Les objectifs de redistribution des richesses et de transfert de pouvoir des possédants vers le peuple de François Miterrand n'ont duré que deux années. Le tournant de la rigueur a emporté les valeurs économiques, mais la solidarité avec les humains et la planète est morte avec elle. Le droit de vote des étrangers comme l'aide aux pays en difficulté et l'écologie sont restés au point mort. L'arrivée de la proportionnelle à l'Assemblée n'a pas été accompagnée d'un renouveau démocratique, elle n'était qu'un coup tactique pour gêner Jacques Chirac.
Après la dissolution de 1997, Lionel Jospin arrive au pouvoir, accompagné de sa gauche plurielle. On peut croire que la présence en force des communistes et des verts au gourvernement rendra sa politique plus sociale et plus écologique. Il n'en sera rien. Jospin privatise plus que Balladur et Juppé. Il supprime la vignette automobile, impôt écologique. Face à l'accélaration de la spéculation financière, il ne fait rien, et ce n'est que forcé par la naissance du mouvement alermondialiste qu'il renonce à l'AMI. S'il ferme les dernières centrales à charbon, ce n'est que pour monter la part du nucléaire dans l'électrivité française, pas pour développer les renouvelables.
C'est ainsi, qu'après cinq années d'une politique qui n'a pas redistribué les richesses, ni protégé l'environnement, ni redistribué le pouvoir, même si elle a mieux réparti le travail, Lionel Jospin se présente avec un programme dont il assume qu'il n'est pas socialiste. Assurément, il n'est pas non plus communiste, ni écologiste, ni même keynésien. Au mieux, on pourrait espérer qu'avec lui le néolibéralisme sera moins brutal...
Il se plante.
Ou plus clairement : le peuple a compris que ni Jospin ni ses courtisans ne seraient une solution aux épreuves que le monde devrait affronter, et le peuple a cherché d'autres solutions.
Depuis, c'est à plusieurs reprises, sous diverses étiquettes concurrentes, que s'écrit un programme de renouveau démocratique, social et écologique. Le corpus devient peu à peu cohérent. Deviendra-t-il réalité ?
2002
De 2002, on se souvient surtout du second tour Chirac-Le Pen. On devrait plutôt se souvenir du Bad Godebserg du candidat du parti socialiste, qui renonce au socialisme, et laisse orphelins ceux qui croient en un avenir solidaire entre les humains, et avec la planète. Les contrecoups du traité de Maastricht, où le oui était passé sous forme d'un contrat moral que l'on peut résumer par "en 1992, l'union économique et monétaire, et, bientôt, l'union démocratique et sociale". En 2002, dix années se sont écoulées depuis Maastricht. Le bientôt, devenu plus tard, commence à ressembler à jamais. Sur la démocratie, on goûte au passage au quiquennat, et les "petits partis" comme les français voient se profiler cette situation aberrante de l'écrasement de l'élection législative par l'élection présidentielle. Ne pouvant plus être représentés dans leurs aspirations et leur diversité par les deux "grands partis", les français utilisent donc l'élection présidentielle comme une législative, essayant de forcer un candidat centriste (Jospin) à reprendre les idées de la gauche démocratique, sociale et/ou écologique.
Renouveau social : les communistes sont laminés après leur collaboration avec le parti socialiste, et passent de 8.64% à 3.37%. Toutefois les partis se revendiquant du communisme ne s'effondrent pas collectivement : PCF+LO font 13.94% en 1995, LO+LCR+PCF font font 13.34% en 2002. Les tenants de la lutte contre le capitalisme ne sont plus les mêmes qu'au cœur du XXème siècle, mais cette lutte est toujours présente. Il reste 3.37% à Robert Hue ; la nouvelle figure de la LCR, Olivier Besancenot, obtient 4.25%, ce qui est le meilleur score historique du parti ; Lutte Ouvrière, avec la candidature d'Arlette Laguiller, obtient 5.72%, ce qui est aussi son plus haut score.
Renouveau démocratique : Jean-Pierre Chevènement acte que l'Union Européenne ne permet pas la protection des citoyens, que l'OTAN enferme la france et le monde dans l'ombre des USA, et revendique une autonomie plus importante de la France ; il obtient 5.33%. Alors que le PRG est un vieux parti de notables locaux (mâles blancs, vieux, riches et sans idées qui viennent de porter un blanc, riche, jeune, affairiste et malhonnête), il investit une candidate noire, ultramarine, brillante oratrice, Christiane Taubira. Elle symbolise le renouveau des visages et des valeurs politiques. Déjà, elle s'engage pour une 6ème République, et obtient 2.32%.
Renouveau écologique : l'écologie politique est présente dans le paysage politique depuis 1974, avec René Dumont. Depuis 1995, les Verts ont acté que la protection de l'environnement passait par la supériorité du politique sur l'économie, se rangeant dans le camp de la gauche. Malgré une désignation interne chaotique, Noël Mamère obtient le plus haut score d'un écologiste aux présidentielles, avec 5.25%. Il faut noter que si les Verts ont acté leur appartenance au champ de la gauche, c'est lors de cette élection que la LCR met en avant son appartenance au champ de l'écologie, étendant son opposition historique au nucléaire à l'ensemble des questions écologiques.
Au total, ces candidats qui restent à gauche alors que le parti socialiste la quitte représentent 26.24% des électeurs. Ces résultats ne sont anticipés ni par les grands partis qui s'effritent, ni par ces petits partis qui recueillent des électeurs, ni par les médias, ni, à vrai dire, par les électeurs eux-mêmes. Mais ces résultats montrent qu'il y a une large part du peuple français qui ne suivra pas le parti socialiste dans son projet de faire diriger le pays par une poignée d'énarques gestionnaires.
Le peuple a une idée de l'avenir qu'il veut, mais les appareils politiques qui restent à gauche sont divers, voire antagonistes, éparpillés par leurs relations variées avec le parti socialiste, comme par leurs priorités dans ce champ démocratique, social et écologique. Les électorats sont très segmentés, la jeunesse avec Taubira, Mamère et Besancenot, les ouvriers avec Laguiller et Hue, les fonctionnaires avec Mamère et Chevènement, les retraités avec Hue et Chevènement. Les programmes eux-mêmes sont très différents, et leur principal, voire seul, point commun est le refus de la dérive ordo-libérale amorcée par le parti socialiste.
2005
Dans une manœuvre absconse de déstabilisation de la gauche avant les présidentielles à venir, Jacques Chirac choisit de faire ratifier le traité instituant une constitution européenne par referendum plutôt que par voie parlementaire (utilisée pour les traités d'Amsterdam en 1997, de Nice en 2001, de Lisbonne en 2008). Il sait que la gauche plurielle de 1997 est divisée sur la question européenne et notamment sur les conséquences du traité de Maastricht, et il veut empêcher sa reconstitution pour 2007.
Le peuple de gauche s'empare du texte, et l'analyse article par article. Il démontre qu'il s'agit en rien d'une "Constitution", mais bien de la reprise des traités précédents, notamment celui de Maastricht, dans un emballage qui les rend plus difficiles à remettre en cause. Cette campagne est l'occasion de la convergence entre le mouvement altermondialiste (Attac, Via Campesina/Confederation Paysanne, la Fondation Copernic, l'Urfig de Raoul-Marc Jennar, Solidaires, ...), les partis de gauche (PCF, LCR et MRC surtout, mais aussi les Alternatifs) mais aussi les dissidents des partis de gauche favorables au traité (Mélenchon, Dolez et Delapierre au PS, Billard et Bavay chez les Verts). Il s'agit d'une campagne intelligente, qui s'appuie sur un texte et le juge par rapport à des valeurs communes et fondamentales. L'analyse du texte, dans les comités pour un non de gauche, est largement portée par les militants d'Attac, très présents sur le terrain. Le texte tombe le 29 mai 2005.
2006
Pas d'élection politique en 2006, mais une assemblée générale de l'association Attac entachée par la fraude. Nombre de militants, attachés à l'honnêteté de leur structure, la quittent. L'association passe de 35000 membres à moins de 10000. Tous ces militants n'ont perdu ni leurs connaissances, ni leur capacité à lire des textes rudes de politique économique internationale, ni leur volonté de s'engager, ni cette certitude qu'il faut lier l'économie (et notamment la fiscalité), la démocratie (et notamment dans les institutions internationales), l'écologie et le social.
Ceux qui avaient des engagements politiques ou syndicaux en plus de leur engagement à Attac se concentrent sur cette organisation restée sincère. La plupart de ceux qui n'étaient "encartés" qu'à Attac quittent le champ de l'éduction populaire au politique pour rejoindre celui, plus classique mais délaissé, de l'engagement en politique. On les retrouve dans nombre des recompositions politique de la décennie qui suit, et dans nombre de luttes emblématiques, de Notre-Dame des Landes à la COP 21, la Loi Travail ou la directive Bolkestein.
Certains, heureusement peu nombreux, suivent l'ex-président Nikonoff, en faveur duquel les fraudes ont été commises, dans la fondation de son M'PEP, petit parti politique qui dérive dans le conspirationnisme et finit proche d'Asselineau et Dupont-Aignan.
2007
Les collectifs du 29 mai se muent en collectifs antilibéraux, et cherchent à convaincre les partis politiques acteurs du non de gauche de se mettre d'accord sur une candidature unitaire. Après les départs successifs de la LCR pour présenter Olivier Besancenot puis du PCF pour présenter Marie-Georges Buffet, les collectifs se retrouvent divisés et sans candidat légitime.
Dans le processus initial, la réflexion se faisait entre Autain, Buffet et Salesse. Selon les diverses mesures, Buffet était à la fois en tête et clivante, et donc pas en mesure de faire concensus. Certaines tentatives d'impliquer Francis Wurtz ne font qu'ajouter à la confusion. L'aile gauche des Verts, impliquée dans le collectif unitaire, propose la candidature de Bové (qui n'est pas Vert à l'époque, mais Via Campesina). Tenu par l'échénace de la présidentielle et avec encore le mur des 500 signatures à franchir, le collectif national se positionne dans l'urgence pour José Bové en janvier 2007. S'il est le seul candidat dont la notoriété permet de compenser la brièveté de la campagne, il est aussi le moins en phase avec les travaux préparatoires. Il en résulte une campagne de soutien à un candidat en électron libre, qui finit avec le score peu glorieux de 1.32%, et laisse le souvenir de la guerre des 3B (Besancenot, Bové Buffet), gagnée par la LCR. Cette campagne laisse aussi de nombreux textes programmatiques, qui mettent en cohérence les diverses aspirations de 2002 et la campagne de 2005 : le corpus commun prend forme.
A posteriori, on peut penser qu'un score inférieur, réalisé par Clementine Autain ou Yves Salesse, aurait laissé une structure plus pérenne. Là, les militants collectifs antilibéraux se dispersent après l'élection. Les législatives sont l'occasion de présenter des candidats aux profils très variés, et pas souvent les plus impliqués dans la démarche unitaire. À défaut d'avoir des députés, la Gauche Alternative 2017 obtient le financement public. L'association de financement SEGA (solidarité, écologie, gauche alternative) a le mérite de pérenniser les accords de redistribution entre les forces politiques locales ou nationales impliquées dans le collectifs Bové, et d'accompagner l'évolution ces financements durant les recompositions des années qui suivent.
Le traumatisme laissé par Le Pen au second tour a traumatisé nombre des électeurs de gauche. La dispersion des candidatures (les 3B, plus Voynet et Laguiller) montre clairement que l'alternative est morte pour 2007. Ils se disent que mieux vaut une Ségolène Royal plutôt qu'une chimère radicale, qu'elle fera peut-être mieux que Jospin, et que cela donne une chance de n'avoir ni Sarkozy, ni Le Pen. Au final, Le Pen est écrasé par Sarkozy, le troisième homme est Bayrou (qui n'en retirera rien d'autre qu'un écartèlement entre les deux tours), et la gauche hors PS finit avec 8.66% des votes du premier tour. Le PS est privé du pouvoir, et ne fait pas fuir d'électeurs pendant cinq ans.
On retiendra de cet épisode "unitaire" que se mettre d'accord sur un programme et repousser à plus tard l'identité du candidat ne fournit pas de solution : lorsqu'arrive cette question, elle est trop urgente et trop difficile pour être bien résolue.
2008-2011
À nouveau, quantité de militants politiques attaché à un programme démocratique, social et écologique se retrouvent sans candidat à soutenir, et quantité de partis manquent de militants. La présidence de Nicolas Sarkozy sera l'occasion de reconfigurer le visage de la gauche française à chaque élection intermédiaire.
Avec l'adoption du Traité de Lisbonne en 2008, soutenu par le Parti Socialiste, le peuple de gauche mesure que le retour au pouvoir de ce parti ne permettra pas de défendre les intérêts des citoyens face aux volontés de la Commission Européenne.
Aux cantonales de 2008, les Verts obtiennent 11.5% là où ils présentent des candidats. Quelques mois plus tard, aux municipales, les Verts ont une stratégie d'autonomie au premier tour, et de fusion avec le PS au second : ils obtiennent 8.6% là où ils se présentent. En 2009, aux européennes, ils obtiennent 16.3% sous l'étiquette Europe-Écologie, largement ouverte à la société civile de Nicolas Hulot mais aussi en accueillant Bové. Ces scores n'ont rien à voir avec les scores de Voynet ou de Bové en 2007, même en les additionnant. Les électeurs cherchant une alternative au PS utilisent massivement les Verts durant cette période. Les Verts cherchent à capitaliser cet apport d'électeurs en créant une structure plus large : Europe-Écologie-Les-Verts (après des tentatives infructueuses de lui donner un nom prononçable, l'usage se rabat sur EELV). Sous la houlette de Daniel Cohn-Bendit, la parti sous cette nouvelle forme penche plus à droite, mais la désignation d'Éva Joly en 2012 face à Hulot montre que les valeurs ne sont pas perdues. Les régionales de 2010 (12.2% au premier tour) et cantonales de 2011 (11.7%) montrent que la dynamique est bonne.
La moitié des voix de la gauche hors PS de 2007 s'est portée sur la LCR, qui est incontestablement le parti qui parvient à survivre à l'effondrement entre 2002 et 2007. Il peut légitimement se considérer comme le porteur des aspirations de cette gauche radicale, avec des exigences fortes sur le renouveau démocraitique, écologique et social. La LCR crée le Nouveau Parti Anticapitaliste, triplant son nombre de membres. Le congrès fondateur échoue à se mettre d'accord sur un nouveau nom, et l'appellation provisoire est pérennisée. Huit ans plus tard, la nouveauté étant passée, on dit simplement NPA. Occupé à s'organiser, le parti ne s'investit pas dans les cantonales et municipales de 2008. Les élections européennes améliorent très légèrement le score de la présidentielle (5%, mais 0 élu), mais laissent surtout le parti très loin derrière Europe Écologie (16 élus) et le Front de Gauche (5 élus). Les régionales de 2010 sont encore plus cinglantes : la stratégie à suivre divise le parti, et le NPA n'atteint même pas 3% là où il se présente en autonome.
Les minoritaires du PS, tenant du non de gauche en 2005, sont mis en minorité lors du congrès du PS de 2008. Mélenchon et Dolez estiment qu'il n'y a plus d'espoir de ramener le parti vers la gauche, et le quittent pour créer un nouveau parti sur le modèle de Die Linke en Allemagne, fusion entre la scission de gauche du SPD et des ex-communistes de RDA. Le Parti de Gauche regroupe des déçus du PS et attire rapidement nombre de militants ou de déçus d'EELV comme Martine Billard. Il forme une alliance avec le PCF, le Front de Gauche, qui accueille d'autres formations comme la FASE issue des collectifs antilibéraux, la Gauche Unitaire, scission du NPA, ou République et Socialisme, scission du MRC. Les résultats de 2009 améliorent significativement les scores du PCF et de Bové de 2007. Les régionales de 2010 sont plus compliquées, la fusion à envisager avec le PS au second tour divisant les partis alliés. La répartition des cantons en 2011 obtient de bons résultats, sembables à EELV, et fournit quantité de conseillers généraux tant au PCF qu'au PG.
À l'approche des élections de 2012, le feu de paille du NPA est presque éteint. EELV a montré sa capacité à collecter des voix sur les scrutins de listes, et sa compatibilité avec le PS au plan local lors des seconds tours. Le Front de Gauche est devenu un cartel d'organisations de tailles très variées, dominé par le PCF et le PG, dans une relation diverse avec le PS.
Fin 2010, le pamphlet de Stéphane Hessel, Indignez-vous, reprend les fondements du programme du Conseil National de la Résistance et invite les nouvelles générations à s'en emparer.
Il est beaucoup lu en France, près d'un million d'exemplaires vendus. Il est traduit dans de nombreuses langues, et constitue la principale inspiration des Indignados du 15 mai 2011 en Espagne. La stratégie est d'occuper les places des villes pour y débattre et émettre des revendications comme d'organiser des actions directes, pour bloquer des expulsions d'étrangers ou d'endettés. Le mouvement Occupy Wall Street en découle aussi. En France les quelques rassemblements organisés, que ce soit en soutien à ce qui se passe Espagne ou autonome, ne rassemblent pas les foules, et la répression policière est parfois importante. L'occupation des lieux reste très temporaire. Sans mécanisme de transformation des revendications en éléments concrets, et dans une position de rejet des partis politiques tant existants que pouvant être formés sur la base de ses revendications, le mouvement s'essouffle en quelques mois. Toutefois, il a motivé nombre de futurs militants.
La montée ultérieure de Syriza en Grèce et de Podemos en Espagne est sans doute liée à la vigueur des Indignés en 2011 dans ces pays.
2012
La direction d'EELV cherche un candidat plus à même d'obtenir un score significatif que celui de 2007. Porté par les sondages, et soutenu par la direction du parti, Nicolas Hulot semble être assuré de sa victoire. Les militants en décident autrement, et choisissent Eva Joly, juge anti-corruption, plutôt que l'ex-animateur de TF1. Le parti se concentre sur la négociation d'un accord aux législatives avec le PS plutôt que sur la campagne présidentielle. Les Verts, puis EELV, sont maîtres dans l'exercice de constituer des listes, et savent bien négocier des répartitions de circonscritpion, que ce soit avec le PS ou des partis locaux. Ils sont inaptes à désigner et soutenir un candidat lors de l'élection centrale de la 5ème République. Éva Joly obtient 2.31% des voix, et EELV obtient 17 députés issus de son accord avec le PS.
Le Front de Gauche est constitué du PCF et du PG, les autres organisations (GU et FASE notamment) n'y pèsent presque rien. Il n'y a pas d'adhésion individuelle. L'objectif du PG est l'élection présidentielle, et la construction d'une alternative nationale à gauche. L'objectif du PCF est la préservation de son réseau d'élus et ses ressources. En 2012, il y a une vingtaine de députés du PCF à sauver, et le financement public dépend des législatives. L'accord est simple : le PCF finance la présidentielle et le PG fournit le candidat, Jean-Luc Mélenchon. Le PG est même assez libre du programme, le seul point de blocage du PCF concerne son attachement au nucléaire. En contrepartie, le PCF domine les législatives : il dispose de 80% des circonscriptions, et obtient 7 élus sur 10.
Jean-Luc Mélenchon obtient 11.11% des voix, ce qui le place très largement en tête de la gauche hors PS. Le programme comprend les points essentiels de démocratie (6ème république, contrôle des banques, laïcité, affranchissement des traités européens et renégociation), de justice sociale (augmentation des salaires et des minima sociaux, services publics, ) et d'écologie (planification écologique, débat national sur la politique énergétique, nationalisation d'EDF, GDF et Areva).
Au total, avec Philippe Poutou à 1.15% (NPA) et Nathalie Arthaud à 0.56% (LO), la gauche (la vraie) obtient 15.13%. On se trouve loin des scores de 2002, mais on ne se trouve plus dans la dévastation de 2007.
Sans illusion sur le candidat du PS, Mélenchon et Poutou appellent à voter pour lui au second tour. Les Verts ramassent le payement de leur soutien et font élire 17 députés, pour la plupart PS-compatibles. Ils seront d'ailleurs si compatibles avec le PS dans ses dérives droitières que six d'entre eux quittent le parti puis le groupe pour siéger avec le PS (notamment De Rugy et Pompili).
Les élections de 2012 montrent qu'un accord sur l'identité d'un candidat -- Jean-Luc Mélenchon -- permet de mieux préparer l'élection. Elles montrent aussi qu'un programme bien écrit ne résiste guère face aux questions tactiques de la relation avec le PS, et que cette question doit être bien gérée en amont.
2014
Les petits partis membres du Front de Gauche et qui ne peuvent pas y peser fusionnent fin 2013 pour constituer Ensemble! : les Alternatifs, la FASE, Unitaires (scission majoritaire de la GU, première scission du NPA), Convergences et Alternative (deuxième scission du NPA, qui rejoint le FdG avant la présidentielle), la Gauche Anticapitaliste (troisième scission du NPA, n'ayant guère fait campagne pour Poutou, mais y restant jusqu'en juillet 2012). Le processus dure jusqu'à l'été 2015 : toutes les organisations fondatrices se dissolvent au sein d'Ensemble! et le parti se crée son identité propre.
La stratégie d'indépendance face au PS portée par le front de gauche aux cantonales de 2011 et aux élections de 2012 se brise lors des municipales de 2014. Le PCF décide dans la plupart des grandes villes de faire alliance avec le PS dès le premier tour, pour sauver ses postes d'élus dans les exécutifs municipaux (c'est le cas à Brest, où le PC accompagne le PS local dans ses dérives austéritaires sans protester). Au niveau national, le Front de Gauche devient inaudible. Il n'obtient que 4 députés aux européennes (un PG, un PCF, une FdG non-encartée, et un apparenté), avec 6.6% des voix.
Si le talent d'EELV lors des scrutins par liste lui permet de mieux sauver les meubles que le Front de Gauche aux européennes, l'élan de 2009 est retombé. La participation au gouvernement lui coûte cher. Aux municipales, la stratégie est de partir en autonome au premier tour (plus souvent avec le PG qu'avec le PS, en pratique). Cela se passe dans bien plus de villes qu'en 2008 (sauf à Brest, où pourtant il n'y a guère de problématique de barrage au FN).
2016
Sous état d'urgence, le gourvenement français lance une attaque massive contre le droit du travail avec la Loi El Khomri, ou Loi Travail. Les manifestations syndicales sont importantes. À partir du 31 mars, une partie des opposants investit la Place de la République. C'est le début de Nuit Debout. Le mouvement dépasse la lutte contre la Loi Travail, et cherche à réinventiter la démocratie et la société, utilisant l'expérience des Indignados pour organiser le débat entre des milliers de personnes. Nuit debout essaime en province comme en banlieue, essayant d'être inclusive. de nombreuses revendications sont émises, de nombreuses actions sont menées, notamment contre des banques ou des municipalités. La forme de débat permanent et la volonté d'ouverture font que quelques complotistes suffisent à pourrir une nuit de débat, et les modalités de décisions font qu'il est difficile de pérenniser une position. Refusant de se constituer en mouvement politique, cette foule est consciente des nécessités de renouveau démocratique (tirage au sort, reconnaissance des minorités, accueil des réfugiés, féminisme, ...), social (salaire à vie, fiscalité redistributrice, fin du capitalisme), écologique (agriculture bio, NDDL, ...). Après un mois, les participants sont surtout occupés à ressasser les mêmes arguments, et à se protéger des infiltrations d'E&R ou de l'UPR. Ceux qui veulent agir sont en pointe des manifestations contre la Loi Travail, en particulier du blocage des raffineries. En juin, les denières occupations nocturnes cessent.
Nuit Debout constitue pourtant une porte d'entrée vers l'action politique pour de nombreux citoyens, bien différente de l'éducation popualire à la sauce Attac. On retrouvera nombre d'entre eux au sein de la France Insoumise.
Les gouvernements Hollande se révèlent incapables de limiter le pouvoir des banques (en vérité, le pouvoir français défend les monstres bancaires face aux essais de régulation des autres pays européens). Ils multiplient les cadeaux au patronat et aux actionnaires (CICE, CIR, ...). Ils destabilisent les services publics (COMUE et autres IDEX, découpage des régions sans réflexion). Ils attaquent le droit du travail et donc la protection des travailleurs (loi Macron, loi Travail). Ils attaquent la vie privée et les libertés publiques (loi de programmation militaire, déchéance de nationalité, loi renseignement, ...). Ils sont incapables de fermer un seul réacteur nucléaire, échouent à taxer les transports en camion, s'acharnent à Notre-Dame des Landes, tuent un militant écologiste à Sivens, et présentent les conclusions incohérentes de la COP 21 comme une victoire pour le climat. Et, surtout, il abusent de l'état d'urgence pour criminaliser les mouvements sociaux et écologistes, par des violences physiques directes contre les manifestants, par des perquisitions, par des assignations à résidence.
Après dix ans de Chirac puis de Sarkozy, il paraissait possible que voter Hollande soit une solution partielle ou temporaire. Il n'en a rien été, et, plus grave, il s'avère que l'essentiel du parti socialiste est sur la même ligne. La question n'est plus "comment leur faire adopter une politique de gauche ?", mais "comment s'en débarasser ?"
2017
Les primaires des grands partis, et même des petits, ont dégagé les favoris des élections : exit Sarkozy, Juppé, Hollande et Valls. Même Duflot, dernier poids lourd d'EELV qui n'ait pas rejoint le PS, est éliminée.
Le vainqueur de la primaire du PS est Benoît Hamon, ministre trublion et frondeur mou. C'était aussi le porteur de la motion de l'aile gauche du PS en 2009, qui a fini à 18.5%, et dont un bon tiers des signataires est allé fonder le Parti de Gauche juste après. Sa condidature est torpillée par son parti, occupé à mendier des places auprès d'un Macron peu généreux. On retrouve le schéma, en pire, de la relation entre Eva Joly, EELV et le PS en 2012... Au final, ceux qui seront les soutiens les plus fidèles à Hamon seront les ralliés d'EELV, incapables tant de financer leur campagne que de collecter 500 signatures. Malheureusement pour l'écologie, ce ralliement à un candidat ne vaut pas la collaboration avec le parti socialiste, et les maigres engagements de Hamon sur l'écologie et les circonscriptions disparaissent après le premier tour de la présidentielle.
Les candidats trotskistes, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud retrouvent des scores semblables à 2012 (le départ de la GA peut expliquer la baisse de Poutou... ou pas : il s'est passé bien d'autres choses en cinq ans).
À partir de février 2016, Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens, pour la plupart membres du PG, ouvrent les travaux d'écriture du programme de l'Avenir en Commun, dans le but de le porter à l'élection présidentielle. Le Front de Gauche ne s'est pas remis en fonctionnement depuis les municipales de 2014, et le fonctionnement en cartel d'organisations a montré ses limites. L'écriture du programme est ouverte aux citoyens (qu'ils soient ou non encartés au sein du Front de Gauche) et il est adopté en octobre 2016. Il s'appuie sur l'humain d'abord, programme de 2012, mais va bien au-delà, en particulier sur l'écologie, et est plus précis sur la façon de conduire le rapport de force avec l'Europe. Il conduit à un chiffrage des proposition, montrant bien que ce programme éco-socialiste est pour l'essentiel keynesien dans sa façon de piloter l'économie. Débarrassé de la nécessité du veto du PCF, il est enfin clair sur la sortie du nucléaire. Il précise le passage à la 6ème République. Il est plus proche des combats communistes dans sa défense du droit du travail et des droits sociaux, intégrant les mutuelles à la Sécu pour achever le programme du CNR.
Le mouvement prend le temps d'une campagne intelligente, où, comme en 2005, on parle du texte, et on l'analyse. Cette fois, c'est pour le promouvoir plutôt que pour le détricoter. Les livrets thématiques qui paraissent entre janvier et avril 2017 précisent le contenu du programme et prennent en compte certaines des suggestions faites dans les rencontres avec les citoyens.
Cette campagne a besoin de temps pour intégrer les citoyens. Il n'est pas possible d'attendre, comme en 2007, d'être à trois mois de l'élection pour choisir un candidat. La campagne a donc lieu, sans attendre la fin des primaires du PS que scrute pourtant le PCF. Le programme n'est pas qu'un programme présidentiel, c'est un programme de gouvernement complet : il doit aussi être porté par des députés. Leur désignation commence dès le mois de décembre 2016. Le PCF choisit d'en être absent, considérant peut-être qu'il sera plus tard appelé à fournir des candidats dans une proportion semblable à 2012. Il se trompe : il n'est plus un financier incontournable.
Le juene part Ensemble!, de son côté, soutient la candidature de Mélenchone sans intégrer la France Insoumise. Toutefois, nombre de ses militants sont intégrés à la campagne, et nombre d'entre eux sont investis aux législatives sous l'étiquette de la France Insoumise. Les accords logistiques entre la FI et Ensemble! ne posent pas de difficulté insurmoutable... contrairement à ce que le PCF semble affirmer.
Lors de cette élection, la démarche a évité tous les écueils des présidentielles précédentes : pas de psychodrame sur le choix du candidat, programme clair, écrit en commun, et largement connu des militants comme des électeurs, forte implication populaire, cohérence sur au moins les deux élections de l'année. Contrairement à Nuit Debout ou aux Indignés, la perspective de prise de pouvoir est assumée et expliquée. Au premier tour, Jean-Luc Mélenchon obtient 19.6%. Seul Jacques Duclos avait fait plus (en 1969), sans non plus atteindre le second tour. Hors PS, la gauche obtient 21.3%, et le candidat PS est lui-même en rupture avec la politique de son parti. Certains de ses électeurs, notamment EELV, l'accompagnent dans cette rupture, d'autres par fidélité au pouvoir sortant. La rupture de la gauche d'avec le PS représente donc entre 21.3% et 27.7% : on se retrouve des scores semblables à 2002.
Le mouvement de la France Insoumise dispose d'un programme solide, bien diffusé auprès des électeurs, et les militants sont plus nombreux que pour la présidentielle.
Le président nouvellement élu n'a pas de parti organisé pour défendre son programme : il l'a écrit bien trop tard, et bien trop mal. Dans la plupart des circonscriptions, ce sont deux à trois candidats qui se réclament de sa future majorité. Il paraît difficile de convaincre les électeurs en se présentant comme le meilleur futur député croupion.... Ses candidats putatifs, ambitieux et vite déçus, ne sont plus guère nombreux sur le terrain.
En 2015, lors des cantonales, EELV Finistère avait fait campagne en organisant son programme entre urgence sociale et économique, urgence démocratique et citoyenne, et urgence écologique et environnementale. Il paraît clair que les électeurs qui se retrouvent dans ces priorités ont désormais comme meilleur choix le programme de l'Avenir en Commun.
Votons bien !