Le mercredi 20 août, les oppositions sont parvenues, avec deux tiers des voix et le soutien d’une partie de la droite, à rejeter un veto présidentiel qui empêchait l’adoption d’une loi d’urgence pour les handicapés. Le jour même on apprend que l'organisme public chargé des personnes handicapées détournait de l'argent. Dans les enregistrements diffusés, la voix attribuée à Diego Spagnuolo, ex-directeur de l'Andis, ami et avocat personnel du président, décrit avec un cynisme déconcertant un mécanisme de corruption qui impliquerait les plus hautes sphères du pouvoir.

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Les enregistrements n'ont pas été démentis. Ils visent les plus proches collaborateurs du président, notamment sa sœur Karina et les cousins Lule et Martín Menem. Diego Spagnuolo les a désignés comme destinataires d'un demi-million de dollars par mois de pots-de-vin versés par les laboratoires fournisseurs de l'État.
À certains moments clés des enregistrements, la voix attribuée à Spagnuolo explique en détail le système de pots-de-vin versés aux laboratoires afin de garantir des contrats avec l'État. « J'ai parlé au président et je lui ai dit : "Tu sais que ta sœur vole, tu ne peux pas me prendre pour un idiot, tout ce que je te demande, c'est de ne pas me refiler ce fardeau. S'il y a un problème et que tu ne me protèges pas, j'ai gardé tous les messages WhatsApp de Karina », peut-on entendre dans l'un des enregistrements audio de Spagnuolo selon le média Data Clave. Il poursuit en affirmant que Karina Milei et Lule Menem se partageraient « au moins 500 000 dollars de médicaments par mois ». « Karina touche 3 % et 1 % part dans les opérations », affirment les enregistrements audio. Le montant total des pots-de-vin s'élèverait à 8 % du montant selon la conversation. Diego Spagnuolo, ne voulant pas démissionner , il a été demis de ses fonctions.
Le juge fédéral Sebastián Casanello, responsable de l’enquête a rapidement ordonné 15 perquisitions et la saisie des ordinateurs et des téléphones portables des personnes impliquées. Il a interdit vendredi 22 août à l’ancien directeur de l'Agence nationale pour les personnes handicapées (ANDIS), de quitter le pays. Cette mesure a été demandée par le procureur chargé de l'affaire, Franco Picardi, et s'applique également à toutes les autres personnes impliquées dans l'enquête sur le versement présumé de pots-de-vin à divers fonctionnaires du gouvernement de Javier Milei.
Outre M. Spagnuolo, l'ancien directeur national de l'accès aux services de santé de l'ANDIS, Daniel Grabellini, et les membres de la famille Kovalivker (Eduardo, Jonathan et Emmanuel, propriétaires de la Droguería Suizo Argentina), ne pourront pas non plus quitter le territoire argentin. Lors d'une des opérations menées vendredi 22 août dans le quartier de Nordelta, les forces de sécurité sont arrivées au domicile d'Emmanuel Kovalivker alors qu'il s'apprêtait à partir dans une voiture remplie d'enveloppes contenant 266 000 dollars (230 000 euros) et un total de 7 millions de pesos (6 000 euros)
Pour l'instant, aucune personne n'a été arrêtée.
Cristina Fernández de Kirchner, ex présidente et vice-présidente, condamnée à six ans d’emprisonnement et inéligibilité à vie, assignée à résidence le mois de juin avec un dispositif de surveillance électronique, a vivement réagi sur un post :
« Che Milei... Tu te souviens de la « doctrine Vialidad » ?... CELLE QU'ILS ONT INVENTÉE POUR ME METTRE EN PRISON ET ME PROSCRIRE, avec l'argument que « une présidente ne pouvait pas ignorer ce qui se passait dans chaque chantier public réalisé à Santa Cruz et sur tout le territoire national ».
Eh bien... laisse-moi te dire que les pots-de-vin de 3 % que ta sœur reçoit sur les médicaments destinés aux personnes handicapées et que son ami et collaborateur Lule Menem exige, c'est infiniment pire et très grave, en termes de responsabilité pénale.
Parce que si moi, en tant que présidente, « je devais savoir » et que j'étais donc directement responsable pénalement de ce que faisait chaque fonctionnaire...Imagine un peu... après que TOUS LES ARGENTINS ONT ENTENDU ton ami et avocat personnel Diego Spagnuolo (que tu as nommé directeur de l'Agence nationale pour les personnes handicapées) raconter quand il est venu te voir pour t'informer personnellement des agissements du « El Jefe » et de sa bande, qui percevaient des pots-de-vin rien de moins qu'avec les médicaments destinés au secteur public du handicap, que tu as détruit...
On ne peut pas faire plus scandaleux et honteux, et en plus, la seule chose qui te vient à l'esprit, c'est de virer celui qui est venu te raconter ce qui se passait ?
Qu'est-ce que tu vas dire maintenant ? Que tu n'étais pas au courant ? Que tu n'en savais rien ? Que « qui est ce Spagnuolo » ? Que tu ne connais pas ta sœur ? Allez... »
Le Parlement vote contre l’austérité de Milei
Budgets universitaires gelés, hôpitaux au bord de la fermeture, comme le Bonaparte ou le Garrahan, retraités spoliés, personnes handicapées abandonnées, recherches scientifiques démantelées, routes nationales en ruines, la culture et les centres de mémoire définancés. Tels sont les thèmes défendus par le gouvernement et pour lesquels il demande le soutien des électeurs lors de prochaines élections législatives de mi mandat.
Après un an et demi à répéter inlassablement que tout est fait pour « l’équilibre fiscal », les mensonges du gouvernement sont de moins en moins crédibles lors qu’il affirme que des milliers de personnes retiraient gratuitement des médicaments sans être retraités, qu'il y avait des milliers de faux handicapés qui percevaient des pensions. Le gouvernement a affirmé que les universités publiques étaient des centres d'endoctrinement et de lavage de cerveau et a dit que les hôpitaux étaient remplis de fainéants, tout comme il avait menti auparavant au sujet de la nourriture des soupes populaires en laissant pourrir des tonnes de denrées dans des entrepôts.
En 48 heures le gouvernement a subi cette semaine douze défaites à la Chambre des députés et sept au Sénat.
- L'opposition a obtenu l'adoption en première lecture du financement des universités publiques et la déclaration de l'état d'urgence à l'hôpital Garrahan.
- Cinq décrets présidentiels ont été rejetés, notamment ceux concernant les routes nationales, l'INTI (Institut national de technologie Industrielle), l'INTA(Institut national de technologie agricole) et les instituts culturels.
- La commission d'enquête sur l'affaire $Libra a progressé et l'état d'urgence dans le domaine scientifique et technique a été déclaré.
- Le décret délégué 351/25 a été rejeté par 133 voix contre 69, qui démantelait la Banque nationale de données génétiques, organisme qui a joué un rôle clé dans la récupération de l'identité des 140 petits-enfants retrouvés qui avaient été enlevés dans le cadre du plan systématique de vol de bébés pendant la dictature civilo-militaire.
- Le décret délégué 340/25 (Marine marchande) par 118 voix contre 77.
- Le financement de l'université et l'urgence pédiatrique ont été adoptés avec 58 voix pour, 9 contre et 3 abstentions.
Une tentative infructueuse a été faite pour annuler le veto de Milei sur la loi relative à l'augmentation des retraites, les deux tiers des voix nécessaires n'ayant pas été atteint.
Vers la fin du « miléisme » ?
La commission d'enquête sur la « cryptogate » $LIBRA. était dans l'impasse depuis quatre mois en raison de l'égalité des voix entre les membres du gouvernement et de l'opposition, qui a empêché la nomination des autorités. Mercredi 20 août, l'opposition a approuvé une modification du règlement permettant, en cas d'égalité, que la présidence revienne au principal bloc d'opposition, c’est-à-dire à l’Unión por la Patria (péroniste), qui propose la candidature de Sabrina Selva.
Cela signifie que jeudi 28 août prochain, l'opposition pourra enfin donner libre cours aux travaux de la commission. Elle pourra demander des preuves à la justice et aux organismes publics. Et plus important encore : l'opposition aura le pouvoir de contraindre des témoins à venir témoigner. Les noms ne manquent pas. De l'ancien conseiller de la Commission nationale des valeurs mobilières (CNV), Sergio Morales, au ministre de l'Économie lui-même, Luis Caputo.
Les échecs de Milei au Congrès reflètent une crise plus grave que le gouvernement espère renverser lors des élections d'octobre. Les signaux sont mitigés. Avant les élections législatives nationales du 26 octobre, il doit faire face aux élections du 7 septembre dans la province de Buenos Aires et les prévisions ne sont pas très bonnes pour Milei qui, en outre, promet d'éradiquer le kirchnérisme, ce qui nécessiterait une victoire écrasante. Mais ni la microéconomie ni l'incertitude macroéconomique ne lui sont favorables. Le cumul d’affaires de corruption le plonge, au contraire, dans une période noire qui pourrait amener à sa destitution. En effet, jusqu'en août 2025, plusieurs demandes formelles de destitution ont été déposées contre le président Javier Milei en Argentine. Ces demandes sont liées à différents événements, tels que ses déclarations lors du Forum économique mondial de Davos et le scandale lié à la promotion de la cryptomonnaie $Libra.
Une des premières demandes de destitution fut déposée en avril 2024 par un collectif regroupant des personnalités politiques, judiciaires, universitaires et des organisations de défense des droits humains, telles qu'Adolfo Pérez Esquivel, Taty Almeida, Eduardo Barcesat, Dora Barrancos, Alicia Castro et Claudio Lozano, entre autres. Le document accuse Milei de « mauvaise exécution de ses fonctions et de possibles infractions pénales », notamment pour le définancement et le démantèlement de programmes sociaux tels que le Plan national contre la faim en Argentine et la suspension de la Direction de l'aide directe pour les situations spéciales (DADSE), ce qui, selon les signataires, a mis en danger la vie et la santé de milliers de personnes. Cependant, jusqu'à présent, aucune de ces demandes n'a abouti au Congrès, car elles n'ont pas obtenu le soutien nécessaire pour aller de l'avant. Auront-elles plus de chances d’aboutir au vue des derniers événements ?
Si la campagne électorale de l’opposition arrive à convaincre les abstentionnistes et une partie de l’électorat de Javier Milei, il est probable que l’Argentine rentre dans une nouvelle étape propice à se débarrasser - avant ou lors des élections présidentielles en 2027 -, du pire et du plus cruel président de l’histoire démocratique depuis 1983.