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Billet de blog 5 avril 2018

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Pas de sortie de crise à Mayotte

Alors que le nouveau préfet a rencontré les élus, l'intersyndicale et le collectif et que ces derniers ont annoncé la levée des barrages, l'île est toujours bloquée. La crise dure maintenant depuis six semaines et la situation échappe à tout contrôle.

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Voilà plus de six semaines que les déplacements à Mayotte sont entravés par des barrages érigés aux quatre coins de l'île. Les pénuries sont importantes et l'économie, déjà fragile, est en train de s'effondrer. Les tensions communautaires sont à leur apogée et on assiste à de nombreuses exactions comme des décasages. Les villageois se font justice eux-mêmes en arrêtant et torturant de supposés cambrioleurs ou en interceptant les kwassa-kwassas à leur arrivée. La situation semble bloquée.

En effet, le gouvernement a nommé un nouveau préfet, Dominique Sorain, homme d'expérience qui connaît déjà l'outre-mer. Il porte aussi la casquette de délégué du gouvernement et est accompagné d'une équipe interministérielle. Le gouvernement a reconnu l'urgence de rattraper l'important retard de développement de Mayotte et semble prêt à investir sur le territoire. Gregory Emery, médecin et délégué du ministère de la santé déclare à la presse : « j’écoute les doléances d’un territoire où il n’y a que 20 pharmaciens, 20 médecins généralistes, 120 infirmières pour 260.000 habitants, c’est le taux de médecin par habitant le plus bas de France » et reconnaît que les dépenses annuelles de santé sont de 900 euros par habitant à Mayotte contre environ 3000 à la Réunion. L’État est donc prêt à admettre que les investissements sont largement insuffisant à Mayotte puisque la dotation globale de fonctionnement est de 136 euros par habitant à Mayotte contre 446€ à La Réunion, soit trois fois moins que l'autre département français de l'Océan Indien.

Les élus, l'intersyndicale et le collectif ont rencontré à plusieurs reprises le préfet et son équipe. Les discussions semblent avancer et les élus parlent d'un préfet « à la hauteur de la situation » et que les négociations se font désormais « avec des interlocuteurs sérieux ». Il en est de même pour l’intersyndicale et le collectif lesquels ont appelé lundi soir à la levée immédiate des barrages. On a cru à une sortie de crise. Pourtant il n'en est rien. Trois barrages, ceux de Longoni, Tsararano et Chirongui sont restés en place. Les autres, dans un premier temps levés, sont réapparus dès le lendemain. Retour donc au point de départ.

Outre que cette situation illustre le divorce entre les leaders et la base du mouvement – ce qu'on pressentait depuis un moment – elle montre qu'une minorité active, non satisfaite de l'avancée des négociations, se place dans une attitude jusqu'au-boutiste et décrédibilise l'ensemble du mouvement. Les barragistes semblent avoir pris goût au pouvoir qu'ils ont ainsi acquis. Les barrages ont été le théâtre de discriminations ethniques, de rackets et de violences. Le procureur annonce que des poursuites seront engagées contre ceux qui ont ainsi bafoué l’État de droit. En attendant, l'île se retrouve prisonnière d'une poignée d'irréductibles qui se crispent sur les questions d'immigration et exigent des avancées diplomatiques avec les Comores qui ne sont pas du ressort du préfet et de son équipe.

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Hélicoptère de la gendarmerie dans le ciel mahorais © Damien Gautreau

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