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Billet de blog 26 novembre 2023

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Le mal ?

Le mal, ça existe ? Le bien contre le mal ? Tout contre ? Un blockbuster hollywoodien, un snuff movie pour aliens addicts, un élevage de pit-bull humanoïdes ? Ou une plaie dans le crâne d’un «sapiens» patiemment étêté ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une fois examiné le match des anathèmes stigmatisants, des appellations sournoisement contrôlées, ou encore l'illusion des dépôts moraux brevetables, surgit une question saignante, on pourrait dire étrangement sous-traitée, celle d'un mal non soumis à captation, pourtant absolument radical et qui n’est en rien un divertissement hollywoodien à la Cecil B. DeMille. 

Au moment où nombre de pouvoirs prétendument démocratiques perdent toute dignité, où l’extrême-droite bourgeonne un peu partout, où des guerres exponentielles et souterraines éventrent le champs déjà fragile des possibles, où l’Etat Israélien aliéné s’enfonce encore plus loin dans l’obscène, l'insensée et chimérique réparation/perpétuation de son passé traumatique, se poser la question du mal comme substance ontologique, peut sembler parfaitement triviale, compte-tenu de l’éclatante et illusoire visibilité de ces faits sociaux-politiques mondiaux. 
Le mal existe-t-il seulement ? Et quel en serait le statut, ou plus précisément, quel seraient les droits d’un mot et d’un concept tel que ce joker archétypal, à l’existence, et surtout à la polysémie ?

Essayons peut-être pour commencer, de différencier la notion d’un mal ontologique, absolu, triomphant, métaphysique, de celle d’un mal seulement radical, mais bien visible, bien charnel, et atrocement pourvu, tout en songeant sous la nuit si peu éclairée de la condition humaine, qu’il s’agit pour autant d’un exercice limite sans les yeux laser d’un chat nocturne, particulièrement affamé. 

Soyons ce chat famélique. Sur un plan philosophique, cette notion d’un mal appelé sans certitude et par défaut, radical, gagnerait à ce jour à désigner non plus seulement et d’abord, les agents connus ou potentiels qui le promeuvent, leurs justifications, leurs non-dits putatifs, mais plus objectivement, les effets que celui-ci produit. Ces effets, je les pense insuffisamment étudiés dans leurs dynamiques historiques, anthropologiques, traumatiques, d’origines possiblement exogènes, voire non humaines, encombrés néanmoins de biais interprétatifs métaphysiques ou politiques, quant à leurs causes possibles.

Les sciences humaines qui observent in situ les atrocités guerrières dans leurs formes les plus réelles, les plus extrêmes, les plus massives, les plus organisées, les plus revendiquées parfois, et en tenant compte autant des effets ponctuels que des effets massifs et réitérés de leur distribution, permettent pour une part de faire de cet objet théorique, autre chose justement qu’un objet, dans le spectre sensible et interactif du réel. 

Je tiens à cette additionnelle inversion du regard, car il est certain alors, que ce mal-là, existe. Les atrocités font mal oui. Atrocement et systémiquement mal. Surgissant selon un ensemble de conditions historiques et anthropologiques aux cœurs de régimes présentant et arguant de la vie comme d'une condition humaine éventuelle parmi d’autres, dévorant en général l’ensemble de l’espace symbolique afin d’abord de se masquer et n’hésitant pas à le faire de façon exponentielle, on peut déjà dire de cette production forcenée, qu'il s’agit la plupart du temps, d’un processus total.
Tout mal atroce, au-delà d’un vocable identique pour la victime et l’agent actif, tout mal concernant certaines formes d’ultra violences au-delà du dicible, ne s’efface pas seulement par les éléments circonstanciés observés ou convoqués pour tenter de décrire celui qui le promeut. Autant à l’échelle de lignées familiales, qu’à l’échelle d’un groupe donné, ou à l’échelle de l’espèce elle-même, les atrocités guerrières et génocidaires creusent des sillons pour des siècles et deviennent les lits des prochaines rivières de sang.

Des enfants qui se font massacrer, que ce soit avec des armes de poings, ou par des missiles et des plaques de béton écroulés, des enfants découpés vivants par les Dr Ishii ou Mengele, c’est-à-dire par des adultes totalement déshumanisés, via toutes sortes d’idéologies mortifères, comme celle de se considérer comme des dieux, voire parfois, dans un contexte strictement opposé, des citoyens rendus fous de rage ou de haine par des traumas gravissimes subis, comme ceux dus à 75 ans de colonialisme guerrier et d’apartheid pour les Palestiniens, sont un des sommets de ce que je ressens comme un mal radical. Ce mal n’est donc pas le puits final d’une forme de faiblesse éthique généralisée, mais une maladie mortelle construite pas à pas, hautement contagieuse et pas seulement par un effet de plaques tectoniques relevant d’un fatum cosmique malchanceux, mais d’abord comme une pathologie à diagnostiquer en profondeur, dans ses formes les plus visibles ou les plus discrètes, mais de toute urgence.
Cet emploi, cette acception du terme radical, est à prendre dans le sens second ici. Car ce n’est pas tant que cette fureur serait l’effet de racines ultra-violentes, c’est même plutôt le contraire qui s’est installé via des progrès techniques multiples et que j’ai déjà listés précédemment de nombreuses fois.
Lorsqu'un de ces processus destructif se percole, se densifie, s’exprime dans une hubris dévorante, c’est là qu’il finit par occuper tout l’espace du possible, chassant toute alternative, parfois jusqu’à épuisement généralisé des protagonistes.
Et c'est en ça qu'il me semble légitime de parler de formes radicales.

Cet adjectif, je le pense donc dans un sens second. Comme l’ensemble des dispositions psychologiques, sociales, et techniques, qui face à la précarité de tout être ou de toute communauté, évacuent toutes formes d’horizons de mutualité possible, détruisent volontairement toute modération, toute alternative, toute pitié, toute maturité et considération pour l’autre. 
Pourquoi ? La plupart du temps, pour acquérir ou conserver le pouvoir, certes. Mais quel pouvoir ? Et avec quels moyens ? Et quelles normes prétendues ?

Pour l’essentiel, ces formes n’ont plus comme valeur de fond que la tromperie, d’abord sur elles-mêmes. Comme il en est du vampirisme financier, de l’extrême violence gratuite, du sadisme, de l’esclavagisme, des génocides, des tortures et de la guerre sans fin, et dans ce sens-là oui, c’est un mal véritable, absolument majeur, la maladie des maladies à traiter d’urgence. Or, dans un système interconnecté en accéléré comme le notre, il s’agit alors d’une entropie au bord du désastre qu’il n’est pas difficile de conscientiser comme un fait avéré, possiblement final.
Et contre ça, pas d’injections magiques élaborées dans un centre de recherches en armes biologiques - la bonne blague - pas de repli assuré dans une cellule de vie pour Schtroumpfs à la Klaus Schwab, il nous faut d’abord reprendre pied sur Terre de façon polysémique et holistique si l’on veut éviter de produire autre chose que du simulacre. 

J’essaye de préciser à nouveau. Pour moi, rien n’existe qui ne soit en corrélation avec le monde dans des modalités et à des échelles de tous niveaux. Donc le mal en soi, n’existe pas, car rien n’existe en soi. Pour autant, un système idéologique, comme le système impérial japonais Shōwa par exemple, qui a promu les pires atrocités de l’histoire et le génocide de plusieurs peuples asiatiques - 30 millions de victimes - ou encore les courants fascistes du système capitaliste étasunien, qui, tout de suite après Hiroshima et Nagasaki, ont envoyé des centaines de médecins, avec l’interdiction de soigner les victimes, mais obligation de suivre chacune de celles ayant survécu afin de connaître les effets intéressants de la bombe, font partie des espaces-temps où la notion d’humanité la plus transversale, explose. Ces cultures, ces politiques, ces dispositions, montrent l’élaboration de systèmes et de pratiques guerrières perpétuelles, absolument sans limites. Or ici, pouvons-nous décrire ces actes déshumanisés, seulement comme des dispositions techniques particulières ? Seulement animées par un sadisme de base ? Dans quel bain de plus en plus indéfini, où chaque progrès technique amplifie les possibilités d’une apocalypse nihiliste, sommeillons-nous ? C’est ça ma question.

Ces productions d’entités virtuelles, l’inconscient et le conscient de gouvernances se présentant plus ou moins franchement comme dominatrices, prêtes à tous les scientismes possibles pour perdurer, ou croire qu’elles perdureront, qu’elles se désignent elles-mêmes comme des figures du bien, fait partie d’une pathologie identique, celle qui s’accorde tous les moyens, toutes les ruses et toutes les justifications pour dominer sans limites, au risque de l’explosion finale des ressources humaines, en particulier des ressources psychiques et interactives de l’espèce. 
Oui, c’est de cela dont je parle, d’une maladie radicale opérant sur un ensemble de plans morbides systémiques et massifs, qui durent depuis 10.000 ans environ, depuis l’avénement des cités-Etats et bien sûr dans des formes diverses. Et dont l’ingénierie sociale générale sur laquelle ses agents malades se basent pour persuader les nécessaires victimes qu’elles sont violentées pour leur bien ou celui de leurs dieux, consiste à réunir et savoir réunir tous les moyens de coercition possibles dans des formes de pathologies psychiatriques généralisées, s’efforçant de les faire passer pour normées et naturelles, si ce n’est, équilibrées et démocratiques.

Face à la banalité du mal édicté et vulgarisé par Hannah Arendt à la suite de son reportage sur le procès Eichmann, j’estime que ce n’est pas seulement le suivisme de personnes quelconques, médiocres, sans courage et sans culture humaine suffisamment évoluée, sans outils critiques, qui construisent ces typologies de morts-vivants à roulettes. Non, ce sont des modes de fabrication élaborés dont nous n’avons pas encore perçu tous les ingrédients, toutes les ficelles, pour une raison majeure, ce sont ces mêmes forces morbides qui mènent encore le monde et l’essentiel de la recherche, en particulier sur les plans médiatiques, politiques, universitaires, économiques et militaires. 
Dont voici le relevé de quelques traces incompressibles.
Un détail à 60 millions de morts

https://blogs.mediapart.fr/cham-baya/blog/161022/un-detail-60-millions-de-morts

Ou encore mieux, et au titre ironique, le formidable Manuel conspirationniste, sur la guerre culturelle et universitaire au cœur du pouvoir occidental, menée pour l’essentiel par les USA depuis 1945, et qui nous mène là où nous sommes, sur la planète des tyrannosaures toujours fâchés.
https://we.riseup.net/assets/787258/Manifeste+conspirationniste.pdf
Ou ici. (Cliquer sur la flèche en dessous).

anonymous-manifeste-conspirationniste-seuil (pdf, 4.6 MB)

Tout en étant surplombantes, ces forces ou ces formes, ont toujours largement pignon sur rue. La médiane des cultures dominantes, les représentations qu’elles se font d’elles-mêmes, s’inscrivent d’abord dans l’effondrement de l’indépendance des médias et d’une partie des élites intellectuelles auto-consacrées, sans que rien ne semble pouvoir en arrêter la course. Et ça ne concerne pas seulement la condition humaine. L’absence d’empathie extraordinaire dont ce système neuro-social témoigne quant au sort atroce fait aux animaux par exemple, montre que sans la prise de conscience de ce que nous prisons par dessus tout, bien au-delà de l'illusion mortelle d’un confort exponentiel, impérial et suicidaire, si nous ne nous ne secouons pas les neurones et le palpitant d’urgence, nous nous dirigeons vers une terrible et fatale involution.

Dans une majorité de lieux de l’Amérique précolombienne des chasseurs-cueilleurs, lorsque par méconnaissance on abat une femelle en charge d’une portée déjà mise bas, ces animaux sont apportés au village, confiés aux jeunes femmes allaitantes, qui les nourriront si nécessaire au sein, puis ils demeureront dans la communauté jusqu’à leurs derniers jours, vivant leur belle vie comme animaux de compagnie. Ils ne seront jamais mangés et seront enterrés dans le village. 
Oui, il y a toujours, dans tous ces plis du monde, quelquefois les plus improbables et mystérieux, des êtres qui ouvrent des portes sur des dimensions insoupçonnées.
https://www.youtube.com/watch?v=mMwbAeUTVZQ

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