Note: une suite à cet article a été publiée.
Il semble de bon ton dernièrement de dénigrer les chiffres chinois, affirmant que la Chine a nécessairement sous-évalué le nombre des morts.
Pourtant, si l'on applique la mortalité chinoise rapportée à la principale ville chinoise touchée, Wuhan, il est très clair que les chiffres chinois sont comparables (attention, un facteur 2 en épidémiologie est vite arrivé) aux chiffres européens et qu'ils permettent de prédire les évolutions des autres pays.
Tout d'abord le problème : la Chine n'a reporté qu'un nombre très faible de morts par rapport à sa population totale. C'est vrai, un grand nombre de pays ont aujourd'hui dépassé le taux de mortalité chinois dans leur population :
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Cependant, la Chine a réalisé un impressionant isolement de la province d'Hubei et plus spécifiquement à la ville de Wuhan. De fait, 77% des cas rapportés le sont à Wuhan, (une ville de 11 millions d’habitants, soit l'équivalent de la région parisienne). Cet isolement a été assorti de beaucoup de tests à l'extérieur et de quarantaines strictes qui d'après les chiffres chinois ont pour l'instant bloqué l'épidémie en Chine en dehors de la province de Hubei (96% des morts chinoises).
Il faut donc en fait rapporter l'évolution du nombre de morts à la province de Hubei et même largement à la ville de Wuhan, ce qui est manifesté par les deux autres lignes tiretées parallèles à la courbe chinoise (n'ayant pas l'évolution précise de Wuhan et de Hubei, nous rapportons les chiffres données pour la Chine par Worldometer à Wuhan et Hubei en pondérant par les proportions des morts de Hubei et de Wuhan dans la mortalité chinoise au 31 mars 2020).
Il devient alors évident que les courbes des autres pays tendent vers la courbe de Wuhan, en tout cas beaucoup plus que vers les taux de mortalité au sein du Diamond Princess où un confinement était difficile ou que vers la mortalité parmis les cas covid+ de la Corée du Sud, le pays qui pourtant semble diagnostiquer mieux que tout autre pays les cas.
Bien sûr, cela est dépendant de la bonne volonté de tout le monde de rapporter correctement, ce qui pourrait ne pas être le cas si personne de publie les chiffres dans les EHPAD, ce qui a l'air d'être le cas de la France, donc auprès de la population la plus touchée.
On peut aller plus loin en commençant pour chaque pays la courbe au démarrage de l'épidémie, arbitrairement ici le dépassement de 0.5 morts par million d'habitant:
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Il devient évident que toutes les courbes rassemblées ici sont très proches, à l’exception de celle de la Corée du sud, qui a eu aussi un effort d’isolement massif mais basé sur un traçage des contacts très agressifs (en utilisant données de carte bancaire, coordonnées gps des téléphone etc.) ! Cette politique ne bloque pas la progression mais maîtrise le nombre de cas tout en évitant le confinement général.
Il apparaît donc que les chiffres chinois, loin d’être farfelus doivent permettre de prévoir l’évolution de la mortalité dans les différents pays (du moins dans les hopitaux). Vu la simplicité des dynamiques nous utilisons le modèle SIR basique (un classique en épidémiologie, voir détails) et nous l’ajustons aux données chinoises, en ajustant après coup uniquement la force initiale de la contagion (toutes les cultures sont différentes) et la force du confinement (tout le monde n’a pas réagit aussi fort) :
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Et effectivement les ajustements aux observations de nombre de morts cumulées sont presque parfaits !
En corollaire, la mortalité du virus ainsi estimée est beaucoup plus faible (4.23 pour 10000) que le taux de mortalité parmi les cas estimé habituellement de 2.5 à 3.5 pour 100. Ce qui amène aussi a une estimation de la mortalité à venir en Italie, en France ou en Espagne de l’ordre de 20 000 à 30 000.
Conclusion : Soit on croit tous les chiffres soit on en croit aucuns...
Et quand on regarde plus étroitement, c'est encore plus clair (la suite).