Les bons arguments contre cette réforme inique ne manquaient déjà pas mais il est peut-être utile d'en rappeler quelques uns :
1) Les rapports du conseil d'orientation des retraites ne sont pas alarmants, les déficits prévus sont largement gérables.
2) Ces faibles déficits ont été créés volontairement par un assèchement continu des cotisations sociales en faveur du patronat (CICE, primes défiscalisées, baisse de cotisations pour les bas salaires etc...)
3) Les économies produites par cette réforme n'ont pas vocation à financer le budget de l'Etat comme le laisse entendre le gouvernement. Cela constituerait un dévoiement complet du système.
4) Quant à la promesse d'utiliser une partie de ce pactole pour financer la transition écologique, on nous a déjà fait le coup avec la taxe carbone dont les Macronleaks ont révélé qu'il s'agissait d'éponger une partie de la note du CICE. Cette fois c'est la baisse des impôts de production qu'il convient d'amortir.
On observe donc un ruissellement vers le haut dans toute sa laideur : pour financer les cadeaux aux plus riches et aux entreprises, le gouvernement détruit la protection sociale de toute la population et les deux récentes réformes de l'assurance chômage procèdent également de la même logique.

Mais il y a pire. Il est temps (insoutenable suspens!) de livrer l'argument implacable de Thomas Piketty.
Car justement cette réforme ne concerne pas toute la population.
Aucun effort ne sera fourni par ceux qui font de longues études. En effet, pour cotiser 42 et bientôt 43 ans (réforme Touraine qui monte en puissance) la plupart des cadres et cadres supérieurs devront, même sans réforme, déjà travailler jusqu'à 65 ans.
Et donc le poids de cette contre-réforme sera entièrement supporté par ceux qui n'ont pas fait d'études, c'est-à-dire les plus précaires, aux métiers les plus pénibles, et qui devront travailler au moins 45 ans!
Si l'on ajoute que 25% des plus pauvres sont déjà morts à 62 ans (*), jamais Macron n'aura aussi bien mérité son surnom de "Robin des bois à l'envers".
(*) car cerise sur le gâteau, si l'espérance de vie augmente en moyenne, celle des plus pauvres a tendance à stagner voire à diminuer (c'est déjà le cas aux Etats-Unis) pendant que celle des plus riches augmente. Sur le site Elucid d'Olivier Berruyer on peut lire : "comment justifier de faire travailler plus les salariés aux conditions de travail les plus difficiles, si leur espérance de vie recule ou même stagne, pour financer les retraites des cadres futurs nonagénaires".
Ce billet est quelque part une suite de celui-ci : l'insubmersible Dominique Seux
Pour le débat entre Piketty et Seux dans son intégralité voir : le débat
Pour une critique de l'ancienne mouture de la réforme : la macronie à l'épreuve de la réforme des retraites