Les témoignages que nous avons reçu suite à notre appel en vue de préparer l'atelier sur l'Enfance à l'occasion des Assises Citoyennes du Soin Psychique sont bien trop nombreux pour être restitués tels quels, d’autant plus qu’il s’agit aussi de préserver l’anonymat et de respecter les souffrances intimes. Dès lors, à partir de ces paroles individuelles, nous avons voulu restaurer une dimension à la fois polyphonique et convergente, en croisant, en hybridant, en mélangeant toutes les voix, comme s’il s’agissait d’un chœur. Car il y a effectivement là une partition commune, sous-tendue par des fugues et des contrepoints, qui se tissent à travers tous ces témoignages. Mais aussi des dissonances, des harmonies complexes et douloureuses. Nous avons donc décidé de regrouper ces fragments de paroles, par mouvements, afin d’en restituer la spontanéité et l’émergence – même si nous en proposons aussi une certaine lecture, forcément subjective et orientée... De condensations en diffractions, nous allons vous raconter notre propre rêverie, notre errance, notre Odyssée, en filant ces paroles par thèmes, dans une dynamique qui part des constats pour en arriver – dans un prochain billet – aux désirs et aux propositions.
Selon certains philologues, le poète Homère n’aurait laissé que des fragments de ballades, transmises de bouche-à-oreille, transformées, avant d’être réunies tardivement sous forme écrite par « collage ». Finalement, les grands poèmes épiques de L’Iliade et de l’Odyssée seraient donc l’œuvre collective d’une civilisation, avec une véritable démultiplication des auteurs, des traductions, des interprétations…une source vice de Communs. Voyageons donc ensemble à travers vos regards concernant la situation contemporaine de l’enfance.
« Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif » (L’Odyssée, Chant I)
-Chant I : Perte de sens, travail empêché, souffrance professionnelle
Dégradation majeure du soin psychique. J’ai démissionné de mon poste en CMP du fait de la perte totale de sens donné à mon travail
Constat d’une dégradation progressive des outils de soin
Consultations à un rythme effréné
Je ne peux pas exercer mon métier dignement
Missions de testing
Mission de diagnostic, remplir dossier MDPH (pour des enfants qu'on n'a vu souvent qu'une fois!!)
Activités thérapeutiques abordées comme des petits programmes où le professionnel est interchangeable
Professionnels éreintés et désabusés qui n’ont plus le droit ni le temps de penser.
En deux ans, j'ai été arrêtée une fois en accident du travail et une autre fois cette année en arrêt maladie pour stress traumatique.
« Il passait les jours, assis aux rocs des grèves, tout secoué de larmes, de sanglots, de chagrins, promenant ses regards sur la mer inféconde » (L’Odyssée, chant V)
-Chant II : Isolement, perte des dynamiques d'équipe et délitement des collectifs
Plus assez de temps de réunions pour élaborer les projets de soin, demande des directions de justifier tous les actes de soins = temps pris à la place des soins ou en plus donc grand risque de burn out des professionnels et de perte de sens de leur pratique !!!
Complexité des échanges et des logiques entre les services de l’ASE, de la santé et la pédopsychiatrie, et les familles
Manque cruel d’orientations clinique, éthique et politique dans la pratique collective
Le consensus a pris le dessus
Détruire le tissu institutionnel pour aller vers une espèce de fonctionnement de cabinet de groupe
Nous manquons cruellement de communication
Le travail en coordination est encore difficile avec certaines structures
L’ensemble de ces réseaux semble sursaturé
Tout est fait pour empêcher les échanges cliniques
Les réunions se sont transformés en Évaluation des Pratiques Professionnelles
Manque de temps pour parler des situations des jeunes et avoir un regard réflexif
Les conflits entre nos différences de pratique ne permettaient plus l’échange autour d’une clinique commune du patient
Les temps de concertation manquent cruellement ET pour s’échanger les pratiques ET pour faire des retours sur les difficultés qu’un enseignant pourrait avoir face à tel ou tel enfant et/ou même sa famille. L’enseignant se retrouve souvent seul à gérer de multiples profils avec l’urgence d’avancer pour les autres élèves avec moins de difficultés. On peut imaginer leur détresse face à cette complexité tout comme celle de leurs élèves.
Quid de l’enseignant parfois seul face à ses enfants inadaptés au groupe et contraintes scolaires ?
« Non, il n'a ni clan ni loi ni foyer, celui qui désire la guerre intestine, la guerre qui glace les cœurs » (L’Iliade, Chant IX)
-Chant III : Désaveu des tutelles, injonctions managériales et gestionnaires déconnectées des pratiques, protocoles hors-sols
Réforme actuelles qui sont essentiellement économiques !!! au détriment du soin psychique !!!
Gestion des soins en version management (rentabilité recherchée !)
On nous parle de "gestion de flux" et plus de patients
Nous sommes beaucoup pris dans l'immédiateté de la prise en charge
La réforme du Code de la Justice Pénale des Mineurs va vers plus de rapidité et d'efficacité dans le protocole judiciaire, au profit du nécessaire temps d'observation et d'évolution que requiert un jeune en souffrance/difficulté. Le temps est compté et il faut vite obtenir des résultats et écrire des rapports
Les démarches annexes de traçabilité et de qualité ont nécessité de produire un autre discours plus transmissible et plus accessible
Le dogme comportementaliste est imposé aux équipes avec menace de coupes budgétaire si opposition
Des dispositifs nouveaux censés répondre aux besoins des familles ont "poussé" tel le P C P E : pôle de compétences et de prestations externalisées, censé coordonner les parcours.
En réalité ils ne connaissent peu voire pas l'enfant et sa famille, ce qui au lieu de faciliter les choses, alourdit les démarches de soin pour la famille de l'enfant, et entrave le travail déjà en cours au CMPP.
Injonctions qui prônent sous couvert de bientraitance et de respect du droit des usagers une homogénéisation des soins, une externalisation des soins
Demandes incessantes, persécutantes et totalement inadaptées de l’ARS. Enquêtes débiles, comptes à rendre en lieu et place d’une solidarité et d’un soutien tant mérité.
Les grandes associations gestionnaires des IME en Isère ne recrutent plus de psychologues cliniciens mais uniquement des neuropsychologues. Par ailleurs, les éducateurs des IME pour enfants autistes sont essentiellement formés à l’ABA, et les TCC sont considérées comme la seule approche pour aider ces enfants. On y parle de plus en plus de protocole et de procédure.
Conception comportementaliste qui fige l'enfant dans un trouble neurodéveloppemental et propose comme solution à sa scolarisation des aménagements pédagogiques nombreux pour je cite « réaliser pleinement son potentiel »
Cette année la hiérarchie m’a demandé de « couvrir » 20 écoles pour que dans sa circonscription, le RASED soit désormais « déployé dans tous les établissements », sachant qu’il manque au moins 2 postes. Cela représente près de 4000 élèves. Notre RASED a reçu depuis septembre plus de 250 demandes d’aide de la part des enseignants
Injonctions changeantes, limitant sans vergogne le cas par cas, et plaçant ceux qui se responsabilisent auprès de l’enfant, dans sa vie quotidienne, dans sa scolarité, dans ses soins, dans une position au mieux de subordination atterrée, au pire d’impuissance.
La rencontre de l’idéal managérial et de la science légitime l’illusion, voire le délire que l’humain puisse se réduire à une ressource matérialisée, et maitrisable.
Projet d’accueillir des enfants très jeunes, diagnostiqués TSA, rédigé par des gens qui n’ont jamais, jamais, jamais accompagné un enfant autiste. On n’allait quand même pas s’appuyer sur l’expérience d’une équipe de soins
Equipe Mobile d’Appui à la Scolarisation chargée d’effectuer la coordination, sur tout le territoire en question, de l’évaluation et du diagnostic des élèves identifiés comme posant problème, et ainsi solliciter les « opérateurs » utiles.
« Les mauvais bergers sont la ruine du troupeau » (L’Odyssée, chant XVII)
- Chant IV : Conflits d’intérêts et marchandisation des pratiques
Les pouvoirs publics utilisent le handicap ou la différence davantage à des fins de communication type « marketing » pour démontrer que oui l’Etat et les collectivités prennent bien en considération cette question et que oui ils respectent la loi et le droit
Les bilans diagnostics sont imposés avec un marché privé (organismes de formation privés !!! qui coutent très chers et sont labellisés par l'ARS)
Un certain nombre d'organismes de formation sont favorisés davantage que d'autres.
Nous travaillons avec des personnes humaines, le mot « entreprise » les ferait devenir des choses à partir desquelles on peut en tirer profit
Le projet de réforme du statut des psychologues libéral est inadmissible et viendrait, en plus de précariser les psychologues, légitimer la suppression de postes, de CMP et d’institution spécialisées
Gestion de la pénurie (…) alimentée par la déferlante de diagnostics vidés de leur sujet, mais exigeant compensations et rectifications
L’argent va au diagnostic et pas au traitement comme si faire une ségrégation était suffisant
Les réformes de la tarification à l’activité dans les hôpitaux ne valorisent pas les soins de durée longue.
Au vue de nos revenus nous n’avons pas pu offrir les soins nécessaires à notre fille
« Là sont tendresse, désir, entretien amoureux aux propos séducteurs qui trompent le cœur des plus sages » (L’Iliade, Chant XIV)
- Chant V : Dimension idéologique des « recommandations »
Illusion déculpabilisante de faire disparaitre toute dimension du sujet, de la singularité de sa souffrance, et de sa parole, sauf à être prise de façon littérale, et consignée dans des questionnaires préétablis, en référence au savoir indivisible du clinicien expert
Prolifération de projets de rectification, de rééducation, là encore indexés au savoir tout puissant du clinicien évaluateur
L’éradication de la psychanalyse des formations universitaires est donc avant tout une décision idéologique d’hégémonie
L’expertise dans tout domaine semblant être un terme désormais réservé à des professionnels n’ayant qu’une connaissance théorique des sujets qu’ils traitent
« Les Sirènes voient ce rapide navire qui bondit tout près d’elles. Soudain, leurs fraîches voix entonnent un cantique : « Viens ici ! Viens à nous ! » (…). Jamais un vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres (…) ». Elles chantaient ainsi et leurs voix admirables me remplissaient le cœur du désir d’écouter » (L’Odyssée, chant XII).

- Chant VI : Conflits de loyauté entre normes et éthique clinique : vers une démobilisation des professionnels
Il ne s’agit plus de répondre de ses analyses ou de ses actes, mais d’être coupable de ne pas se soumettre aux dictats en vigueur.
La mainmise administrative ne nous aide pas à mieux travailler, elle nous rajoute un surmoi inefficace et fatiguant.
La difficulté principale est de trouver l'équilibre entre le respect du cadre de l'institution et la possibilité d'être hors-cadre
Les gens sont poussés à partir car intenable sur un plan déontologique !
Épuisement du service public, hospitalier, sanitaire médicosocial qui est ainsi "saigné" et agonise !
Des professionnels qui se désengagent, partent en arrêt maladie ou s'orientent dans des interventions gestionnaires.
Nécessité de pratiquer des évaluations chiffrées et maintenant nécessité de mesurer l’efficacité de mon travail
Cette situation dans laquelle j’exerce mon travail me prend beaucoup d’énergie et m’épuise mentalement. Des sentiments d’impuissance, des sentiments de ne pas apporter l’aide que je devrais.
L’érosion de l’engagement du service public envers ces enfants et ces familles. L’idée d’inconditionnalité ou de continuité des soins sont des concepts désormais creux. On prépare les enfants à leurs orientations vers le médico-social ou le libéral. On se prépare toujours davantage à n’être plus que des plateformes d’évaluation et d’orientation. On nous demande d’arrêter les suivis longs
Les professionnels n'ont plus de marge de manœuvre et revoie leurs interventions à la baisse : ils entrent dans un paradoxe entre leur conception du travail et les nouvelles orientations.
Quel dommage de voir tous ces professionnels s’investir tellement voir s’épuiser par manque de moyens réalistes face à ces jeunes élèves pleins de potentiels et d’avenir. Ils méritent mieux.
Dans le médico-social, nous venons d’être obligées de fournir la prime SEGUR à deux collègues de notre IME (infirmière et psychomotricienne) alors que tous les autres ne la touchent pas
L’ARS s’emploierait, depuis la publication du cahier des charges, à défaire insidieusement les textes qui régissent les établissements, sans passer par les voies législatives nécessaires et donc le débat démocratique
« Amis, serions-nous donc nouveaux dans le malheur ? » (L’Odyssée, Chant XII)
« Deux fois sur trois le héros qui va à la bataille se dit : est-ce que je ne vais pas m’enfuir ? Ajax se demande : est-ce que je peux rester là ? Non, c’est terrible, je vais fuir. Ulysse se dit la même chose, et Patrocle, et Hector (…) ces êtres sont là, continuellement, à transpirer de peur devant l’ennemi qui avance et à se dire : est-ce que je reste à ma place ? » (Cornelius Castoriadis, « Ce qui fait la Grèce »).
- Chant VII : Des institutions en souffrance
Un plus grand nombre de familles viennent au CMPP orientées par l'école.
Les Rased ont été sérieusement démantelés
Nous n’avons pas les moyens suffisants, on nous a fortement enlever des personnels spécialisés (maitresse E et G)
Nous pallions également le manque de places en IME en ULIS en Ditep, malgré la notification MDPH.
Je suis donc sensée faire sans…au même titre que tous les professionnels qui sont confrontés aujourd’hui à cette situation
Ils ont besoin de l’institution, contenante dans toutes ses dimensions. Or l’école, dans l’état actuelle des choses, si elle est une institution, ne permet pas un fonctionnement institutionnel.
Nous sommes réduits à être des distributeurs de prestations
La médiocrité pour ne pas dire la maltraitance avérée des accueils en institution, ou lors de passages d'un établissement à l'autre, d'une institution en famille d'accueil
« Il n'est pas de guerrier qui puisse affronter le combat une journée entière, jusqu'au soleil couché, s'il n'a goûté au pain » (L’Iliade, Chant XIX)
- Chant VIII : Désinstitutionnaliser pour ne pas soigner
On ferme des services et établissements sanitaires, éducatifs et médico-sociaux dans le secteur sanitaire et médico-social tout en ne dépensant rien pour le secteur de l'éducation.
Travail de destruction du soin institutionnel au profit de plateformes diagnostics et d’un semblant de soin en libéral.
Il y a une émergence de plateformes informatiques qui vont prendre le relais et résoudre les situations. PAS, EMAS ; OCCITADYS et autres ….
Des équipes mobiles d’appui à la scolarisation des élèves en situation de handicap (les EMAS) devraient bientôt se multiplier
Des plateformes de prises en charge par pathologies notamment concernant les TND (troubles du neuro-développement) sont censées répondre aux besoins des enfants présentant ce type de pathologies par des prises en charge en libéral peu coordonnées
Je ne cache pas la crainte que j’avais d’envisager la sortie de mon fils de l’enseignement classique, de leur sortir d’un parcours dit ordinaire, de le sortir de l’école tout simplement. De plus, comme tous les parents, j’entendais les associations de parents vents debouts contre ce type d’institution
Un défaut de contenance qui s'accroit du fait de la désinstitutionnalisation
La fermeture de postes en IME, l’accueil systématique de tous les enfants en école ordinaire sans aucun aménagement me semble une abomination.
Beaucoup d’établissements ITEP se voient « obligés » de scolariser à tout prix des enfants pour lesquels le soin semble plus important que l’école
Fermetures de services impliqués dans la prise en compte des cas graves (problématiques psychopathologiques, agresseurs sexuels…)
Si l’école inclut des élèves nécessitant des soins, alors il faut également se poser la question de l’intérêt et/ou de la volonté de faire de l’école un lieu de soin ?
Il est là « par défaut ». Impossible de ne pas voir sa souffrance sur son visage, dans son corps et avec ses cris qui résonnent toute la journée, dans l’école et dans la cour.
La folie actuelle de notre culture voudrait intégrer tout azimut et que le monde se plie aux handicapés alors que ceux-ci peuvent gagner en souplesse si on les prend en charge dans un milieu réellement adapté
Nous sommes actuellement confrontés à une pénurie de lits d’hospitalisation pour nos patients lors de décompensations, en particulier suicidaires
Nos patients se retrouvent au mieux accueillis de façon transitoire dans des structures pour adultes qui reconnaissent leur incapacité à s’en occuper et les gardent 4 ou 5 jours
Les pratiques deviennent des juxtapositions rééducatives, telles que promues sur le mode « plateforme » qui n’ont parfois plus grand chose à voir avec le soin.
« Et voici maintenant le Destin qui me tient. Eh bien ! non, je n'entends pas mourir sans lutte ni sans gloire » (L’Iliade, Chant XXII)
-Chant IX : Décalage entre les discours et la réalité sur le terrain, inadaptation des dispositifs, manque de figurabilité et d’articulation
Le nombre d’enfants à suivre est trop important pour leur accorder le temps qui leur est nécessaire (en Aemo 1 rencontre toutes les 3 semaines)
Tout est trop cloisonné
Le cloisonnement des pratiques favorisé par les catégories d’établissement et ainsi de leur modalité de financement est certainement ce qui affaibli le plus l’offre de soins pour les enfants en général
Déficit de travail en cohérence et en concertation de la part des différents professionnels
Manque cruel de moyens et de volonté à faire ensemble. Chacun prêchant pour sa paroisse, ce sont la plupart du temps les enfants en situation de handicap ou à besoins éducatifs particuliers ainsi que leurs familles qui en payent le prix fort
Bataille institutionnelle qu'il faut mener pour que les enfants en (grande) souffrance psychique soient pris en charge à la hauteur de la souffrance qu'ils expriment.
La déclinaison sur le terrain des notifications semble on ne peut plus aléatoire en fonction des circonscriptions et des écoles ; quand elles ne sont tout simplement pas mises en œuvre faute de moyens, de places etc…
Quid quand les notifications proposent une AESH et qu’elles ne sont pas recrutées ?
La situation déjà fragile a été empirée par la généralisation des PIAL : censés être des pôles-ressource, ce sont en réalité des pôles sans ressources, qui font tourner en ronde le personnel entre les différentes écoles, accentuant ainsi la fragmentation des emplois du temps et la discontinuité de la prise en charge. La logique de rentabilité qui est à la base de leur création, a encore plus précarisé et désorienté enfants et familles.
1500 élèves par psychologue EN sur des secteurs difficiles rend la tâche impossible
Animer des formations-éclairs, distiller des pseudo-recettes et des protocoles, du prêt-à-inclure pour des enfants qu’on ne rencontre même pas.
« Il n'est pas de pacte loyal entre les hommes et les lions, pas plus que loups ni agneaux n'ont de cœurs faits pour s’accorder. » (L’Iliade, chant XXII)
- Chant X : Manque de places et de moyens effectifs, des délais intolérables
Plus de place en institution de soins
Postes non pourvus en institution
Les SESSADs comme les CMPs n’ont pas eu plus de budget pour avoir des équipes plus complètes
Les IME ont souvent entre 60 et 100 demandes en attente en aquitaine et on leur demande de fermer 50% de leur places sur les 5 prochaines années !!!
Les structures spécialisées type IME ne fournissent pas ce qui est promis aux familles: éducation, scolarisation et soin car il manque des professionnels de soin
Les délais d’attente chez les professionnels dépassent la limite du raisonnable
Délais de prise en charge pour les soins et les places en établissements
La liste d'attente s'est considérablement allongée, jusqu'à 2 ans parfois, ce qui est Inacceptable.
Lorsqu’il accepte l’idée de faire cette démarche, alors je m’entends leur dire qu’il y aura certainement 18mois à deux ans d’attente.
Le SESSAD est quasiment inaccessible, il y a plus de deux ans d’attente
Avec tous ces manques, manque de place, manque de personnes soignants, manque d’envie de financer les structures existantes, on oublie des enfants qui vont très mal
J’ai 3 ans de liste d’attente en orthophonie libérale
Équipes en souffrance et démunies. Nous rencontrons aujourd’hui de grosses difficultés de recrutement, un taux d’absentéisme record, un déficit du taux d’encadrement sur certains sites.
L’école est une « plaque tournante » de dépistage, de prévention, d’accompagnement autour de la santé mentale et physique en plus de l’instruction pour les enfants mais comment durer avec si peu de moyen et d’organisation ?
« Après tant de malheurs, après tant d’aventures, si la vingtième année, je reviens au pays, c’est l’œuvre d’Athéna qui donne le butin » (L’Odyssée, chant XVI)
- Chant XI : Manque de formation, de reconnaissance et de valorisation des compétences des professionnels
Je suis impressionnée par l’engagement de toute l’équipe malgré des salaires dérisoires et des budgets sordides. Il y a une discordance inouïe entre la qualité de l’implication des soignants (non augmentés lors du Ségur) et la médiocrité de leur rémunération
Ces mêmes tutelles qui veulent maintenant nous imposer les admissions comme si nous n’étions pas capables de pouvoir gérer un équilibre des groupes et le maximum d’hétérogénéité pour rendre possible le travail institutionnel
Ces psychologues et éducateurs ne sont pas des "aidants" mais des professionnels diplômés
L’expérience des professionnels du champ de la santé mentale de l’enfant est balayée, niée, piétinée. Leur engagement est disqualifié au prétexte de références théoriques aussi mal connues par leurs détracteurs qu’instrumentalisées par les pouvoirs publics.
Pour la protection de l’enfance, il s’agirait d’embaucher SEULEMENT des personnes diplômées
Il faudrait avant tout former le personnel enseignant et AESH
J'ai travaillé 3 ans en qualité de AESH, et j'ai pu bénéficier de la seule formation offerte par l'Education Nationale (60 heures en tout), 9 mois après le début de mon contrat Que les institutions du médico-social et de l’ASE soient pris au sérieux dans leur compte rendu d’observations du quotidien concernant la souffrance d’un enfant ou d’un ado.
Le métier d'orthophoniste en établissement est en voie de disparition réellement du fait du salaire si peu attractif d'une part et du délitement de la notion même de travail pluridisciplinaire.
Fausses prises en charge psychologiques car les psy sont débordés dans les structures de soins. Par ex, un enfant ayant besoin d’un suivi psy va être vu par une infirmière psychiatrique qui va travailler sur les émotions.
Dans le cadre de la formation continue, seules pratiquement sont validées par l'association gestionnaire qui m'emploie les formations dont les orientations sont clairement cognitivo comportementalistes, ou et celles qui ont trait aux fameuses bonnes pratiques de la HAS
La formation des psychologues de l’Éducation Nationale est désormais uniquement axée sur les théories neuropsychologiques et cognitivo-comportementales.
Il est ici question de mettre les CMPP au service exclusif de l’Ecole Inclusive, dans une posture d’exécutants, posture antagoniste à la réalité du soin psychique (lequel doit être « associé à » et «différencié de» la perspective pédagogique) qui est leur savoir-faire.
« Je m'appelle Personne, et Personne est le nom /que mes parents et tous mes autres compagnons me donnent. » (L'Odyssée, Chant IX)
-Chant XII : Désarroi, incompréhension, impuissance : un vécu commun entre les professionnels et les usagers
Je suis démunie
Sentiment d’impuissance
Enseignants démunis et épuisés
Je me retrouve à déborder de ma pratique pour essayer d’aider l’enfant et les familles….
J'ai l'impression que le gouvernement se fout des handicapés.
On ne fait que des « pansements » on laisse les parents se débrouiller.
Dans ce magma bureaucratique et politiquement orienté, il est difficile et pourtant essentiel de continuer à trouver du sens.
Les enseignants et les directeurs sont eux soumis à une quantité toujours plus grande de protocoles et de rendus chiffrés, variant au gré des évaluations et des objectifs de saison
Oui, le stress et l’impatience des parents est légitime car le carcan chronologique de l’éducation nationale ne correspond pas à celui du développement de notre enfant.
29 enfants (dans une classe), dont 6 avec des troubles très importants, ça fait beaucoup …
On observait parfois sur des suivis des enfants des positions peu déontologiques de divers professionnels, affirmations diagnostiques péremptoires, critiques ouvertes du CMPP sans discernement … ainsi que des diagnostics divergents et multiples au termes de bilans divers… et des parents paumés..
"Rien n'est pire pour les mortels que ce vagabondage" (L’Odyssée, chant XV)
-Chant XIII : Parcours du combattant, discontinuités et ruptures
Le parcours du combattant c’est aussi l’occasion de souligner sa complexité, que la prise en charge des enfants est très corrélée à la capacité des parents à se battre avec de multiples administrations ce qui participe finalement à d’une autre forme d’injustice.
Balloter les enfants de droite à gauche, prôner le retour en famille sans prendre en considération les attaches des enfants.
Le dossier administratif et médical est très lourd voire difficile à constituer.
A cela s’ajoute la perte régulière des dossiers de la MDPH, le pire étant les délais de réponses. Dans le 93 ce délai est souvent de minimum 8 mois voire 14…
Lâchage des jeunes à 18 ans
Des années d'errance médicale
Aucune structure en Gironde. Il a bientôt 12 ans et est soit trop jeune soit trop vieux.
Nous n’avons aucun soutien de nos tutelles (MDPH, ARS) qui nous assènent que nous ne devons pas créer de ruptures de parcours et nous sommes alors dans une position passive attendant que le patient et sa famille quitte l’institution
Les enfants en situation de handicap au regard des politiciens et des administrations restent toujours de simple numéro de dossier.
Des "colis" qu'on vient déposer sans informations préalables (histoire familiale, cheminement personnel, antécédents de santé...) qui servirait de point de jonction entre l'organisme d'accueil et la personne accueillie.
« Toute la nuit je flotte ; au lever du soleil, je me trouve devant la terrible Charybde et l’écueil de Scylla » (L’Odyssée, chant XII)

-Chant XIV : Mise à mal de la confiance, absence d'empathie, manque d'écoute, paroles trahies
Impression d’être jugés et non soutenu en tant que parent protecteur
Si les comptes rendus des intervenants ne sont pas scorés, même s'il y a des notes cliniques développées, l'étude de la situation de l'enfant ne se fait pas.
Cette directrice répartissait chaque jour les AVS dans différentes classes, qu’elle ne tenait pas compte de l’attachement des enfants à leurs AVS
Les familles n’auront plus aucune latitude pour choisir le lieu d’évaluation et de soin de leur enfant. L’Education Nationale avec l’Equipe Mobile d’Appui à la Scolarisation obéira à l’arbre décisionnel selon les critères imposés (à partir des Référentiels de Bonnes Pratiques) et la territorialité établie.
« On peut consentir contre sa volonté » (L’Iliade, Chant IV)
-Chant XV : Mépris, condescendance, surplomb des experts et refus de la singularité
Comble de notre société qui ne reconnaît pas la qualité d’un accompagnement dans la différence et voudrait une égalité des chances sous couvert de la violence d’une intégration forcée.
Bons points distribués aux pédopsychiatres tout puissants, tout sachants, qui font d’innombrables diagnostics après une seule rencontre, prescrivant à l’envi des psychotropes à des enfants
Surprescription médicaments (ritaline+++) à défaut de moyens humains !!!
Ce médecin me propose de lui donner du RISPERDAL pour qu’il puisse faire les examens
Centres psychiatriques dans lesquels des directeurs sont les "seuls maîtres après dieu"
Réduire les comportements singuliers sans y chercher du sens ou une fonction
Diverses consultations spécialisées « expertales » sont mises en place notamment dans les CHU : troubles des apprentissages, troubles des conduites alimentaires, addictions, TND, troubles « dys »…. Des bilans spécialisés et coûteux sont proposés mais pas de prise en charge
Lorsqu'une commission MDPH se réunit pour statuer sur l'orientation d'un-e jeune, une vingtaine de personnes QUI NE CONNAISSENT PAS L'ENFANT ET SES PARENTS débattent sur dossier uniquement
Pourquoi faut-il une autre institution, qui elle ne connait pas l’enfant, pourquoi cette institution doit valider (ou non !) les propositions de la Réunion d’Equipe de Suivi de Scolarisation ?
Il ne pourrait pas aller en ULIS, car il ne correspondait à aucune classification des ULIS de l’époque (déficience visuelle, déficience auditive, déficience moteur, déficience cognitive).
Malhonnêteté de l'autorité hiérarchique qui oralement reconnaît qu'en l'état actuel des moyens certains enfants ne tirent aucun bénéfice de l'inclusion mais fait obstacle à l'orientation de ces enfants vers des établissements spécialisés ou même à l'octroi d'aide humaine
On nous envoie un questionnaire à remplir et à remettre lors du rendez-vous. Le jour du rendez-vous, mis à part le fait que le médecin en question n’a pas lu nos réponses, il nous questionne pendant que mon enfant totalement angoissé passe son temps sous le bureau car il ne comprend pas ce qu’il fait là. A la fin du rendez-vous, le docteur nous dit qu’effectivement l’hôpital Debré peut faire une évaluation, et que cela peut se passer… l’année suivante !
L’évolution de la demande de la MDPH en direction des psychologues de l’Éducation Nationale est beaucoup plus fermée et injonctive. Tandis qu’elle demandait auparavant, pour statuer sur ses dossiers, un compte-rendu psychologique, elle a demandé ensuite un bilan psychométrique, et exige maintenant un bilan neuro-psychologique
L’enfant devient un matériel objectivable par l’analyse de son patrimoine génétique et de son fonctionnement neuronal
« Des cochons, ils avaient les groins, les grognements, les soies » (L’Odyssée, Chant X)
« La force, c’est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose » (Simone Weil, « L’Iliade ou le poème de la force »)
- Chant XVI : Un désaveu de la souffrance et de l’infantile
Manque de considération de ces enfants en souffrance
Actuellement on ne parle plus de souffrance mais de troubles neuro-développementaux
Cette équipe parle encore « d’angoisses »!! Quel culot !!
L'enfant et l'adolescent sont de moins en moins considérés dans leurs besoins spécifiques
Approche hyper normative des enfants
L’enfant n’est souvent pas perçu dans sa globalité mais « découpé » en symptômes.
En milieu ordinaire, les procédures commencent à débarquer aussi, via les enseignant.es « personnes ressources autisme » qui ne sont formé.e.s qu’à cette approche.
Gare à ceux ou celles qui ne rentrent pas dans le moule, quelle que soit leur histoire et leur parcours
Ma difficulté principale dans ma position de psychologue de l’E N c’est de dire à des parents que leur enfant a besoin de soins psychologique pour une problématique psychique
Le déni des troubles est renforcé par une scolarité qui s’est souvent poursuivie jusqu’à l’ULIS 3ème
Il est très difficile d'amener nos jeunes vers les soins psychiques car ils stigmatisent cette prise en charge, se croyant pris pour « des fous »
Déni du handicap et de la souffrance de leur enfant du fait du mirage de l’inclusion et de l’absence de prise en charge la douleur familiale
Parfois j’en arrive même à me dire que cet enfant dont on ne sait que faire tellement il bouscule les idées reçues et les habitudes de travail des uns et des autres est peut-être aussi bien chez lui tant l’institution « école » est devenue maltraitante.
Il souffre de cela, il a beaucoup de difficultés à vouloir entrer dans cette école inadaptée à ses besoins, nous devons lui forcer le pas
Quid des parents qui n’acceptent jamais la réalité du handicap et qui laissent leurs enfants faire tout le cursus scolaire en enseignement ordinaire à la grande souffrance de ceux-ci mais aussi des enseignants (et parfois des autres élèves) ?
Cette ambiance ne permet donc aucun travail d’alliance thérapeutique pour élaborer le deuil de la normalité, l’accueil du handicap et la séparation psychique du patient avec sa famille. Souvent, le patient agit alors dans l’institution l’ambivalence de la famille avec des passages à l’acte agressif sur l’équipe.
Violence de l’injonction à filières et remédiations préétablies, violence en réalité d’une profonde méconnaissance de l’enfance
« Les enfants sont l'ornement de l’homme » (Homère ; Épigrammes, XIII)
- Chant XVII : Invisibilisation, sentiment d'abandon, délaissements
Vécu d’abandon sur un système déjà famélique.
Absence d’accompagnement
Agressions sexuelles répétées d'un enseignant sur ma personne, intrusions incestueuses dans le cercle familial, avant et après : Absence totale de soins médicaux, psychiatriques, de soutien, de parole, de prise en charge, de considération.
Je trouve par contre le système de santé complètement aberrant. Le 15 mars 2021, nous sommes passés par les urgences compte tenu de ses idées suicidaires. Nous avons ensuite passé 5 jours à l'hôpital des enfants sans voir un psy, dans une unité post opératoire avec des bébés atteints de bronchiolite. Il a pu entrer en hôpital psy le 22 avril!
3 années de suite, la MDPH nous a refusé l’AVS.
il a été impossible de pouvoir avoir un rendez-vous pour comprendre ce refus qui n’était pas justifié, car depuis 3 ans, toutes les RESS* montraient l’importance pour Lucas de cet accompagnement supplémentaire.
Nous avons « bricolé »
L'éducation nationale ne respecte pas la loi de 2005 sur l'inclusion
Les patients les plus coûteux pour l'équipe de l'IME sont ceux qui ont été exclus du sanitaire avant de pouvoir y mettre les pieds; privés de soins psychiques du fait des politiques d'inclusion.
Les plus fragiles malheureusement (je pense à ces familles qui ne maitrisent pas les rouages de l’administration, qui méconnaissent leurs droits et ceux de leurs enfants exclus parfois parce que pas prêts, violents, collectif trop fatigant pour eux etc…) comme d’accoutumée n’en sortiront pas indemnes.
Nous avons éprouvé également à quel point un enfant autiste ou psychotique ne peut rester seul dans sa famille lorsque le lien social est défaillant, n’apporte plus son support et son enveloppe
Le désespoir de cette maman qui s’est rendue à la MDPH avec sa fille, autiste sévère qui s’automutile, pour leur expliquer qu’elles allaient se suicider, si une solution institutionnelle n’était pas proposée dans la continuité de l’hôpital de jour.
« Pourquoi donc, malheureux, abandonner ainsi la clarté du soleil et venir voir les morts en ce lieu sans douceur ? » (L’Odyssée, chant XI)
- Chant XVIII : Décréter une normativité inclusive
Les missions officielles des psychologues de l’Education Nationale sont désormais rédigées en vue de « la mise en œuvre des politiques éducatives nationales et académiques et celles dédiées à l’inclusion scolaire de tous les enfants ».
L’inclusion scolaire et périscolaire procède selon moi davantage du rafistolage que d’une réelle volonté politique pleinement assumée
Je suis désespérée par ce grand mensonge sur la politique dite d’inclusion qui justifie le délaissement et la maltraitance de nos petits les plus fragiles. J’ai honte de participer malgré moi à cette mascarade.
L'inclusion scolaire est source de souffrance pour de très nombreux enfants
Souvent inclusion vitrine, très peu de temps !!!
Souvent exclusion de l'enfant de l'école quand troubles du comportement
Enfants qui arrivent en 6ème ULIS ou le plus souvent 6ème ordinaire avec un niveau CP !!!! Enfant perdus, largués qui ne comprennent rien et se sentent dévalorisés
En IME, je vois arriver des ados de 15 ou 16 ans maintenus dans une scolarité ulis jusqu’au lycée ne sachants ni lire ni écrire et n’ayant jamais été soignés !!!
Enfants qui ne sont visiblement pas bien à l’école (du fait d’une difficulté ou d’un handicap).
Un enfant peut « vaquer » d’une classe à l’autre ou dans les couloirs parce qu’il ne rentre pas dans le moule et « perturbe les autres »
Un enfant peut être exclu au simple motif qu’il ne se conforte pas au collectif
Nous accueillons beaucoup de jeunes pour qui l’école n’a été qu’un traumatisme. Nous voyons comment il est impossible de prôner une inclusion scolaire pour tous les jeunes gens autistes.
Certains élèves se retrouvent mal orientés
L’inclusion se limite aujourd’hui à mélanger les élèves
Ce qui semble compter, c’est que l’enfant aient un comportement adapté à la situation proposée
On a le sentiment que l’école n’est pas adaptée, mais qu’accueillir ces enfants soulage les familles, faute de structures adaptées. En parallèle, le sentiment de « maltraitance » domine.
L’inclusion ne peut pas être bien vécue si elle est imposée sans un vrai travail au préalable, sans formation ni même information
Une enfant autiste sévère (diagnostic posé) qui se balance et se mutile dans une classe de CE2 ordinaire (elle est « inclus » depuis la PS), elle fait régulièrement des crises. Cela me bouleverse mais je ne sais pas quoi faire.
Il lui est impossible de pouvoir rester assis en place sans perturber l'apprentissage des autres enfants et il n'a pas la capacité de suivre les cours. Pour autant, nous n'avons pas non plus de salles à notre disposition
7 heures par semaine nous sommes donc à l’extérieur
Je l'occupe comme je peux
Je me suis occupée d'un enfant de 4 ans avec un handicap lourd (retard mental dû à une malformation cérébrale), avec lequel ce n'était pas possible de rester en classe avec les autres, mais pour lequel les délais pour un poste en IME sont d'environ 3 ans. J'ai trouvé cette situation scandaleuse, car le balader dans les couloirs d'une école "inclusive" ce n'est pas lui offrir de l’inclusion.
Des manifestations de l’impasse où est entrée l’école inclusive commencent à apparaître : le problème posé par les « Elèves Hautement Perturbateurs » (sic) justifie déjà une légère torsion aux dispositifs inventés pour repérer et orienter les élèves en difficulté
"Hors de l'île au plus vite, ô rebut des vivants ! » (L’Odyssée, Chant X)
-Chant XIX : Violence, maltraitance, dimension traumatique
Délabrement psychique des victimes de maltraitance psychologique, de viols, d'inceste (souvent avec brutalités).
La famille ne peut PLUS ÊTRE un lieu de despotisme et de dictature !!!
Culpabilité envers les autres élèves qui assistent parfois à des « crises » violentes (récemment, un élève hurlait, se griffait le visage, se tapait, se cognait contre les murs, nous avons dû le tenir à deux pour espérer qu’il ne se fasse pas mal, et qu’il ne tape pas les autres).
Maltraitance institutionnelle. J’y participe sans le vouloir
Ces enfants deviennent violents
Il est donc plus important de se plier à l'absence de moyens que de garantir ne serait-ce que la sécurité des enfants scolarisés.
Élèves arrivaient à 12/13 ans, traumatisés par leur scolarisation en collège ordinaire, dans des dispositifs ULIS : stigmatisation, moqueries, notes ubuesques (0,25 de moyenne en maths ou 4,6 de moyenne en musique …), sentiment de rejet et d’échec massif.
« Découpés membre à membre, il [Cyclope] en fit son souper. /Comme un lion né des montagnes, il les mangea sans rien / laisser, entrailles, chairs et os remplis de moelle. » (L’Odyssée, Chant IX)

- Chant XX : Absence de protection réelle face aux abus, aux débordements et à l’épuisement
Des placements n’ont jamais lieu ou se transforme en aménagement de placement au domicile du parent maltraitant : que peut comprendre l’enfant à qui on dit : on va te protéger des difficultés de tes parents pour l’y remettre ensuite
Il faudrait des moyens pour permettre que enfants relevant de l’ASE puissent avoir de vraies chances d’être pris en charge en soins psychiques. Que leurs traumatismes ne soient plus une double peine car pas assez de places en pédopsychiatrie
Quel accueil et quels soins par rapport à des gestes suicidaires de plus en plus graves (défenestration, strangulation) ?
Le désespoir de ces parents d’un ado souffrant d’un syndrome épileptique très sévère, toujours pas équilibré malgré des années d’adaptation thérapeutique, de traitements expérimentaux, de protocoles de recherche, parents qui ont dû écrire à la MDPH leur peur de devenir maltraitants avec leur fils si celui-ci était à temps plein à la maison, puisqu’il n’y avait aucune place en institution, malgré trois ans sur des listes d’attente.
« Hélas, pauvre de moi ! Que va-t-il encore m'advenir ? » (L’Odyssée, Chant V)
- Chant XXI : Manque de prise en compte des conditions concrètes d’environnement
Arrivée de très jeunes enfants ayant des troubles du comportement importants sans prise en compte du milieu familial dans lequel certains enfants grandissent.
J’ai dû changer mes activités professionnelles car je ne pouvais plus exercer mon métier qui était très prenant
La famille de cet enfant-là, pour rester vivante et soutenir son enfant, a besoin du maillage apporté par les différentes institutions qui interviennent auprès de l’enfant.
L’enfant a besoin de ses différents lieux de vie et de soin pour rester dans un lien social toujours fondamentalement précaire et fragile pour lui.
« Mais pour moi, sans retard, aidez-moi à rentrer / dans ma patrie : car trop longtemps j'ai souffert loin des miens ! » (L’Odyssée, chant VII)
- Chant XXII : Être affecté par l'intolérable
Un patient n’est pas un produit qui rapporte ou qui coûte mais un parent, un ami, un voisin qui souffre.
Les enfants en souffrance sont délaissés. Nous payons les économies d'hier et nous paierons les économies d'aujourd'hui
Difficile d’enseigner à des enfants qui endurent des souffrances physiques insupportables (problèmes digestifs, problèmes dermato …). Souvent, j’étais démunie, horrifiée, voire dégoûtée.
Un enfant diagnostiqué « trouble du spectre autistique » et soumis, avec la méthode ABA, à un principe renforçateur (manger des smarties) quand il répond correctement à la demande ou soumis à un principe extincteur (ne plus lui porter d’attention) quand il est en crise, vient d’être hospitalisé, dans un état d’agitation extrême
Nous avons eu à déplorer récemment le suicide d’une de nos patientes au lendemain de sa sortie d’un de ces services et malgré nos alertes répétées sur la dangerosité de sa situation
« Il est trop tôt, ne me demandez pas de rassasier mon cœur de pain ni de boisson, quand un chagrin atroce me pénètre. Je saurai bien résister et tenir jusqu’au soleil couché » (L’Iliade, Chant XIX).
A l’issue de ce voyage épique, nous voici sans doute menacés d’Aporia, c’est-à-dire d’un état de désarroi désespéré, figé, en « absence de chemin », ou « sans issue ».
Face à nous, une mer infinie, « ce terrifiant néant uniforme et vide dont Ulysse doit s’extirper, littéralement et métaphoriquement, pour retrouver son identité et le chemin de son pays » (Daniel Mendelsohn). Car le héros d’Homère est justement polytropos, « aux mille détours », « contraints à des vastes errances ». Et Odysseus - Ulysse - est dérivé du mot odynê, la douleur…
Mais la reconnaissance d’affects douloureux, tempérés et repris par une créativité et un désir communs, peut aussi devenir une force de mobilisation. Rappelons-nous que le Blues a été un moyen d’expression musicale subversif pour exprimer la détresse de l’âme et la souffrance d’un peuple. Or, à travers cet idiome artistique particulier, c’est aussi une voix collective qui a pu s’affirmer, se coaliser, s’insurger, avec une dimension politique, revendicative, antiségrégationniste…
Dans un prochain billet, nous allons désormais aborder les revendications, les espoirs et les luttes, à travers "notre Iliade"....
A suivre