Zere Asylbek, chanteuse et féministe kirghize
- 20 janv. 2021
- Par Daniel AC Mathieu
- Blog : La Russie du social : le blog de Daniel Mathieu
J’ai découvert la chanteuse Zere Asylbek en rédigeant mon dernier billet. Et ceux qui ont suivi le lien vers l’article que je commentais y ont peut-être aussi remarqué l’incrustation de son clip Kyz (Fille). Le voici, ici, rapatrié sur Mediapart.
Et présentons-là, du peu que je sais : Zere Asylbek est connue au Kirghizstan pour cette chanson, et ce clip, réalisé en 2018. Elle y a peut-être été la première, dans cette forme artistique, à revendiquer pour les femmes la liberté de choisir leur manière d’être et de paraître. Kyz commence comme cela :
Voici que vient le temps,
Où on ne nous dira plus comment il faut vivre,
Ni « fais comme ci » et « ne fais pas comme ça ».
Pourquoi devrais-je être comme toi et les autres le veulent,
Être humain, j’ai le droit de parler.
Pourquoi ne pas me respecter ?
Je te respecte, respecte-moi aussi.
Moi et toi, tous les deux
Viens, trésor, avec moi,
Bâtir la liberté autour de nous.
Et plus loin :
Nul ne doit se sentir diminué,
Tu n’es en rien inférieure.
Ceci traduit librement, du sous-titrage russe plutôt que du kirghiz. Et le film le met en scène, entre femmes et amies, avec pudeur et délicatesse, vous l'avez vu.
Zere Asylbek a ensuite fait l’objet de menaces de mort, elle pense alors à quitter le Kirghizstan. Elle a également fait partie des manifestantes qui ont été attaquées par un groupe d’hommes le 8 mars 2019, sans autres intervention de la police que de les arrêter elles. Son second clip, Süjüntschü (Bonne nouvelle), l'illustre, avec d’autres références à la politique et à la société kirghizes, elle y parle de la corruption, de l'éducation, de l'environnement.
Son troisième clip est sorti il y a juste deux mois, le 25 novembre. C’est Apam aitkan (Ma mère m’a dit). Elle y reparle des poncifs inculqués aux filles : « À six ans, je me souviens, maman m’a dit : fillette, les filles doivent être plus prudentes. À seize ans, je me souviens, les mêmes mots : fillette, les filles doivent être plus prudentes. […]. Stop, pourquoi ils peuvent harceler, et pourquoi moi je dois me contraindre ? À quel titre sont-ils libres, et moi obligé d’être plus prudente ? ». Avec, dans les images, la même affirmation simple et forte de la liberté, et de la solidarité entre femmes.
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Et pour finir, en bonus, un film d'Asamat Altybsasov, God Zere (L'année de Zere), où elle explique tout cela elle-même, et mieux que moi. Il se termine par un point sur les violences faites aux femmes au Kirghizstan. C'est en russe, cette fois, mais sous-titré en anglais.
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