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A travers le témoignage d’une jeune fille de 17 ans, élève en terminale au lycée de Pamandzi, outre la misère ordinaire qui atteint une large partie de la population de Mayotte, c’est toute la problématique de l’accès à l’eau qui est posé. En temps normal et en temps de crise.
L'accès à l’eau potable dans « des conditions économiques supportables » est reconnu comme un droit fondamental par le Droit international. L’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu ce droit comme « essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme » dans une résolution du 28 juillet 2010 intitulée : « Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement ».[1]
Autrement dit, le droit à l’eau est un droit premier, préalable de tous les autres.
Les Nations Unies insistent sur deux points :
a - Préserver la dignité des personnes, en particulier des femmes et des jeunes filles, par l’installation de sanitaires propres et privées.
b - « Réduire le fardeau des maladies liées au manque d'eau douce et améliorer la santé, l'éducation et la productivité économique des populations. »[2]
En bref instituer le droit à l’eau marque une première étape dans la lutte contre la pauvreté.
Ainsi à Mayotte, département français dont le taux de pauvreté mine tout développement, près du tiers des logements ne disposent pas de point d’eau[3]. Les habitants des quartiers en lisière des villages convergent vers les bornes fontaines à carte magnétique qu’ils nomment « le tuyau » pour remplir les bouteilles, les seaux, les bidons afin de satisfaire à leur besoin du jour et qu’ils peuvent transporter sur plus d’un kilomètre.
Parfois, en fonction des capacités financières, l’eau est transportée dans des tuyaux noirs qui courent le long des chemins et passages sur des distances importantes jusqu’à l’habitation desservie pour remplir des tonneaux de 50 litres contre un prix d’environ 10 euros.
D’autre fois, si un arrangement a pu être établi avec un particulier plus proche du domicile ou en l’absence de fontaine magnétique, les femmes et les fillettes remplissent à son robinet un seau payé entre 10 et 30 centimes, qu’elles portent sur la tête jusqu’à leur maison.
A défaut de véritable service public de l’eau, les occupants de logements dépourvus de point d'eau sont exposés à la cupidité des revendeurs illégaux sans la moindre possibilité de recours. Ce point a déjà été documenté.
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« Aujourd’hui je vais vous raconter comment ça se passe dans mon quartier et les difficultés qu’il y a en ce moment de confinement. Ici dans mon quartier Oupi Marouzouk en Petite-Terre, nous vivons dans une situation très difficile en commençant par l’eau, nos premiers besoins nécessaires. Ici nous prenons notre eau dans une sorte de puits, alors qu’on a tendance à remarquer que cette eau n’est pas bonne pour la santé. Elle est en mauvais état, elle est encore salée. A ma connaissance cette eau provient de la mer car nous n’habitons pas très loin du rivage, c’est juste en bas. Mais on n’a pas le choix. Alors on ne l’utilise que pour faire la vaisselle, laver nos vêtements et nous doucher parfois. On passe parfois une semaine sans se laver parce que c’est compliqué de ramener et porter de l’eau jusqu’à la maison. Certains dans mon quartier l’utilisent pour nettoyer les bébés et boire, Pas de tuyau à carte, ici. Même pour demander au voisin, c’est très difficile. Parce qu’ils pensent à leur prochaine facture à la fin du mois. Ils se plaignent que leur facture deviennent très chères. En quelque sorte ce puits appartient à une amie qui n’habite pas très loin de chez nous. On est obligé de demander à quelqu’un qui possède un brouette pour transporter nos bouteilles de 20 litres, et des seaux remplis d’eau.
« Dans notre situation, on profitait de la saison des pluies pour récupérer de l’eau et la boire. Mais maintenant que la saison des pluies s’est arrêtée, on est complètement perdu.
« En ce qui concerne la nourriture dans ces moments de confinement, c’est encore difficile par rapport à avant. Pour sortir aller chercher de la nourriture, on n’a pas assez d’argent. Pour aller faire des photocopies des attestations de déplacement dérogatoires. Pour cela je suis obligée en tant que fille de porter le sac de riz de 20 kilos à 25 kilos, parce que dans ma famille il n’y a que moi qui peut sortir. Maman mère elle ne peut pas car elle a un problème au niveau de son pied gauche. Dès fois elle souffre donc c’est moi qui fait tout dans la maison.
Ma mère a connu une situation très difficile après le décès de mon père. Dès fois elle a des images. C’est difficile de trouver de la nourriture. Avant elle faisait un travail de femme de ménage, on la payait 150 € par mois. Avec trois enfants âgés. Et pour cela ma mère, elle achetait à manger comme le riz le sel etc. Et maintenant puisqu’elle ne travaille plus, elle a arrêté de travailler à cause de son pied.
« En ce qui concerne mes études, je ne suis pas trop concentrée à l’école, je pense trop à ma famille. Pour réviser, je peux pas. et en ce moment puisqu’il n’y a pas de connexion chez nous, c’est très difficile. Alors je me déplace pour aller chez quelqu’un qui a la connexion pour faire mes devoirs. »
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Notes
[1] Voir sur le site des Nations Unies, la page consacrée à la thématique de l’eau, ici.
[2] Ibidem.
[3] Lire Mayotte-Hebdo, « Les chiffres qui rendent le confinement compliqué à Mayotte», 20 avril 2020.