Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

485 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 juillet 2025

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

Indonésie : dépendance aux armes étrangères et partenariat turc

L’Indonésie, archipel stratégique, reste largement dépendante des armements étrangers malgré ses ambitions d’autonomie. Le récent accord militaire avec la Turquie, héritière des liens historiques ottomans, illustre cette quête d’indépendance progressive face à une industrie locale encore fragile.

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Indonésie : dépendance aux armes étrangères et partenariat turc

L’Indonésie, pays insulaire aux dimensions gigantesques et à la position géostratégique majeure, fait face à un défi important dans sa politique de défense : la forte dépendance aux armements étrangers. Cette réalité se traduit par la signature récente d’un accord de coopération militaire avec la Turquie, un partenaire stratégique en plein essor sur la scène internationale.

Un accord militaire stratégique avec la Turquie

Le 24 juillet 2025, l’Indonésie a officialisé un accord avec la Turquie visant à renforcer leur coopération dans le domaine de la défense. Cet accord prévoit l’échange de technologies militaires, la formation des forces armées indonésiennes, ainsi que la coopération dans la fabrication conjointe d’équipements.

Cette collaboration s’inscrit dans la volonté de Jakarta de diversifier ses sources d’armements, traditionnellement dominées par les États-Unis, la Russie, la Chine, ainsi que quelques pays européens, dont la France.

La Turquie, dont l’industrie de défense connaît un essor rapide, se positionne aujourd’hui comme un fournisseur alternatif capable d’offrir des équipements modernes et adaptés aux besoins spécifiques de l’archipel.

Une dépendance historique et actuelle aux armements étrangers

Depuis des décennies, l’Indonésie ne possède pas une industrie militaire pleinement autonome. Ses forces armées se sont largement équipées grâce à des importations, en particulier d’armes légères, de véhicules blindés, d’avions de combat et de systèmes de défense côtière.

Même lorsque l’Indonésie prétend fabriquer ses propres armes, la réalité est souvent différente : la production se fait sous licence étrangère, avec un transfert de technologie encadré. Un exemple récent est la coopération entre le groupe français Naval Group et le chantier naval indonésien PT PAL pour la construction de deux sous-marins Scorpène Evolved. Bien que la construction ait lieu en Indonésie, la conception, la technologie et les composants critiques restent largement fournis par Naval Group. Ce partenariat illustre bien la dépendance technologique qui persiste malgré les ambitions d’autonomie.

Cette dépendance engendre plusieurs vulnérabilités : en cas de tensions géopolitiques, Jakarta pourrait se retrouver limitée dans sa capacité à renouveler ou maintenir son matériel militaire. De plus, l’accès à certaines technologies sensibles reste souvent conditionné à des intérêts diplomatiques et commerciaux des pays fournisseurs.

Un passé historique liant l’archipel à l’Empire ottoman

Cette relation militaire moderne trouve un écho historique dans les liens anciens entre l’archipel indonésien et l’Empire ottoman. Dès le XVIe siècle, l’Empire ottoman a entretenu des relations avec plusieurs royaumes musulmans d’Asie du Sud-Est, notamment à Java et à Sumatra.

Dans un contexte d’expansion européenne, notamment la menace portugaise et espagnole, l’Empire ottoman apporta un soutien politique et militaire aux sultanats locaux, renforçant ainsi une solidarité islamique transcontinentale. Cette alliance visait notamment à contrer l’influence coloniale et à protéger les intérêts musulmans dans la région.

Si ces relations n’ont jamais débouché sur une présence ottomane directe durable, elles ont jeté les bases d’une fraternité symbolique entre l’Indonésie et la Turquie actuelle, héritière de l’Empire ottoman. Ce lien historique facilite aujourd’hui une coopération renforcée dans le domaine de la défense, nourrie par un respect mutuel et une volonté commune d’affirmer leur place sur la scène mondiale.

Vers une autonomie accrue ?

Le partenariat avec la Turquie offre à l’Indonésie une opportunité intéressante de diversification de ses fournisseurs d’armement, loin de la dépendance traditionnelle aux grandes puissances.

Toutefois, cette coopération reste encadrée par des limites technologiques et politiques : Jakarta demeure largement dépendante des licences étrangères, et la Turquie, malgré son essor, n’est pas encore un acteur capable de garantir une autonomie complète.

Ce partenariat est donc un pas, mais pas une solution définitive à la souveraineté militaire indonésienne.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.