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Billet de blog 3 juillet 2025

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Ubuesque (3) : la grande cause de la santé mentale, entre gadgets et clowneries

Nos dirigeants politiques découvrent l'ampleur du mal-être collectif dans notre pays, et se targuent d'ambitieuses réformes et de plans visionnaires. Pourtant, leurs remèdes contribuent manifestement à alimenter l'agonie, faute de cibler les véritables problématiques. On administre des sangsues, des saignées, et on laisse crever...

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« Tiens ! Polognard, soûlard, bâtard, hussard, tartare, calard, cafard, mouchard, savoyard, communard ! » Alfred Jarry, Ubu Roi

Ouh là là ! ils vont pas bien, les gens…Le peuple souffre, et va finir par devenir carrément improductif, et par coûter très cher aux finances publiques. Et les jeunes, n’en parlons pas…Mais que fait la psychiatrie ? ! Ha, on l’a démantelée, il n’en reste plus rien, et on continue à sacrifier les quelques îlots qui surnagent encore... On balance allégrement des pesticides managériaux sur la mauvaise herbe des collectifs de soin, on décime tout ce qui pollinise et essaime à coup de modernisation gestionnaire.  On a Duplomb dans l'aile...Zut ! Ou tant mieux, car c’est une belle opportunité pour promouvoir une santé mentale enfin inclusive, rentable, numérique et start-upable.

Quelques exemples parmi tant d’autres dans l’actualité très récente : la fermeture annoncée du premier Centre d’Accueil et de Crise à Paris, le Centre Ginette Amado, accueillant des patients 24H sur 24, et évitant ainsi l'embolie des services d'urgence...

A Lavaur, près de Toulouse, c’est également l’hécatombe. Après la fermeture d'un centre de réadaptation sociale et d’une ferme thérapeutique, après le saccage des services d’hospitalisation, le démantèlement se poursuit. Ainsi, c’est au tour de « la Gravette », unité de soins accueillant 27 patients sur du long cours, d’être maltraitée par la direction.

« Brûlé vif au vitriol administratif ! Jugez plutôt :

  • Suppression de la moitié des lits, 
  • Suppressions de la totalité de l’équipe d’aides-soignantes, 
  • Suppression de la moitié de l’équipe infirmière ! »

Evidemment, puisque ce lieu déploie une « psychiatrie humaine, accueillante, émancipatrice, respectueuse des patients », mais non fondée sur les preuves, et non rentable. Constatez vous-mêmes : des soins relationnels, avec des activités thérapeutiques, des séjours, des accompagnements dans la cité…Un accueil dans la durée…Vade retro satanas ! Il faut détruire tous ces archaïsmes païens, et introduire la science, la qualité, l’efficacité, la fluidité, l’agilité, le turn-over…

Il faut imposer une santé mentale de proximité, à coup d’équipes mobiles, de plateformes, de centres experts, d’applications numériques, etc.

D’ailleurs, c’est bien ce qu’a annoncé Yannick Neuder, le ministre de la Santé, dans un « plan ambitieux » dévoilé le 11 juin dernier ; car force est de reconnaitre « une dette collective envers la psychiatrie publique ». Il faut donc « Repérer, soigner, reconstruire », à travers un ensemble de mesures cosmétiques. Voici donc la promesse : « celle de ne plus laisser la souffrance psychique sans réponse » ! – à l’heure glorieuse où 1,6 millions d’enfants et d’adolescents seraient fragilisés dans leur santé mentale, sans que la moitié d’entre eux puissent avoir accès aux soins…

Alors certes, les mauvaises langues vont s’en donner à cœur joie : il n’y aura aucun crédit nouveau, et il faudra continuer à faire des économies et à rentabiliser les dispositifs. Donc, pas de hausse des effectifs soignants, pas de plan de titularisation, pas de rénovation des structures hospitalières vétustes jusqu’à l’indignité, pas de soutien aux structures publiques qui dépérissent….

Non, non, non !

Il faudra soutenir en priorité le secteur privé lucratif, favoriser les solutions innovantes et rentables, ubériser les pratiques, sacrifier le soin et la prévention sur l’autel de la « recherche » et de l’expertise.

« Ji tou tue au moyen du croc à merdre et du couteau à figure » Alfred Jarry, Ubu roi

Illustration 1

Peu importe que les services d’urgence soient saturés, que les patients les plus préoccupants se retrouvent sans solution, totalement délaissés. Pour eux, le texte législatif concernant le recours à l’euthanasie prévoit que les personnes présentant une souffrance psychique incurable puissent demander une aide à mourir. En effet, sur le principe de non-discrimination des personnes souffrant de troubles mentaux, il ne faudrait tout de même pas exclure la détresse psychiatrique du champ d’application de la loi et de l’accès au suicide assisté, ce qui permettra de traiter toutes ces vies indignes une bonne fois pour toute. Nonobstant, un tel cadre législatif ne pourrait être éthiquement soutenable qu’à partir du moment où serait garantie une réalité effective d’accès à des soins de qualité pour tous…Or, de nombreuses personnes psychiatrisées n’ont même plus accès à leur traitement. Depuis le 1er janvier 2025, 14 tensions d’approvisionnement et ruptures de stock en médicaments psychotropes ont été publiées par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM)… Et cela concerne des psychotropes jugés essentiels, à savoir des traitements de fond parfois indispensables à la prise en charge : des antipsychotiques, des thymorégulateurs tels que le Lithium ou encore des antidépresseurs. Par contre, nous pourrons garantir l’accès aux injections léthales…

Peu importe que les équipes s’épuisent, avec une véritable hémorragie et une crise des vocations. Que les soignants se consument, avant de déserter, de guerre lasse. Entre pression hiérarchique, dégradation des conditions de pratiques, indignité des possibilités d’accueil, indisponibilité à la rencontre et à l’accompagnement, manque de reconnaissance, délitement des perspectives, exacerbation des niveaux de violence, etc., il y a effectivement de quoi craquer…

Comme le souligne Laura Tournand, « militante dépressive », « il faudrait montrer les couloirs d’un hôpital psychiatrique un dimanche soir. Montrer les infirmier·es en burn-out, seuls pour gérer 20 patients. Il faudrait entendre les cris, voir les chambres d’isolement, comprendre ce qu’est une contention. Il faudrait raconter ce que c’est, une nuit sans médicament. Un matin sans psychiatre. Un suivi coupé net faute de budget. Un diagnostic erroné qui fout une vie en l’air ».

Une fois qu’on a bien dévasté, on peut réformer…et faire accepter, menacer, extorquer : c’est ça, ou rien…Il faut s’y faire, et se taire.

« La pénurie est un argument écrasant, des psychiatres ou les discours médiatiques te font sentir ça. Si tu ne profites pas de ce qu'on t'offre, laisse ta place, d'autres personnes en souffrance attendent. La mise en concurrence des souffrances, c'est comme pour le marché du travail, le discours capitaliste fout la pression générale par en dessous, histoire que tout le monde se la ferme et que ça se range. » (Treize, « Charge, j’ouvre le huis clos psychiatrique »).

Illustration 2

Peu importe que le droit des personnes concernées soit toujours plus bafoué, avec un retour des délaissements, mais aussi des pratiques les plus dégradantes.

Le témoignage des « psychiatrisés » reste inaudible, voire méprisé, alors que les personnes concernées devraient être les principaux acteurs des « plans de réforme » de la psychiatrie – ce qui amènerait à un sévère remise en cause des pratiques, de la culture dominante et de l’organisation actuelle des dispositifs « thérapeutiques ».

Comme le souligne HK, psychiatrisée militante, « ça fait du bien de partager nos vécus de l'institution, ses non-sens, sa vacuité, de mettre en mots la colère contre les médocs et leurs prescripteurs, contre le chantage à la permission, les micro-humiliations, de dire le ras-le-bol du couvre-feu, de toutes ces injonctions au retour à l'ordre, quand on aimerait tant qu'à l'intérieur ça puisse bouillonner à nouveau ».
« Pour certain.es, l'HP c'est juste au foyer de plus, les soignants sont parfois les seules personnes bienveillantes de leur entourage. J'y rencontre aussi les récalcitrant.es, celles et ceux qui ont eu droit à la chambre d'isolement, aux injections dans le cul, aux hospitalisations sous contrainte, et qui semblent avoir quelque chose de brisé à l'intérieur. Ceux que personne n'attend. Celles qui ont les mains qui tremblent, les yeux qui plafonnent, les jambes qui s'impatientent : tout sauf rester dans ce corps. Ce corps à l'intérieur duquel la folie lutte pour survivre, aux abois, traquée par les médocs et les injonctions disciplinaires. Les effets secondaires nés de cette lutte font alors comme des stigmates de monstruosité, des séquelles d'exorcisme ».

Illustration 3

Mais, face aux tentatives de considérer vraiment ces paroles, il y a aussi toutes les résistances instituées qui érigent leurs expertises : « en face, le rappel à la norme (sociale, économique, politique...), la réhabilitation du contrôle et de la contrainte dans le soin, le champ sournoisement gagné par les neurosciences et leur modélisation de l'existence humaine, la marchandisation du système de santé, la manipulation du fantasme du fou dangereux, le cachetonnage massif des récalcitrant.es, etc., etc., sont autant d'assauts contre nos tentatives d'émancipation ».

Peu importe si la banalisation du discours santémentaliste, si la médiatisation héroïque du rétablissement de certaines personnalités médiatiques, si l’occultation des déterminants socio-politiques du mal-être psychique, contribuent toujours plus à invisibiliser les personnes les plus en souffrance, cumulant l’exclusion, la précarisation, le rejet, les violences, l’absence de soins, à la rue, en prison…

Voici à nouveau le témoignage d’HK à ce propos : « Le storytelling du parcours de rétablissement idéal, quand bien même il peut donner espoir et force, reste un jeu pernicieux. Il individualise les vécus et fait reluire les egos ; et il arrange bien le système néolibéral en propageant l'idée fausse du "si on veut, on peut", invisibilisant au passage les paramètres structurels (socio-économiques et culturels notamment) qui conditionnent nos vies. Lutter pour la dignité des personnes concernées par les troubles psy, c'est aussi lutter contre les inégalités et les injustices de toute nature »…

Peu importe que ce soient désormais les urgences qui se retrouvent en première ligne pour « encaisser » la montée des crises, avec tous les risques de négligence et de maltraitance…

Peu importe l’inhospitalité de plus en plus instituée. La précarisation des parcours. La plateformisation et l’ubérisation des interventions. Tout cela au nom de l’impératif de désinstitutionnalisation….

Peu importe que l’Etat se déresponsabilise toujours davantage, en faveur du secteur privé lucratif. Manifestement, le mal-être psychique est aussi une source intarissable et performante de dividendes.

Peu importe l’incurie induite par la généralisation de dispositifs innovants, captant les ressources via des appels à projets du FIOP (Fonds pour l’innovation organisationnelle en psychiatrie) : start-up en santé mentale, applications numériques et outils médiés par l’intelligence artificiel, afin de « détecter des signes précoces de détresse morale » et « développer des méthodes préventives innovantes ». Désormais, les plateformes d’avatars artificiels multiplient les profils dits « thérapeutes ». Un phénomène inquiétant au regard de la popularité de ces chatbots et de leur manque d’encadrement auprès des individus les plus vulnérables…

Peu importe que des fondations privées et très orientées idéologiquement puissent promouvoir leurs dispositifs d'évaluation auprès des pouvoirs publics, à travers un usage « trompeur » de données scientifiques à des fins de communication. Se prévalant d’une médecine dite « de précision », la fondation Fondamental couvre le territoire de centres experts qui, sous couvert de recherche, captent les financements sans offrir de perspectives de soin. Les personnes souffrantes deviennent alors des cobayes, voire des rats de laboratoires, qu’il faut enregistrer, mesurer, prélever, optimiser… Des cerveaux dysfonctionnels, des microbiotes dérégulés, des génomes tarés…

« Si la souffrance a pris de la place c'est précisément parce qu'ils ont filé régulièrement des coups de scalpel à mon statut de sujet. Rendre objet l'humain est une façon efficace de découper en morceaux, de nourrir la violence, de mettre hors conscience » Treize

Illustration 4

Peu importe la généralisation et la banalisation de pratiques abjectes : contention, isolement, sédation médicamenteuse excessive dès l’enfance…et la pathologisation des résistances et insoumissions.

« J'ai la pyramide du pouvoir ancré dans le crâne et j'ai peur des représailles chimiques s’il rapporte de l'agressivité de ma part » Treize

Peu importe les effets destructeurs du rouleau compresseur idéologique et de l’autoritarisme managérial, qui imposent une standardisation des pratiques, au nom d’un scientisme débridé. Au-delà des procédures - omniprésentes et chronophages - d’évaluation, de certification, de mises aux normes qualité, ce sont aussi de véritables manœuvres inquisitoriales qui se déploient en toute impunité. Un petit exemple parmi tant d’autres : au Centre Référent Autisme d’Amiens, voici l’avertissement qui a été collé sur de nombreux ouvrages de référence, écrits par des auteurs d’orientation psychanalytique (par exemple Donald Winnicott, Geneviève Haag, ou encore Bernard Golse) : « Nous attirons votre attention sur le fait que ce document est susceptible d’aborder des théories ou des approches qui ne font pas consensus auprès de la communauté scientifique ou qui ne sont pas recommandés par la HAS. Il est donc réservé au lecteur averti et doit être abordé avec un esprit critique. La présence de ce document dans nos rayons n’a pas valeur d’approbation par les équipes des CRA ». Dans d’autres lieux, certains ouvrages sont tout simplement éliminés, et ces références interdites…L’orthodoxie doit régner !

Peu importe que la politique du handicap soit un indéniable fiasco, au-delà de la vitrine des jeux paralympiques ou autres mantras inclusifs ressassés jusqu’à la nausée. L’inclusion scolaire telle qu’elle est menée actuellement est une débâcle affligeante, dont les enfants les plus fragiles font les frais. Désormais, pour obtenir un accompagnement humain individualisé à l’école, il faut soit un diagnostic d’autisme, soit une situation dans laquelle l’enfant se met en danger ou met en danger les autres…De plus en plus, on « mutualise », on dissémine, on éparpille…Le dispositif des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) est également en train de sombrer, gravement. Dans les Hauts-de-Seine, département le plus riche de France, il fallait, l’année dernière, plus de 8 mois pour traiter un dossier. Sur 3 équivalents temps plein de médecins, seule la moitié était pourvue, avec notamment des praticiens retraités. Pour en rajouter, la MDPH du 92, à l’instar de tous les services départementaux, dont les Services des Solidarités Territoriales (SST), vient d’être victime d’une cyberattaque. Ils ont donc perdu toutes les données numérisées, sans avoir gardé des doubles papiers ; dossiers en cours, coordonnées des usagers, etc. Evidemment, aucune communication dans les médias…Il faut préserver la réputation des institutions, c’est la priorité. En conséquence, les familles n’ont pas été informées, et certains dossiers vont définitivement être évaporés, notamment ceux des usagers les plus précaires, n’ayant pas forcément accès à l’information ou les réflexes administratifs les plus aiguisés…Il faut bien accepter quelques sacrifices.

Mais les dirigeants politiques s’insurgent ; cela ne peut plus durer, cela commence vraiment à se voir. Et puis, cela va finir par devenir très coûteux cette histoire de mal-être. Ils versent des larmes de crocodiles, et déversent leur charité frelatée. Ils refusent, ils vont se battre !

Tels les « hommes libres » d’Alfred Jarry, ils ne manquent jamais leurs « exercices individuels de désobéissance », le premier devant « poser l’arme à terre ; numéro deux, la lever crosse en l’air ; numéro trois, la jeter à six pas derrière et tâcher de prendre ensuite une attitude libertaire » (Alfred Jarry, Ubu enchaîné)

Illustration 5

Pendant que Sandrine Rousseau préconise la mobilisation du secteur privé, le ministre de la santé, Yannick Neuder, veut développer une « vigilance collective » face à la souffrance psychique, en particulier celle des plus jeunes…. Il propose par exemple une « prime » aux CMP proposant des créneaux non programmés pour les urgences, ainsi que la formation de 300 000 personnes au secourisme en santé mentale, ou le déploiement d’équipes mobiles…A nouveau, il s’agit de privilégier la gestion de crises, de façon ponctuelle, sans aucune perspective en termes de prévention ou d’accompagnement pérenne. Il s’agit donc d’instituer l’éphémère, à l’instar du dispositif « Mon Psy ». Comme si quelques séances remboursées pouvaient suffire à soigner véritablement. Là, ce sont des rustines défectueuses, qu’on espère avoir collées sur le bon trou, le plus béant, avant de remettre trois coups de gonfleur, puis de lancer l’embarcation en pleine mer, sans instruments de navigation…On s’étonne donc que jusqu’à 93% des psychologues n’adhèrent pas au conventionnement et refusent de contribuer à ces rafistolages, et de participer ainsi au dépeçage des institutions publiques de soins psychiques.

Laissons la parole à Laura Tournand pour conclure : « En 2025, la santé mentale est devenue une "grande cause nationale". Et pourtant, elle est toujours un grand mensonge collectif. Tout ce qui dépasse du cadre — le chaos, les troubles graves, l’inadaptation radicale au monde tel qu’il va — est renvoyé dans l’ombre… »

Mais attention Breaking News ! Mme Claire Compagnon, présidente de la commission de recommandations pertinence, parcours et indicateurs (CRPPI) et membre du collège de la HAS, vient de donner une interview exclusive à APMnews, et annonce des mesures qui vont définitivement sauver la situation. 

Ainsi, cette experte sans formation médicale, sans aucune expérience de terrain, nous explique que la psychiatrie de secteur était malheureusement trop généraliste, et « ne disposait pas beaucoup de thérapeutiques ni même de ressources professionnelles, ni même de stratégie élaborée de prise en charge »- contrairement aux approches personnalisées que l'on peut avoir aujourd'hui...Car « on a vu la naissance et le développement de ce que je pourrais appeler une psychiatrie « moderne », avec des soins plus spécifiques en fonction de situations cliniques bien différenciées, et aussi et fort heureusement, plus efficaces ». Mme Compagnon souffrirait-elle d'hallucinations ? En tout cas, cela s'apparente soit à un déni massif, soit à un délire très floride...Mais que sont donc ces thérapeutiques si efficaces et modernes qui ont révolutionné les pratiques ? Et bien des « structures de troisième ligne (centres d’appui, centres experts et filières diverses) [qui] ont développé une offre de soins et de prise en charge qui répond aux standards internationaux en termes de qualité des soins et de bonnes pratiques cliniques » ...Mme Compagnon semble manifestement se bourrer le pif avec une putain de came. Dès lors, que faut-il faire pour restaurer des soins dignes et humains ? : le secteur doit passer en deuxième ligne, allez ciao, et il faut réorganiser, introduire plus de fluidité. Il faut jouer en 3-4-3 pour exploiter les espaces sur les ailes. « Il ne s’agit pas que d’une question de moyens. On a besoin de clarifier et de renforcer l’offre de recommandations ». C'est sûr que la psychiatrie souffre actuellement d'un manque de recommandations, que le marché de la santé mentale n’est pas assez dynamique ni soumis...C'est cela qu'il nous faut, des recommandations, voilà, hop une petite recommandation par ci, et une autre par-là, et tout ira pour le mieux, dans le meilleur des mondes. On va les mâter ces tire-au-flanc qui ne respectent rien, pas même les recommandations. Des moyens ? Et puis quoi encore ? Du personnel, des soignants, du temps pour la rencontre...Tout cela ne sert à rien. Ce n'est pas recommandé. 

Heureusement, Mme Compagnon nous rappelle que « la Haute autorité s’est auto-saisie sur cette question ». Je ne sais pas ce qu'ils ont réussi à attraper, mais ils le tiennent ferme : « notre enjeu est de nous positionner plus clairement sur cette offre de recommandations, d’outillage des professionnels ». Parbleu ! Les soignants manquent juste d'outillage, ce qui ne leur permet pas de « rendre plus visible la question de la qualité et de la sécurité des soins ». Mais bon sang, on aurait dû les outiller depuis longtemps…Avec du bon outillage, hein, bien recommandé ! Et tout cela doit évidemment passer « par le renforcement, dans le référentiel de certifications, du niveau d’exigence ». Davantage de contrôle et d'inquisition, et tout va rentrer dans l'ordre. Il faut juste que cette bande de branleurs qui ne respectent pas les recommandations se mettent au garde à vous, s’outillent correctement et appliquent les protocoles scientifiques. C'est simple pourtant, « une fois que nous aurons établie tout ce corpus de recommandations qui manque cruellement aujourd’hui dans notre pays, il nous faudra, comme dans toutes les autres pathologies, mettre en place des travaux sur la notion de parcours » ...Limpide. On se demande pourquoi on n’y avait pas pensé avant. Recommandations, outillage, Filières d’appui en 3ème ligne, parcours… Et hop, le tour est joué.

L’éminent Pr Pelissolo applaudit déjà des deux mains : « beaucoup de bonnes idées sur l’organisation du soin dans cette interview » !

Allez, vive l'armerdre !

Illustration 6

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