daniel gros (avatar)

daniel gros

Retraité. Ancien Cpe du Lycée de Mamoudzou. Référent de la Ligue des droits de l'homme à Mayotte.

Abonné·e de Mediapart

84 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 février 2024

daniel gros (avatar)

daniel gros

Retraité. Ancien Cpe du Lycée de Mamoudzou. Référent de la Ligue des droits de l'homme à Mayotte.

Abonné·e de Mediapart

Chronique de l'inhospitalité /5 - « elles ont renoncé à brûler la voiture »

La vie sociale et économique étouffe sous les barrages des collectifs de citoyens revendiquant une autre politique pour Mayotte, la fin des droits spécifiques et l’alignement sur ceux appliqués sur l’ensemble du territoire national. Mais les barrages peuvent n’être qu’un alibi afin de faciliter la chasse aux Africains. Une demande de justice peut-elle dissimuler une barbarie ?

daniel gros (avatar)

daniel gros

Retraité. Ancien Cpe du Lycée de Mamoudzou. Référent de la Ligue des droits de l'homme à Mayotte.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Fidèle au format des chroniques, ce billet se décline en deux parties : un texte de l'auteur et le témoignage d'un père de famille témoin des exactions commises sur les barrages érigés pour faciliter la chasse aus Africains.

Illustration 1
Démontage d'un abri à Cavani stade, le 1er février 2024 © daniel gros

Depuis deux semaines déjà, l’ile de Mayotte est paralysée par les barrages routiers décidés lors du rassemblement du 21 janvier sur la pelouse du stade de Cavani dont les abords sont occupés par des migrants originaires de l’Afrique des Grands lacs et de Somalie pour la plupart.

Du point de vue des résidents, ce campement représentait un réel progrès par rapport à la colonisation des trottoirs adossés contre le local de l’association « Solidarité Mayotte » que la préfecture a missionnée dans l’accueil et l’accompagnement juridique des demandeurs d’asile.

Dormir à la rue, sans abri, sous le soleil et sous la pluie, dans l’insécurité de la nuit, démunis et sans secours, tel est le destin des migrants à leur arrivée sur l’ile lointaine de l’Océan Indien1.

Les abris temporaires dont le confort relatif s’améliore au fil du temps, constitués d’une structure en bois à base de palettes récupérées sur laquelle sont tendues des bâches bleues, offrent en effet une réelle amélioration des conditions de vie. Malgré cela, la vie quotidienne se concentre sur les corvées d’eau, la lessive et la recherche de nourriture. Bien que le démantèlement soit à présent officiellement acté et que le risque de paraître valider l'installation a disparu, les autorités ne songent pas à installer une citerne d’eau potable et des sanitaires dignes de ce nom. Les migrants sont maintenus dans des conditions d’insalubrité et d’hygiène propices à la prolifération de maladies, dans un contexte d’accès aux soins totalement dégradé.

Trois jours avant la démonstration de force du 21 janvier, le ministre de l’Intérieur déclarait depuis l’ile de La Réunion, qu’il avait ordonné de procéder au démantèlement du camp litigieux et de gérer les migrants selon leur statut. Comment comprendre alors que la satisfaction d’une revendication, plutôt que d’apaiser les rancœurs, ait mis le feu aux poudres ?

Le premier élément d’explication réside dans la conception du droit par la population. Aucune des subtilités du droit européen, héritier du droit romain, ne peut être assimilée par une société sortie récemment de l’oralité. Il lui apparait inconcevable que le tribunal administratif de Mayotte rejette une requête déposée par le Conseil Départemental pour recouvrer la jouissance de son bien afin que soit ordonné le démantèlement du camp. Comme attendu par un esprit européen, le juge des référés, dans son ordonnance du 26 décembre, souligna que le caractère d’urgence n’était pas démontré et qu’aucune solution de relogement n’avait été prévue pour les résidents.

Ce rejet plongea les membres des collectifs, des élus locaux et les administrations dans une insondable circonspection. Comment peut-on admettre un droit à des intrus ? Comment peut-on dénier le droit du propriétaire à la jouissance de son bien ?

A leurs yeux, la reconnaissance de droits à des intrus équivaut à un déni de justice. La députée de la 1ère circonscription de Mayotte s’insurge sur son fil Twitter : « occupation illégale du stade de Cavani par des migrants : la décision du tribunal est une provocation. Le droit est utilisé contre Mayotte, la population va finir par se faire justice elle-même 2». Employée par une parlementaire, censée participer à l’élaboration de la loi, la formule : « le droit est utilisé contre Mayotte » trahit les inclinations anti-françaises (le droit français n’est pas applicable à Mayotte) et anti-démocratiques (mise en cause de l’état de droit)3.

Le second élément de réponse se devine à travers le désarroi et la révolte provoqués par la déclaration du ministre de l’Intérieur, saluée par la députée de Mayotte sur son fil Twitter-X : « je salue la décision de G. Darmanin de démanteler le camp de migrants de Cavani à ma demande et je soutiens son action contre l’immigration clandestine à Mayotte et nous espérons Wuambushu 2. Merci. Il faut agir ».

Il est symptomatique que la parlementaire passe outre la seconde partie de la déclaration faite à La Réunion le 17 janvier, cette fois en faveur des migrants : « Il y a des gens qui sont réfugiés, qui sont reconnus comme réfugiés, je vais donner comme instruction de pouvoir les rapatrier dans l’Hexagone, il y a une quarantaine de personnes […] On a reconnu qu’elles avaient le droit à l’asile et mon travail est de les protéger désormais4. »

Que la députée de Mayotte ne relaie pas cette partie de la déclaration, et la salue encore moins, indique qu’elle en comprend immédiatement les enjeux. Là se trouve l’intolérable, le souci des demandeurs d’asile et l’inadmissible protection à laquelle s’engagent les plus hautes autorités de l’État. Voilà le point de crispation qui fera basculer toutes les revendications dans une lutte jusqu’au-boutiste dont il est difficile de prévoir l’issue.

Le mercredi 24 janvier, au Sénat, une semaine après la déclaration de son ministre à La Réunion, le premier ministre en rajoute une couche : « Le démantèlement du camp doit permettre le retour à un fonctionnement normal de l'ensemble des activités. C'est une attente forte des Mahorais, et nous le leur devons. Mais je veux aussi le dire : les violences à l'encontre des migrants ne sont pas acceptables5. »

Ces déclarations de la part d’un gouvernement qui a toujours choyé les membres des collectifs dans la mesure où les deux s’accordaient sur l’essentiel, à savoir la lutte contre l’immigration clandestine comme panacée au sous-développement de l’ile, désemparent les activistes. Le cadeau emblématique offert à Mayotte avec l’opération Wuambushu magnifiait une politique en échec depuis des décennies. Que cette opération fut dynamitée dès les premiers jours ne change rien à la brutalité de la politique migratoire. Qui prend la peine d’approfondir et de chercher les causes réelles des maux de cette île délaissée ? L’ambition démesurée d’expulser 20 000 Comoriens en deux mois, de réduire une insécurité endémique imputée contre tout bon sens aux seuls enfants d’étrangers, et de démolir 1000 habitations en tôle supposées abriter des étrangers en situation irrégulière et leurs enfants délinquants à raison d'un quartier par semaine, souligne la stupidité d’une politique postcoloniale fossilisée menée avec l’assentiment de ses victimes.

Tout se passe comme si ces mises en garde constituaient un point de rupture dans la connivence avec l’État. Qui peut le suivre à présent ? Le préfet, sans doute conforté par la nouvelle donne introduite par la gestion des migrants à laquelle il a pourtant été forcé par les membres des collectifs, a décidé de rétablir le droit de circulation à Mayotte en déposant manu militari les barrages routiers et en débloquant l’accès à la préfecture. La députée de Mayotte exige du gouvernement qu’il rappelle le préfet sur son réseau de communication favori : « Je demande le départ du préfet pompier pyromane qui se gargarise de“ liberté de circuler ” et envoie des blindés sur la population pacifique demandant la sécurité mais qu’il n’a pas ce “courage” face aux criminels et délinquants ».

Alors que la seule revendication exprimée au départ visait le démantèlement sans délai du campement pourtant sous protection judiciaire, et surtout l’éloignement des réfugiés et demandeurs d’asile, le rappel par le ministre de l’Intérieur et le premier ministre de la protection due aux migrants ne fit qu’accroître les crispations parmi une population qui se sent constamment, et souvent avec raison, abandonnée et maltraitée par l’État et ses élus. Les modalités du démantèlement du campement et de la gestion des migrants selon leur statut et l’avancement de leurs démarches administratives, une fois annoncées, excitèrent une colère irrépressible. Comment admettre en effet que le gouvernement exprime sa sollicitude à l’égard de personnes rentrées illégalement à Mayotte– ils n’ont pas été invités, répète-t-on ici – alors que l’ensemble de l’ile est livré à une insécurité devenue endémique du fait d’une délinquance incontrôlable de la part de jeunes gens dont par ailleurs peu de gens se soucient depuis des années6 ?

A mesure que se prolonge la crise des migrants venus d’Afrique s’aggravent les tensions avec le gouvernement accusé de ne pas prendre la mesure de la menace, tensions qui ont affecté toutes les administrations de l’État.  

Les collectifs dans un premier temps avaient visé les administrations locales, à l’instar de la mairie de Mamoudzou, chef-lieu du département, fermée depuis le 4 décembre sur décision du maire jusqu’au démantèlement du campement. Ainsi furent tour à tour cadenassées et enchainées les entrées des Conseil départemental, de la préfecture, de l’association Solidarité Mayotte accusée de favoriser la venue des demandeurs d’asile, du tribunal judiciaire qui lui aussi eut droit à son collier de chaine.

Ils imaginèrent des rétorsions contre les résidents du stade. Le 29 décembre la rampe de robinets installée au rond-point de Cavani fut définitivement mise hors d’usage : que l’ensemble du quartier soit pénalisé importait visiblement peu. Mieux, le spot de distribution de bouteilles d’eau à la population fut évacué le jeudi 18 janvier sur décision de la municipalité. Pour détourner l’accusation de discrimination à l’égard des Africains, tout un quartier fut privé de ce droit à recevoir une bouteille d’eau par jour, droit garanti par la première ministre de l’époque à chaque habitant indépendamment de sa nationalité et de son statut administratif.

La fin de la semaine dernière, les revendications des collectifs se radicalisèrent : comment admettre sans broncher la sollicitude de l’État à l’égard des étrangers venus d’Afrique pour eux les plus menaçants ? Un nouveau collectif, nommé « les forces vives de Mayotte7 » est apparu à l’occasion de la publication d’un communiqué de presse dans un média local8.

« Les forces vives de Mayotte » demandent entre autres points « la fin du séjour territorialisé » qui transforme Mayotte en un véritable cul-de-sac puisqu’aucun étranger admis à vivre à Mayotte n’est autorisé à se déplacer sur l’ensemble du territoire national. Elles estiment à raison que « cette mesure favorise les tensions sociales à Mayotte, en concentrant une population souvent précaire sur une île limitée en ressources ». Cette revendication bénéficie aux étrangers en situation régulière actuellement pris au piège d'un département aux conditions socio-économiques particulièrement dégradées. Elle vise à trouver une solution à la migration de parenté : dans la mesure où les Comoriens ont acquis le droit de vivre en France doit leur être reconnu le droit de circuler librement.

La seconde revendication relative aux étrangers concerne les migrants africains résidant au stade de Cavani. Pour ces étrangers en faveur desquels le gouvernement français semble, aux yeux des activistes, avoir pris fait et cause, aucune compromission n’est désormais envisageable. Leur communiqué affirme une « opposition aux camps de migrants sur le territoire de Mayotte : nous demandons le démantèlement immédiat du camp de Cavani et nous opposons à tout transfert de migrants d'un lieu à un autre au sein de Mayotte. » Une telle revendication n’apparaitra contradictoire qu’à l’esprit des autorités gouvernementales soucieuses d’assurer aux réfugiés la protection internationale que la France leur doit. Les membres des Forces vives de Mayotte rejettent cette option et renvoient l’État dans les cordes. Le gouvernement doit prioritairement s’occuper de sa population légitime, en l’occurrence les Mahorais soumis à « un apartheid législatif et réglementaire à Mayotte : actuellement, Mayotte est administrée par des mesures législatives d'exception imposées et défavorables, ce qui entraîne une différence de traitement injuste »9. Qu'il renvoie les Africains d'où ils viennent.

Une fois n’est pas coutume : les membres des collectifs lient la levée des barrages qui empoisonnent la vie économique et sociale de l’ile à l’alignement des droits des étrangers et des nationaux résidant à Mayotte sur le droit commun appliqué en métropole et les autres départements.

Les Africains sont d’emblée mis hors-jeu : ils ne comptent pas. Mais ils sont pourchassés.

Pour bien comprendre la situation, il faut rappeler les fantasmes, obsessions et diverses infox ayant circulées à l’occasion du transfert des premiers occupants du stade : ils étaient imaginés à l’intérieur des véhicules les plus invraisemblables, dans les ambulances, les camions de pompiers, les bateaux de l’armée…

La semaine qui se termine n’est pas exempte de péripéties. Tout déplacement automobile sur les routes de Mayotte est empêché. L’ile est entièrement paralysée.

Lundi 29 janvier après-midi, un groupe de cinq « mama wuambushu » ont occupé les pontons de la barge qui relie la Grande terre à Petite-Terre où se trouve l’aéroport : il s’agissait de gêner le transfert des quarante migrants vers l’Hexagone, annoncé par le ministre de l’Intérieur. Finalement la barge a pu charger les passagers et reprendre son service après négociation avec le sous-préfet chargé des questions migratoires. Les migrants ont embarqué comme prévu.

Depuis, le transport maritime, totalement bloqué, contraint les voyageurs à emprunter des bateaux-taxis onéreux pour se rendre en Petite-Terre ou rejoindre l’aéroport.

Jeudi 1er février se déroula la seconde séquence du démantèlement du camp de Cavani. La préfecture avait décidé d’accélérer le processus en déplaçant 130 personnes. Dès 7 heures du matin, les résidents sélectionnés ont commencé à démonter leurs abris et rassembler leurs affaires. Mais l’effet conjoint des barrages routiers et des poursuites des véhicules des associations qui transportaient les migrants vers leur hébergement, a fortement gêné et ralenti l’opération10. Le soir encore, une vingtaine de véhicules n’avaient pas quitté les abords du stade malgré l’escorte importante de gendarmes. Manifestement « les forces vives de Mayotte » n’entendent pas faciliter l’opération  et cherchent à entraver « tout transfert de migrants d’un lieu à un autre au sein de Mayotte » au risque d’ajourner le démantèlement du campement.

Dans le même temps que la préfecture organise la fermeture du camp et tente de mettre à l’abri les résidents vulnérables, les collectifs appellent les propriétaires mahorais à mettre à la rue les Africains auxquels ils louent des logements. Ainsi voit-on sur le campement, dormant à la belle étoile sur une natte, des familles expulsées de leur domicile. Le commissariat de police refuse d’enregistrer les plaintes faute pour le plaignant d’être en mesure d’en apporter la preuve.

D’autres résidents se plaignent d’avoir travaillé plusieurs semaines pour des employeurs mahorais qui refusent de verser le salaire convenu ; là encore le commissariat de police refuse de noter la plainte quand bien même la victime est en mesure de prouver sa bonne foi en montrant les échanges enregistrés sur le téléphone portable.

Pourtant tout le monde s’accorde à dire que les Mahorais forment un peuple accueillant. Il reste en effet quelques personnes humaines, altruistes, prêtes à se rendre en catimini dans le campement pour apporter de l’aider aux migrants. Ainsi récemment une dame s’est glissée discrètement à l’intérieur du campement pour distribuer de l’argent à une dizaine de familles, tout en s’excusant de la modestie de son geste.

 *    *    *

Suit le récit saisissant d’un témoin ayant assisté à une tentative de mise à feu d’une voiture arrêtée à un barrage. Les pneus avaient été dégonflés, l’un d’eux fut arraché. A l’intérieur, prisonniers et paniqués, une mère africaine et ses deux enfants, le chauffeur et une assistante sociale.

 On a quitté le camp de Cavani vers 11 heures. On nous a transportés dans trois voitures, il y avait encore d’autres voitures qui amenaient les gens aussi. Donc on nous a transportés dans trois voitures, la mienne était devant. Dès que nous sommes arrivés au barrage de Coconi, celui qui conduisait la voiture s’est arrêté. Il a prévenu l’assistante sociale qui était avec nous qu’il allait négocier pour passer. La dame qui était avec nous a essayé de négocier elle aussi mais elle a reçu un refus. Nous n’étions pas très proches du barrage, nous étions à peu près à cinquante mètres pour éviter que les dames viennent contrôler les passagers de la voiture. C’est la ruse que l’on a utilisée. L’assistante sociale est allée négocier, et les femmes ont refusé. Elle leur a dit que nous allions rendre visite à un oncle malade, mais les femmes ont refusé. Elles ont refusé et nous avons reculé un peu et nous avons fait demi-tour. Mais la voiture qui transportait ma femme et mes deux enfants nous a dépassés. On a lancé les clignotants mais ils n’ont pas vu, ils ont continué jusqu’à la barrière. La voiture était conduite soi-disant par des malgaches, le chauffeur était malgache et l’assistante sociale aussi. Dès qu’ils se sont arrêtés près du barrage, les femmes se sont approchées et sont venues jeter un coup d’œil dans la voiture, elles ont vu mon fils à l’intérieur, elles ont constaté qu’il avait un petit malaise, ils ont jeté un coup d’œil à ma femme, elles ont crié et appelé les autres : ce sont les Africains que l’on transporte. Elles ont contourné la voiture et commencé à crier, elles commencent à vouloir ouvrir. Heureusement qu’ils avaient fermé les fenêtres et verrouillé les portes. Donc elles ont commencé à dégonfler les pneus de la voiture. Je dis aux gens qui étaient avec moi dans la voiture, je leur dis, voilà ils commencent à dégonfler la voiture, et le conducteur d’une autre voiture est allé voir et a commencé à négocier. Non ne faites pas de mal, et le chauffeur et l’assistante sociale qui menaient la voiture et les enfants commencent à pleurer à l’intérieur. Les femmes du barrage contournent la voiture, encerclent la voiture, elles ont commencé à vouloir la brûler parce que ça ne suffisait pas de dégonfler les pneus, il fallait les brûler, elles ont arraché un pneu parce que les passagers à l’intérieur ont refusé d’ouvrir la voiture. Donc les femmes ont appelé quelqu’un pour qu’il apporte des allumettes afin de la faire brûler. Et quelqu’un a commencé à prendre des vidéos. Comme elles se sont aperçues que quelqu’un commençait à prendre des vidéos, elles s’arrêtent. Une fois qu’elles ont renoncé à incendier la voiture, on a appelé la gendarmerie, comme elles ont peur de le faire brûler, donc après, elles ont constaté que la personne qui conduisait la voiture dans laquelle j’étais, transportait aussi des Africains, ils ont commencé à s’approcher de notre voiture, et à s’approcher très vite, et elles font le tour de l’autre voiture qui était derrière moi.

La voiture fait demi-tour et nous nous dirigeons ensemble vers le lycée de Tsararano. On est allé se réfugier là-bas, en attendant l’arrivée de la gendarmerie. Et c’est la gendarmerie qui est allée secourir ma femme et mes enfants, dont on avait déjà dégonflé la voiture. On avait décidé d’appeler, nous qui étions parvenus jusqu’au lycée, pour les évacuer. On a laissé la voiture et je suis allé avec la gendarmerie pour aller secourir ma femme et mes enfants qui étaient prisonniers dans la voiture dégonflée. Ma femme et mes enfants et le chauffeur avec l’assistante sociale. Donc après cela, nous étions trop nombreux on ne pouvait pas entrer dans la même voiture, donc mon garçon a accepté d’aller dans la voiture du gendarme. Et tous sont venus au lycée de Tsararano. C’est comme cela qu’on a quitté Coconi, et c’est cela qu’il s’est passé.

Donc sans l’intervention de Dieu et de la gendarmerie, la voiture aurait été brûlée. Une fois en sécurité, la gendarmerie nous a escortés sur la route. Arrivés à Passamainty, il y avait un très grand barrage, on a attendu quatre heures. En arrivant devant le barrage, on a dû faire demi-tour parce que les gens ouvraient les voitures et cherchaient les Africains. Moi j’étais dedans, et ils examinaient s’il n'y avait pas des Africains. Vers cinq heures on a eu la chance de passer, c’est comme cela que nous sommes revenus au camp de Cavani. On a attendu jusqu’à 18 heures et après nous avons été évacués depuis là-bas jusque-là où nous sommes actuellement.

 _____________________NOTES_____

[1] Voir dans ce blog, le portfolio : « Mayotte et le droit d’asile : le déshonneur ». le 11 février 2023, lien ici, et aussi « L’asile à Mayotte : racisme à découvert », éditorial, Plein-droit n°136, lien ici.

[2] Estelle Youssouffa, post du 27 décembre 2023. Twitter, X.

[3] Mayotte compte deux avocats parmi ses parlementaires, un député et un sénateur qui dans leurs discours politiques reprennent les mêmes antiennes d’un droit français inadapté pour ce territoire d’outre-mer.

[4] « Le camp de migrants installé au stade de Cavani sera démantelé annonce ce mercredi le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. » Mayotte la 1ère, le 18 janvier 2024, lien ici.

[5] « L'État "déterminé" à évacuer le camp de migrants de Cavani, à Mayotte, assure Gabriel Attal », Mayotte la 1ère, le 24 janvier 2024, lien ici.

[6] Le droit du sol modifié en 2018 pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers prive ceux-ci de toute perspective de poursuite d’études et d’insertion professionnelle. Dès leur naissance, ils apprennent qu’ils n’auront pas d’avenir dans leur pays natal. Et il est question de durcir encore les conditions de déclaration de la nationalité pour ces enfants, comme si le mal déjà fait ne suffisait pas.

[7] Les Forces Vives de Mayotte semblent un collectif ouvert, regroupant les collectifs de citoyens plus anciens, refusant à la manière des Gilets jaunes la désignation officielle de leaders ou de porte-parole. Safina Soula, présidente du collectif des citoyens 2018, n’intervient plus sur les ondes comme elle le faisait régulièrement auparavant.

[8] « Émergence du collectif « Les Forces Vives de Mayotte » en réponse à Gabriel Attal. » Le 24 janvier, L’INFO-Kwezi, lien ici

[9] Première revendication des Forces Vives de Mayotte dans leur communiqué.

[10] « Une voiture de l'ACFAV immobilisée à Coconi avec des personnes évacuées du camp de Cavani à bord ». Mayotte la 1ère, lien ici.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.