L’Indonésie, vraiment un tigre ? Non, un fauve malade
Dans une tribune publiée par le magazine Challenges, Jean-Paul Laborde, ancien sous-secrétaire de l’ONU, nous présente l’Indonésie sous la présidence de Prabowo Subianto comme “le réveil d’un tigre asiatique”, un pays prêt à rugir sur la scène mondiale.
Certes, le pays a un potentiel énorme : des ressources abondantes, une population jeune et dynamique, un archipel riche en opportunités. Mais ce potentiel est gâché par des élites irresponsables et corrompues, plus intéressées par leurs profits personnels que par le bien-être du peuple.
Derrière les beaux chiffres et les discours triomphalistes, des millions d’Indonésiens vivent dans l’ombre : écoles et hôpitaux insuffisants, les infrastructures sont limitées, voire inexistantes, dans les zones rurales. Les élites, elles, accusent quiconque critique le système de “non-patriotisme”, alors que ce sont elles qui sèment le désordre et creusent les inégalités.
Pendant ce temps, les forêts disparaissent, les tigres de Sumatra s’éteignent, et la corruption gangrène l’État. Le tigre que célèbre Jean-Paul Laborde n’est pas fier et fort : il est malade, blessé, et affaibli par ceux qui devraient le protéger.
Oui, l’Indonésie peut croître et se développer, mais tant que ses dirigeants seront aveugles à la souffrance du peuple et destructeurs de l’environnement, le “réveil” n’est qu’un mirage. Le tigre asiatique rêvé est en réalité un tigre très malade, et personne ne devrait applaudir ses rugissements factices.
Mais on peut s’interroger : quelle a été la motivation de Jean-Paul Laborde, ancien sous-secrétaire général des Nations Unies et ambassadeur de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée contre le crime organisé, le terrorisme et pour l’état de droit, pour faire une si belle publicité du régime Prabowo ? Ne connaît-il pas le passé de cet homme, ancien général accusé de graves crimes sous la dictature de Soeharto, au point d’avoir été interdit d’entrée aux États-Unis pendant plusieurs années ?
Si Jean-Paul Laborde venait à lire ces lignes, qu’il se souvienne que promouvoir un régime autoritaire, c’est trahir non seulement les victimes de ce passé sombre, mais aussi les idéaux mêmes qu’il a défendus au sein de l’ONU.