christian delarue (avatar)

christian delarue

CADTM France (Président), MRAP (CN), Converg SP (CA), ATTAC (Démo), CGT Finances (UFR)

Abonné·e de Mediapart

1943 Billets

2 Éditions

Billet de blog 13 août 2024

christian delarue (avatar)

christian delarue

CADTM France (Président), MRAP (CN), Converg SP (CA), ATTAC (Démo), CGT Finances (UFR)

Abonné·e de Mediapart

Trajet : Passer de droite à gauche quand d’autres font l’inverse.

Trajet : Passer de droite à gauche quand d’autres font l’inverse.

christian delarue (avatar)

christian delarue

CADTM France (Président), MRAP (CN), Converg SP (CA), ATTAC (Démo), CGT Finances (UFR)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Trajet : Passer de droite à gauche quand d’autres font l’inverse.

Ayant été à droite et de droite dans ma jeunesse, sans le savoir certes, je suis passé à gauche en 1978-80 puis à l’extrême-gauche un peu plus tard (Plus de détails en note 1 mais c'est plus le trajet possible qu'il faut retenir que ma vie ). C'est que je lis des individus qui furent de gauche et qui passent à droite voire au RN. C'est cette pente facile, nationaliste, xénophobe, du côté des riches, etc que j'ai refusé en luttant contre le courant.

Je sais de mon passé ce qu’il en est de cette ignorance, de cet obscurantisme ou de cette hypocrisie quand on persiste à se tenir du côté de l’injustice et des dominants classistes, sexistes, racistes. Etre de droite c’est en effet être du côté de l’ordre hiérarchisé du monde et de la société, ordre vu soit comme naturel soit comme voulu par dieu et donc de s’en accommoder voire le défendre "bec et ongles » façon Spencer. 

Dans ce trajet, il y a eu aussi au fil des ans un enrichissement de notions, de catégories, de concepts, bref d'un vocabulaire lié à une "culture de gauche", contre les dominations pour les émancipations.

I - A l’armée (naviguant) de 73 à 78 (lire 2) j’ai vu des horreurs qui m’ont fait adhérer au MRAP en 79 mais j’ignorais alors le propos internationaliste et altermondialiste important, décisif, concernant les responsables du clivage de richesses accumulées entre le Nord riche et le Sud pauvre : « il y a du nord au sud et du sud au nord » . Je voyais bien les enfants venir manger dans les poubelles des navires de guerre français dans tous les ports du Sud (du Maghreb , du canal de suez - de l'océan indien) et cela me choquait. Mais il ne suffit pas d'être choqué car cela peut juste nourrir la commisération et juste laisser les enfants pauvres vider les poubelles du bateau (et des riches) et d'être, en plus, satisfait de ce caritatif qui ne touche absolument en rien l'ordre injuste du monde. 

A l’époque il y avait le clivage Est - Ouest avec trois pôles que j'ignorais : les communistes pro-Staline et pro-Mao Zedong à l'Est, les capitalistes pro-Occident à l’Ouest et sur une troisième voie, celles et ceux qui défendaient les conquêtes d’Octobre 17  tout en s’opposant à la prédation autoritaire bureaucratique du parti unique. Ce courant trotskyste, que j’ai rejoint plus tard, s’est distingué, avec d'autres courants, des « nouveaux philosophes » de 1977 qui comme Glucksman (père) et BHL sont passés du soutien ferme à Mao et Staline au soutien entier à Reagan et Thatcher et à toutes les dominations et oppressions de toutes sortes engagées pas les classes dominantes des Etats-Unis tant en interne du pays qu'en externe, notamment en Amérique du sud. La droite c’est, sous couvert de lutte contre le totalitarisme, cette forte soumission à la domination de l’argent, de la marchandise, du profit sous régime de liberté des puissants. Il n'y a là aucune valeur , aucune ! La République ce n’est pas la liberté des puissants, celle des riches actionnaires du 1% et la soumission des autres, du peuple-classe 99% avec la sous-bourgeoisie comme zone tampon. 

« Il y a du nord au sud et du sud au nord » : la formule est passible de plusieurs interprétations.

D’un côté on trouve une interprétation en terme de classe dominante universalisée et donc présente partout ou presque dans le monde avec en-dessous des peuples subordonnés ou soumis (au sens social) et de l’autre côté d’une interprétation en terme de pauvrophobie qui oppose des « sans » (nourriture, logement, emploi) par rapport à celles et ceux logés et employés, soit une conception qui recoupe assez bien une autre formule du même format sociologique entre les exclus (tout en-bas) et les inclus (du reste de la société) qui n’ont "pas à se plaindre" (soit-disant) , soit des formules caritatives et conservatrices qui l’une et l’autre s’accommodent du classisme , de l’exploitation de classe des possédants et dominants. 

Je me souviens d’avoir débattu de cela avec feu le camarade Francis Le Hérissé au FSL de Rennes 2003 avec Sylvie Larue, une militante qui interrogeait le communiste et nous a incité à signer l’Appel dit Ramuleau en juillet 2003. Cette formule fait la promotion d'une ouverture et des solidarités humaines au-delà des frontières nationales et une telle solidarité percute frontalement le fétichisme de la nation porté pas les adeptes du "travail, famille, patrie" en France. J’avais déjà eu l’occasion d’en discuter 15 ans avant avec Patrick Mainguené en 1988 alors que nous menions campagne ensemble pour la présidentielle - pas la meilleure des campagnes - mais lui toujours maoïste revu et corrigé (cf réforme de 1980) et moi LCR.

II - En interne un ordre trois fois hiérarchisé : Père, patron, césar.

Etre de droite c’est accepter comme naturel ou de droit divin un ordre hiérarchisé sur au moins trois plans : 1) d'abord dans la famille avec un père, 2) ensuite dans l’entreprise avec un patron, 3) enfin dans la société avec un chef, disons un césar ! 

Je le sais car je fus conservateur et de droite par ignorance sur ces trois champs . Je dis de droite mais pourtant on a là le fameux "travail, famille, patrie » des pétainistes. Ce sont de fausses valeurs, franchement réactionnaires et détestables, partagées bien au-delà du FN - RN par des républicains de droite voire parfois de gauche. 

Fausses valeurs car porteuses de mensonges, car masque de trois dominations : le familialisme, le travaillisme, le césarisme, soit 1) le modèle de la famille père-mère-enfants pour le familialisme patriarcal peu accommodant pour les autres modes de vie, 2) le modèle du "travailler plus pour gagner plus" de Sarkozy repris Macron en "travaillez plus pour les riches" pour le travaillisme patronal qui est une des formes du classisme, 3) le modèle de la gouvernance populaire par un chef bonapartiste et sa caste proximale pour le césarisme démocratique dégénéré.

III - Sur le césarisme démocratique dégénéré : trois choses :

1) Le mouvement démocratique historique a élargi, par conquêtes, sa notion de peuple démocratique et citoyen par plusieurs étapes historiques durant deux siècles (fin de la "démocratie" censitaire et ploutocratique, fin de la démocratie des hommes etpromotion des femmes citoyennes, etc --) mais ce mouvement historique piétine de nos jours et pire il régresse : il y a inversion du processus de démocratisation et retour au principe de gouvernance autoritaire élective . On voit que la citoyenneté n’est pas entrée dans les murs des entreprises sauf dans certaines coopératives . Elle n’existe même pas au plan local, là ou pourtant on a pu croire un temps que c’était plus facile de la faire vivre . Alors il est temps peut-être de changer de principe démocratique en abandonnant peu à peu le principe représentatif délégataire pour un autre principe ou la coupure entre le « démos" du peuple et le « cratos" de la caste élue qui gouverne n’est plus si béante (cf J-L Picard-Bachelerie d'ATTAC comm- democratie)

2) Césarisme de classe maintenant : On trouve un césarisme de gauche, nommé populisme ( cf note sur l'interclassisme des 99%), qui veut le bien des 99% et un césarisme de droite qui veut lui le bien du 1% : Macron est le Bonaparte de la classe dominante et de son bloc social. On comprends que de nombreuses personnes du peuple puissent alors défendre le "césar Mélenchon » fut-il tonitruant, voire parce que tonitruant, quand tout les autres ne fournissent pas, sauf le NPA et autre extrême-gauche, une alternative au classisme . Or c’est ce classisme qui est a casser ! Sans cela rien n’est authentiquement à gauche  ! Et qui voit Holande ou Glucksman (fils) "renverser la table" des possédants et de la finance, sans un fort mouvement social mobilisé par les syndicats. Personne ! Mais le propos vaut aussi pour le chef Melenchon.  Il faut le dire aussi ! Donc besoin du syndicalisme, des syndicats de mobilisation !

3) Le progressisme et la science consiste à combattre l’obscurantisme et à aller derrière l’apparence des choses. Il consiste à déchirer le voile qui cache un ordre hiérarchisé et inégalitaire mais aussi plus qu’inégalitaire car clivé par divers rapports sociaux que j’ignorais comme beaucoup. Point trop d’illusion sur le « simple connaitre » car cela n’est qu’un pas nécessaire mais pas suffisant car il ne permet de sortir totalement de nos aliénations systémiques dans lesquelles nous sommes tous et toutes pris.es. Mais la connaissance permet assurément d’avancer vers un projet individuel et collectif d’émancipation. 

IV - La société n’est pas qu’inégalitaire elle est aussi durement clivée :

Elle est certes inégalitaire avec au sommet des très riches qui via une méritocratie de lucre (dévalorisation et perversion cupide du mérite comme valeur) et via une corruption d'en-haut (malgré tous les dispositifs créés en France et en Europe) « pompent »  le sang du peuple-classe 99% pour s’enrichir. C'est une injustice sociale profonde qui mérite toujours et encore une révolution ! Thomas Picketty nous a abondamment informé de cette prédation au profit de ce qu’il appelle le « 1% stratosphérique » . Elle doit cesser par la fiscalité et nous croyons que Mme Lucie Castets est à même de faire le job avec l'appui des forces sociales d'en-bas !

Mais il y a aussi plus que cela : elle est clivée . Notre France est classiste, sexiste, raciste.  Et plus on est a droite et plus on s’accommode de ces trois dominations ou oppressions, outre l'oubli des nuisances à la nature. Pire les droites renforcent la domination de classe en faisant promotion de la guerre sociale. Elles favorisent la xénophobie et diverses formes de racisme malgré les préconisations instruites d'organisme sérieux tel que la CNCDH. Elles s'accommodent de la domination masculine ou la détourne en ne visant que l'étranger violeur à expulser. Pas de quoi être fier !

On sait qu’il importe de transformer ces rapports sociaux, qui ne sont pas que de simples relations humaines choisies, et que cela passe par une nouvelle RTT sur 4 jours avec 32 heures sans perte de salaire pour les 99% et même moins que 32 heures pour les professions et métiers particulièrement difficiles ou l’ouvrier-e est cassé.e avant ses 50 ans. Cette nouvelle RTT doit permettre des embauches pour réduire le chômage.

V - Ce qui nous divise : Il y a des dominants chez les dominés.

Il y a "césar à gauche" (c'est vu), des pro-Netanyahou chez les juifs, des pro-Hamas chez les musulmans, des féminocrates dans le féminisme, des identitaires bornés dans l'antiracisme politique, des faux-culs dans l'antiracisme universaliste. Je me suis moi-même trompé . De tout cela l'ennemi de classe en profite ! Ce qui renvoie à autre chose.

Jadis, il n'y a pas si longtemps on pouvait encore dire qu'il y a une domination principale, le classisme et un ennemi principal la classe dominante, et des dominations secondaires comme le sexisme et le racisme, plus d'autres encore homophobie, transphobie, souffrance animale, etc. Mais le mouvement d'une émancipation plurielle est si puissant que cette préférence à la riposte de classe seule n'est plus audible à gauche. Le seul souci que je peux voir ici ou là, à bas bruit, c'est le "remplacement des luttes", soit l'identitaire à la place de la classe, et le féminisme en s'accommodant du classisme. C'est un danger . Ce n'est alors plus de l'intersectionnel. Par exemple, les femmes qui souffrent de dominations croisées dans les services à la personne (SAP vu dans rapport CNCDH) ne souffrent pas que de racisme et de sexisme mais aussi de classisme par de bas revenus et beaucoup de travail avec peu de protection sociale . Les trois combats sont à mener.

Christian Delarue

Note sur la composition sociale interclassiste de l'électorat mélenchonien : Si j’en crois le livre du sociologue M CERVERA-MARZAL  sur "Le populisme de gauche" et plus particulièrement la partie qui concerne « la morphologie de l’électorat mélanchonien » sa composition sociale serait interclassiste mais attention un interclassisme des 99%, ce qui en fait un bloc social d’en-bas large allant des classes pauvres et subalternes jusqu’à la sous-bourgeoisie des 10%. Ce qui me semble bon eu égard que le parfait n’existe pas.

Sur Classisme : 

https://blogs.mediapart.fr/edition/abecedaire-citoyen-du-club-2024/article/080824/c-comme-classisme

D'ou je viens :

1) Mon père Marcel (1926-2011) était catholique et militaire (Indochine et Algérie), et n’avait pas encore brûlé ses médailles à l’église, et j’allais moi devenir militaire m’engageant dans la Marine nationale 5 ans juste au moment de la guerre du Kippour (mi-octobre 1973) (cf 2).

Rencontre : J’ai rencontré Annie Landuré en 1978, fille de militaire comme moi mais prof de lettres, j’ai quitté l’armée, j’ai passé une capacité en droit, je me suis instruit ne connaissant rien de rien sur rien. Et elle m’a aidé, à lire dans la durée, à mémoriser , à travailler intellectuellement tout comme je travaillais comme soldat pour courir vite et loin ou nager vite, loin et descendre profond . Je lui dois beaucoup. Elle m’a aidé dans la confrontation à penser que ma force ne faisait pas de moi son protecteur (comme je l’étais jadis dans ma famille pour mes plus jeunes soeurs). Lâche le patriarcat ! C’est quoi ce mot nouveau ? Annie, née en 56, est décédée il y a dix ans, en 2014. Mémoire et reconnaissance .

Autre rencontre importante mais livresque celle-là : Erich Fromm durablement, constamment patiemment . Il a facilité un passage, une transition et même une conversion entre le croyant que j’étais - j'ai voulu devenir prêtre à 10-12 ans - et l’athée matérialiste (pas au sens vulgaire) que je suis devenu. Et puis Marx, Freud, l’Ecole de Francfort, Lénine Trotsky Gramsci puis Darwin par dessus l’épaule de Patrick Tort rencontré au MRAP et la panoplie des autres auteurs de l’époque. Arendt aussi plus tard .

2) 1973 : De l'engagement militaire au déminage du canal de Suez sous mission ONU "DECAN".

https://blogs.mediapart.fr/edition/1973-annee-charniere-une-retrospective-collective/article/040123/1973-de-lengagement-militaire-au-deminage-du-canal

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.