Christophe Osswald (avatar)

Christophe Osswald

Brestois, écologiste et de gauche

Abonné·e de Mediapart

13 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 juin 2017

Christophe Osswald (avatar)

Christophe Osswald

Brestois, écologiste et de gauche

Abonné·e de Mediapart

La révolution, ses attentistes et ses parasites

L'agonie du vieux monde est pénible ; il peine à mourir. Les inventeurs de la civilisation d'après se tiennent prêts, mais leur enthousiasme doit s'armer de patience. Bien souvent, les années passent, et il reste plus que les patients, installés durablement dans une position d'attente. Ils peuvent rater la révolution, voire, comme les tenants du vieux monde dans lequel ils se lovent, la combattre.

Christophe Osswald (avatar)

Christophe Osswald

Brestois, écologiste et de gauche

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous sommes en 2017. Un programme - l'Avenir en Commun - et un mouvement - la France Insoumise - ont réuni 20% des électeurs dans la construction à la fois radicale et cohérente d'un monde écologique, social, et démocratique. Il y a bien longtemps (48 ans) qu'un programme en rupture avec les classes dominantes n'avait pas remporté un tel succès. Après cinquante-neuf années de coup d'état permanent sous la constitution de la 5ème République, après trente-quatre années de libéralisme plus ou moins dur (et assurément dur dans les quinze dernières), après vingt-cinq années de belles paroles écologiques sans effets (Rio, 1992), un programme de rupture parvient à rassembler.

La France Insoumise n'est pas le premier mouvement politique intéressant pour sortir de ce rail qui nous conduit toujours à plus d'inégalités, d'autoritarisme et de mal-être, et qui file droit vers le mur climatique. Les Verts et la LCR, malgré leurs histoires différentes, ont construit des projets de société assez semblables. Leurs tactiques différentes pour le faire advenir les maintiennent éloignés. Le PCF lui-même s'est éloigné de la pureté marxiste, même s'il n'a pas exprimé clairement son nouveau modèle économique. S'il ne nie pas la nécessité de l'écologie, il reste en retrait sur son caractère urgent.

Ceux qui attendent dans la rue

Sans avoir de grands nombres de militants, d'électeurs, d'argent ou d'élus, la LCR développe des analyses fines de l'état du monde, et sait mener des actions ponctuelles pour dénoncer les pires abus du pouvoir. La LCR n'a pas de stratégie de conquête du pouvoir, mais elle sait former des militants critiques, et elle sait faire naître des mouvements de lutte. Certains prétendent qu'elle a tendance à abandonner ces nouveaux-nés peu après, mais il y a toujours une nouvelle lutte à mener.

La LCR n'a guère de moyens financiers, ni d'élus, ni de dépenses. Les résultats des élections ne sont pas une condition de sa survie, et en conséquence elle ne se prête pas à des contorsions électoralistes lorsque vient la saison des bulletins de vote.

La LCR est de tous les fronts, mais elle se méfie des organisations trop grandes dans lesquelles elle pourrait se perdre. Le PS lui a pris nombre de ses militants dans les années 70, 80 et 90. Le Front de Gauche a fait de même dès le lendemain de la fondation du NPA... Lorsqu'il devient clair que la France Insoumise devient la principale force de gauche, le NPA ne s'y intègre pas.

Le NPA a le mérite de la cohérence : il défend un programme (marxiste plutôt que keynésien) bien différent de celui de la FI. Il a fait campagne pour un autre candidat, et conserve le même programme. Là où il ne présente pas de candidat (c'est-à-dire presque partout), le NPA ne fait pas campagne, laissant libres ses électeurs.

Ceux qui attendent bien au chaud

En attendant une occasion de mettre en œuvre leur programme de rupture, certains partis nouent des alliances électorales avec des partis installés au pouvoir, même si leur politique est éloignée : libérale, autoritaire, nucléariste, productiviste, ...

Naturellement, les ressources du parti sont plus élevées, et les dépenses suivent. Les cadres du parti goûtent au confort d'être élu, généreuse récompense pour les négociations d'appareils et la bataille électorale. Ils s'y plaisent, et tâchent de convaincre les militants qu'il s'agit d'une route, ou de la route, qui conduit à la mise en œuvre du programme.

Écologistes

Parti autonome et assez semblable aux associations environnementalistes jusqu'à obtenir des élus au niveau européen, les Verts se rapprochent du parti socialiste et intègrent le gouvernement Jospin en 1997. Ils continuent de porter un programme spécifique, fait d'énergies renouvelables, de transports doux et de nourriture biologique. Lorsqu'ils accèdent à la tête d'un exécutif local, ils mènent une politique bien différente. Souvent, comme minoritaires de la majorité, ils arrivent à se ménager des expériences intéressantes.

De plus en plus, le parti socialiste maîtrise l'art de confiner les écologistes dans des domaines où ils ne pourront pas transformer la société. Ils n'accèdent ni aux finances, ni à la gestion du personnel, ni à l'urbanisme. Malgré tout, EELV s'accroche à ces conseils municipaux où la parole libérée est tolérée, les votes d'humeur parfois accordés, mais l'autonomie politique, jamais. À Brest, les dérives droitières du pouvoir local sont patentes dès la deuxième année du mandat, en 2015. Sur les cinq élus, une seule prend acte de l'impossibilité de faire progresser les idées écologistes, et démissionne.

Au niveau national, le mariage avec le PS pour les législatives de 2012 fait long feu. Deux ministres démissionnent, plaçant le parti dans une démarche de rupture face à la dérive autoritaire du parti socialiste. Les élus de l'aile droite du parti, soutenus par le PS, font défection. Le parti explose, et, pour remercier le PS de toutes ces manœuvres... se désiste en sa faveur aux présidentielles !

Communistes

Grand parti révolutionnaire de la première moitié du XXème siècle, le PCF est auréolé de son action dans le Front Populaire, dans la Résistance, dans la construction de la Sécurité Sociale. Dès 1968, le PCF est un vieux parti, aveugle aux mouvements qui ne ressemblent pas à leur idéal des grèves ouvrières de 1906 ou 1936. Il s'oppose à mai 68, plutôt que d'enrichir les revendication sociétales avec des revendications sociales.

Dans les années 1970, la stratégie du communisme municipal fonctionne, et le PCF se constitue des bastions dans des centaines de mairies. Mais les bastions ne sont pas éternels, et il faut rapidement gérer les villes en collaboration avec le parti socialiste. Désormais, c'est comme élus minoritaires d'une majorité PS que les communistes siègent dans les conseils municipaux. Plutôt que de défendre leurs idées de progrès social, ils laissent passer les décisions du "partenaire". Peut-être attendent-ils cette élection future qui le replacera en tête pour recommencer à les défendre ? Illusion... ou simple confort des places acquises.

En 2008, pour Brest, la Gauche Debout était une liste citoyenne, écologiste et sociale, soutenue par la LCR et le MRC, et reprenant une large partie des forces de BAGA/TEAG (Brest A Gauche Autrement / Toue Ensemble A Gauche). Elle comportait plus de 70% de citoyens non-encartés, dont sa tête de liste. Elle se présentait face à un PS local déjà hégémonique, et avait appelé l'ensemble des forces de gauche et écologistes à la rejoindre. Aussi bien le PCF qu'EELV et BNC avaient refusé d'y participer, préférant se placer avec le PS dès le premier tour.

Illustration 1

Neuf années plus tard, en souvenir d'une lutte pour un projet social que non seulement le PCF n'a pas menée, mais contre lequel il s'est battu, le voici qui s'en arroge le nom ! Les électeurs brestois se souviennent sans doute de ce programme cohérent et ambitieux, de ces militants sur le terrain, de la jeunesse de ses candidats. Le PCF fait-il le pari que ces mêmes électeurs ont oublié dans quel camp le PCF se plaçait à l'époque, et de quelle municipalité il est le fidèle godillot depuis lors ?

En 2009, le PCF et le PG fondent le Front de Gauche. Sous cette étiquette, ils participent aux européennes de 2009, se dispersent aux régionales de 2010, se présentent aux élections de 2012 (au PG la présidentielle, au PCF les législatives). En 2014, les petits partis du Front de Gauche fusionnent et constituent un troisième pilier du Front de Gauche, Ensemble!, alors que le PCF reprend ses alliances à la carte avec le PS, utilisant le Front de Gauche comme un moyen de faire monter les enchères plutôt que comme une plate-forme politique commune.

Illustration 2

Trois années plus tard, les cicatrices de ces municipales ne sont pas effacées. Le fantôme du Front de Gauche est toujours habité par ces trois entités : PCF, PG, Ensemble!. Dans le Nord-Finistère comme ailleurs, le PG a rejoint la France Insoumise. Ici particulièrement, Ensemble! participe à la campagne de la France Insoumise, soutient tous ses candidats, et l'une de ses militantes est même investie : Christine Panaget, sur Brest-Rural. Si un groupe politique dispose de la légitimité à utiliser ce logo, il s'agit du tandem PG-Ensemble!. Encore une fois, le PCF, oublieux de ses propres décisions, se drape dans le souvenir d'un combat qu'il ne mène pas, espérant leurrer les électeurs.

Rupture et illusions

En 2017, le programme permettant de rompre avec 35 ans de dérives (ultra)libérales, c'est celui de l'Avenir en Commun.

Que l'électeur, dans le choix de son bulletin ou de son bouton, ne s'y trompe pas. L'illusion, c'est de choisir ceux qui font référence à un programme de rupture tout en assumant dans leurs choix politiques au quotidien l'accompagnement des dérives du parti socialiste. L'illusion, c'est de croire qu'un parti ou des élus qui ont financièrement besoin du PS pour vivre puissent s'en éloigner dans une assemblée législative.

Le temps des illusions est terminé. Le parti socialiste est à l'agonie, mais il peut encore nuire. Reporter de vains espoirs sur ses satellites n'aidera ni à s'en détacher, ni à construire l'avenir.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.