la loi « omnibus »
Les organisations syndicales, sociales et politiques argentines demandent l'annulation de l’article IV, du DNU 70/23 du 20 décembre, relatif à la reforme du travail qui vise à la liquidation des droits des travailleurs. Mercredi 3 janvier, la Chambre nationale d'appel du travail a suspendu temporairement l’article concernant la réforme en prononçant une mesure conservatoire à la demande de la Confédération générale du travail (CGT) et de la CTA. Le gouvernement à fait appel.
Le DNU entend imposer un changement profond des règles du monde du travail : l'extension de la période d'essai de trois à huit mois pour les nouveaux employés ; la limitation du droit de grève et des facilités pour licencier ceux qui participent à des actions syndicales ; une baisse des salaires et le non paiement des heures supplémentaires ainsi que l’annulation d'autres obligations de l'employeur à l'expiration de la convention collective si celle-ci n'est pas renouvelée par une nouvelle convention.
Les confédérations syndicales ont été rejointes par les organisations de la culture, de la science, de l'économie sociale et même des PME, qui constatent que l'ajustement en cours ronge le marché intérieur dont elles dépendent. Par contre l'Union industrielle argentine, qui soutient le DNU et revendique la réforme du droit du travail, rappelle que nombre de ces points avaient déjà été présentés comme des propositions aux candidats pendant la campagne. La Chambre argentine du commerce et des services s'est jointe à l'UIA avec des arguments similaires.
Carlos Girotti, secrétaire de la liaison territoriale de la CTA des travailleurs, soutien que l'attaque contre la législation du travail exprime l'intention du gouvernement de Milei de "changer la relation entre le capital et le travail qui est en vigueur depuis près de 80 ans, depuis l'émergence du péronisme ; c’est la volonté de liquider d'un trait de plume, pas graduellement, comme a essayé de le faire l’ex président Macri. Ce gradualisme est critiqué à cause du risque de voir apparaître la capacité de résistance et de protagonisme des travailleurs. »
Selon Girotti, Javier Milei ne représente pas la politique néolibérale traditionnelle des "gouvernements qui cherchent à consolider l'hégémonie du capital en exerçant le leadership politique de la société, cela lui importe peu. Il s'agit d'une entreprise de démolition qui mène une action visant à détruire le plus rapidement possible cette relation entre le capital et le travail, considéré comme nuisible »

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Le discours hallucinant de Javier Milei à Davos a été plus que précis : il a accusé sans mâcher ses mots l'élite politique d'être "cooptée par une vision qui mène au socialisme et à la pauvreté ". "Je suis ici pour vous dire que l'Occident est en danger". Dans l'assistance, des représentants d'organisations multilatérales ont écouté avec étonnement : "Ne vous laissez pas intimider par les castes", a-t-il lancé aux hommes d'affaires présents, qu'il a qualifiés de "héros". Il a souligné que la « justice sociale » est « injuste » et « violente » car « l'État est financé par les impôts et les impôts sont collectés de manière coercitive ». Ses paroles ont suscité des rires, de légers applaudissements et beaucoup de silence. Seul Elon Musk a compris et « twitté » le discours de Milei en disant « bonne explication de ce qui rend les pays plus ou moins prospères ». Le patron de Tesla est très intéressé par le lithium argentin...
Le débat au parlement argentin
A travers le DNU (336 articles) et la « Loi omnibus » (664 articles), - en train d’être discutée en commission au parlement -, c’est toute la structure de l’État, ses institutions républicaines et fédérales ainsi que la séparation des pouvoirs et la Constitution même qui est en train d’être attaquée par le gouvernement Milei.
Après avoir averti qu'il ne négocierait pas le paquet de réformes en discussion depuis deux semaines dans les commissions parlementaires, le parti de Javier Milei (38 députés et 7 sénateurs) a fait marche arrière et a accepté de modifier 100 articles. Parmi les points saillants des modifications apportées au texte original figurent la limitation des super pouvoirs que Milei voulait s’attribuer, la suppression des retenues à la source pour toutes les économies régionales et la suppression d'YPF de la liste des entreprises publiques soumises à privatisation.
Les 37 députés du PRO (macristes), une partie des 34 députés radicaux (UCR) et une nouvelle coalition appelée « Hacemos coalición federal » de 23 députées (ex associés de Macri, péronistes de droite) sont à l’origine des modifications et convaincus de pouvoir faire adopter la « loi omnibus » à condition d’avoir plus de temps. C’est pourquoi Milei, a prolongé par décret le vendredi 19 janvier, les sessions extraordinaires du Congrès jusqu'au 15 février prochain.
Le bloc de 102 députés de l’opposition (« Union pour la Patrie ») a confirmé son rejet du projet, quelles que soient les modifications acceptées par le gouvernement, et a appelé à soutenir la grève générale du 24 janvier.
Jan Jarab, représentant de l'Amérique du Sud pour les droits humains aux Nations Unies, a envoyé une lettre demandant aux responsables des trois commissions de la Chambre des députés argentine où le projet « Loi Omnibus », est débattu. Il souhaite se présenter virtuellement devant les commissions. "Le Bureau reconnaît comme un espace clé de dialogue et d'analyse ce que les députés argentins réalisent ces jours-ci et, dans ce sens, nous aimerions présenter la perspective qui émane de notre mandat, c'est-à-dire des obligations internationales en matière de droits humains » a-t-il déclaré dans sa lettre.
Grève générale et manifestations : les préparatifs.
La stupeur initiale provoqué par l’avalanche de mesures économiques et répressives du nouveau président s’est transformée en action : depuis

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le 20 décembre, plusieurs manifestations se sont déroulées à Buenos Aires et d’autres villes du pays en même temps que des « casserolades » spontanées dans différents quartiers malgré le « protocole » répressif imposé par la ministre de Sécurité Patricia Bullrich.
Lors du sommet de mercredi 17 dernier, tenu au siège de la CGT, les trois centrales syndicales (la CGT et les deux CTA) ont décidé que les syndicats, les mouvements sociaux et les multiples organisations de toutes les zones qui adhèrent à l'appel forment une seule colonne sur l'Avenida de Mayo afin de marcher ensemble vers le Congrès où, entre 15 et 16 heures, aura lieu l'événement central. Ils considèrent que l’ampleur et la puissance de la manifestation empêchera l’application du « protocole » répressif du gouvernement.
Il a également été décidé que les syndicats des transports se joindraient à la grève à partir de 19 heures, pour faciliter la mobilité des participants à la marche. Il y aura également des manifestations dans les provinces et les principales villes du pays. Les organisateurs prévoient une affluence massive autour de 500 000 personnes.
Les partis de gauche se joindront à la manifestation et tiendront une réunion le lundi 22 janvier avec la CGT et les deux CTA à des fins opérationnelles. Une première, car jusqu’à présent la direction de la CGT (dirigée par un triumvirat depuis 2021) était accusée de bureaucratique et conciliante avec le patronat par la gauche et secteurs du kirchnerisme. L’ouverture de la direction de la CGT vers les représentants de la culture a été l’autre événement marquant de la semaine. Lors de la réunion de 120 délégués tenue au siège de la CGT, mardi 16 janvier. Un consensus unanime a été trouvé pour réaliser une marche en une seule colonne, portant le drapeau de la Culture nationale, très attaquée par le gouvernement Milei.
"La Libertad Avanza", le parti de Javier Milei propose la liberté de s'approprier le travail, de défaire la science et la culture, de limiter les projets éducatifs et de condamner les argentins à une nouvelle forme d'esclavage. Beaucoup de ceux qui ont voté pour lui commencent à sentir les effets de 25,5 % d’inflation du mois de décembre et expriment leur colère et frustration dans de reportages radiophoniques, télévisuels et sur les réseaux sociaux.
La participation massive du 24 janvier ainsi que l’appui international contre la néfaste politique de celui qui se proclame « anarcho-capitaliste » permettra peut- être d’installer une une organisation capable de coordonner la résistance de tous les secteurs de la société argentine décidés à défendre la démocratie, la justice sociale et les droits humains et qui reclame une véritable direction politique.
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