Je compte bientôt traduire de Takie dela, comme je l'ai fait dans mon précédent billet, plusieurs témoignages de Russes, cette fois sur l'addiction à l’alcool et aux drogues. Mais avant – il me faut aborder ce sujet en combattant les idées reçues –, voici deux graphiques et quelques statistiques sur l’évolution qu’y ont connue ces addictions, à court et à long terme. Je les emprunte au dernier Demoskop Weekly, publié par l’Institut de démographie Vichnevski, à Moscou, et plus précisément à la chronique d’Ekaterina Chtcherbakova, que j’ai déjà citée plusieurs fois dans ce blog. Il faut être prudent sur les statistiques publiées par les autorités russes, ces sources-là restent dignes de foi.
Il s’agit de données issues des établissements de soins, et qui portent, pour les deux premières séries, sur le nombre de personnes qui y sont suivies après un diagnostic d’alcoolisme ou d’une psychose liée à l’alcoolisme. Le nombre des nouvelles prises en charge dans l’année a été de 53 000 en 2021, soit 36,6 pour 100 000 habitants. Il est en réduction de 2,9 % par rapport à l’année précédente, en baisse constante depuis 2004, et à un niveau quatre fois inférieur à celui de l’année 1990. Le nombre total de personnes suivies connait des évolutions comparables, mais plus marquées (cf. graphique ci-dessous).

Les deux autres séries portent sur les personnes suivies par un établissement de soins pour une addiction ou des troubles psychiques liés à l’usage de drogues. L’évolution depuis les années 1990 est aussi celle d’une très forte baisse de leur nombre, mais il connaît une augmentation de 7,4 % en 2021, avec 13 100 nouvelles prises en charge pour 12 200 en 2020, soit, respectivement 9,0 et 8,4 prises en charge pour 100 000 habitants.
Le nombre total de personnes suivies à ce titre remonte sensiblement, et atteint 212 400 à la fin 2021, soit 149 pour 100 000 habitants (cf. second graphique).

On ne peut bien sûr penser que ces chiffres rendent compte de façon exhaustive des situations d’addiction en Russie : une partie des personnes concernées souhaitent se soustraire à cette surveillance médicale, le nombre des prises en charges dépend aussi des pratiques des établissements de soins, de leurs moyens, et des politiques sanitaires, qui varient, etc.
Néanmoins, il faut prendre acte de la considérable baisse survenue depuis la crise économique et sociale des années 1990. Celle-ci appartient à la réalité, est un fait social, et s’explique sans doute principalement par des transformations majeures de la société russe.
Il faut probablement aussi être inquiet des évolutions récentes, qui peuvent annoncer une rupture de tendance. Elles s’inscrivent dans un contexte régressif et réactionnaire, avec la crise sanitaire liée à la pandémie de la covid-19, et maintenant la guerre, dont on sait qu’elle dans ce domaine comme dans tous les autres porteuses de tous maux. Et, s’agissant des utilisateurs de drogues, dans leur dérive traditionaliste, les autorités russes ont maintenant mis à bas les associations qui avaient développé des formes de prise en charge alternatives, j'essaierai d'y revenir.