Billet de blog 13 janvier 2017

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Sur le fleuve Mediapart pour chanter

Schubert/Liszt: Auf dem Wasser zu singen ∙ Bertrand Chamayou https://www.youtube.com/watch?v=8poCTjBuQ4U

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Schubert/Liszt: Auf dem Wasser zu singen ∙ Bertrand Chamayou  https://www.youtube.com/watch?v=8poCTjBuQ4U

Source : https://blogs.mediapart.fr/edition/la-galerie-des-mediapartistes/article/290314/expo-sur-leau

Mediapart

Ô terre innomée, sans ce nom Mediapart,

ton parfum est monté en moi par les racines

jusqu'à la coupe où je buvais, jusqu'à ce mot

le plus gracile, encore à naître de ma bouche.

 Adaptation à parti d'un extrait du poème : Amor America (1400) de Pablo Neruda

https://www.youtube.com/watch?v=8poCTjBuQ4U

😉

https://www.youtube.com/watch?v=8poCTjBuQ4U

😉

Bonjour Bernard,

J'étais hier, au concert Bertrand Chamayou http://www.theatrechampselysees.fr/saison/concerts-dimanche-matin/bertrand-chamayou que j'ai naturalisé "Bourbonnais" puisque j'ai fait sa connaissance à l'occasion de l’organisme musique vivante de Vichy http://www.musiquesvivantes.com/festival-osez-le-classique/ dans une petite église du Bourbonnais dans un petit village perdu à proximité du vignoble de Saint Pourçain sur Sioule https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-pour%C3%A7ain_%28AOC%29 où  il nous a interprété, d'une manière somptueuse un répertoire Lizt particulièrement exigeant dont les années de pèlerinage https://www.youtube.com/watch?v=segaHqqtE48

🙂🙂🙂

A bientôt, autour de ton verre d'eau : https://blogs.mediapart.fr/bernard-viguie/blog/151116/labus-dautorite-dans-lhistoire-et-laction-des-citoyens-du-chef-de-ce-delit

😉😉😉

A bientôt.

Amitié.

https://blogs.mediapart.fr/bernard-viguie/blog/151116/labus-dautorite-dans-lhistoire-et-laction-des-citoyens-du-chef-de-ce-delit/commentaires

En m'appuyant sur mon expérience politique "infame"................j'en suis venue à comprendre , non par les neurosciences, mais par le vécu analytique de cette histoire exemplaire  sur le mode "sordide", toute la différence , le jour et la nuit, entre autorité et autoritarisme !

Une autorité tient compte de l'altérité ! Un autoritarisme, souvent inculte, bestial , abrité derrière une position hiérarchique qui le justifie , viole et passe en force !

Les premières places "du pouvoir", celles qui se mettent en pleine lumière et en glorification de l'image de soi ..................................sont les plus aptes à violer les peuples et à se comporter en MAC ! Rien à voir avec une attitude d'intelligence bienveillante , d'écoute et de dialogue avec le peuple !

Ce qui arrive au plus petit maillon de la chaîne,invisible, se reproduit macroscopiquement au plus grand !

C'est simple de faire le tri , au  niveau des "intentions réelles " , au delà des paroles crèmeuses et onctueuses .............................débusquer les conflits d'intérêts ..............................( la pire des perspectives , pour les saprophytes du système !

On respire tout de suite mieux , relâcher le noeud de l'asphixie !

Et j'en suis sûre, tous les hommes ne sont pas des MACs !

Et j'en suis sûre, tous les hommes ne sont pas des MACs !

Non, bien sûr, il en est même qui se battent et chantent sur le fleuve Mediapart

https://blogs.mediapart.fr/vivre-est-un-village/blog/090117/sur-le-fleuve-mediapart-pour-chanter

😉😉😉

Ils ne sont pas tous l'idole des jeunes https://www.youtube.com/watch?v=cyC6tPTmgcs mais, d'aucuns, essaient de s'en rapprocher

😉😉😉

A bientôt.

Amitié.

L'abus d'autorité lors de la Monarchie absolue de Louis XIV est aussi largement dirigé contre les huguenots à qui le Roi refusait la liberté de conscience.

Voir ici : 

Les 500 ans de la Réforme protestante

https://blogs.mediapart.fr/dominique-dutilloy/blog/311210/pourquoi-toujours-cacher-lhistoire-derriere-la-geographie/commentaires#comment-7967233

Remarque : l'armistice fut signé à Compiègne ...dont l'image n'en a pas souffert...Pourquoi Vichy serait-il davantage honni? Parce qu'en matière d('histoire nationale, les "opinions", "croyances", "orientations politiques" tiennent chez beaucoup de gens plus d'importance ue les faits. Voir la remarquable soirée de Mediapart sur l'Histoire,et ce que dit Dominique Berne sur "le début de l'histoire de France" (il oublie, d'ailleurs, Villers-Cotterêts, et la décision de François Premier de faire de la langue d’Oïl celle du roi, donc du pays ,à utiliser pour tous actes publics, alors que ses origines de bas-latin mâtiné de dialectes germaniques pouvaient "indisposer" les pays d'oc...

Le livre d'Annie Lacroix-Riz http://www.armand-colin.com/les-elites-francaises-entre-1940-et-1944-de-la-collaboration-avec-lallemagne-lalliance-america https://www.youtube.com/watch?v=pFedkdGtrGw est admirable, entre autres, pour nous permettre de bien nommer cette chose que fût l' État français https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gime_de_Vichy

😎😎😎

Grâce à  Armand Ajzenberg https://blogs.mediapart.fr/vivre-est-un-village/blog/051116/des-victimes-du-regime-philippe-petain-andre-fevrier-ministre-de-la-sante,  nous avons pu identifier une première appellation qui pourrait être "Le régime d'André Février https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_F%C3%A9vrier", avec le livre d'Annie Lacoix-Riz, nous pouvons désormais l'appeler, aussi,  le régime d'Eugène Schueller https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Schueller, après en avoir lu, à partir de la page 175, le chapitre "Eugène Schueller à la tête de ses hommes de main, sans oublier, bine sûr, l’appellation choisie par la population de Vichy et son député Gérard Charasse, à savoir régime de Pétain http://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne/2012/10/13/le-depute-de-l-allier-gerard-charasse-propose-une-loi-pour-ne-plus-associer-vichy-petain-119963.html

😎😎😎

Que l'année 2017, te sois plus clémente, Gilbert !!!

 Vieil homme en prière, aquarelle de Julian Falat

(source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pri%C3%A8re)

A bientôt.

Amitié.

Bonjour Dominique Dutilloy,

J'ai étét très touché par ton coup de téléphone du 9 janvier à l'heure de http://www.france5.fr/emissions/c-dans-l-air/videos/melenchon_nouveau_patron_de_la_gauche__09-01-2017_1445233

🙂🙂🙂

Je suis très attaché au prisme http://www.france5.fr/emissions/c-dans-l-air/videos/melenchon_nouveau_patron_de_la_gauche__09-01-2017_1445233 qui me semble être celui d'une vraie sortie du pétainisme, je sais aussi que tu es aussi intéressé que moi par cette sorite du pétainisme, en particulier après avoir écouté ta pétition https://www.change.org/p/claude-bartolone-faire-respecter-la-ville-de-vichy-et-ses-habitants-en-demandant-au-final-la-promulgation-de-la-proposition-de-loi-de-g%C3%A9rard-charasse-d%C3%A9put%C3%A9-de-l-allier

🙂🙂🙂

Je sais aussi que ton prisme se veut être de droite et c'est à ce titre que j’aimerais bien œuvrer entant que catalyseur de rencontre avec Annie Lacroix-Riz http://www.armand-colin.com/les-elites-francaises-entre-1940-et-1944-de-la-collaboration-avec-lallemagne-lalliance-america https://www.youtube.com/watch?v=pFedkdGtrGw https://vimeo.com/167287974 qui, sauf erreur ou omission de ma part, semble être proche deFrançois Asselineau https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Asselineau

😎😎😎

Il me semble qu'Annie Lacroix-Riz soit la meilleure personne à convaincre pour que le nomme, enfin, le régime de Pétain par son nom et comme jadis un excellent ami de Mediapart m'a "traité" d'excellent catalyseur de rencontre, j'ai pensé que je pouvais, si tu le souhaitais, t'offrir mes bons offices

😉😉😉

A bientôt.

Amitié

Amitié en retour, cher Vivre dont j'apprécie la présence ici, depuis du temps...

Un grand merci, Gilbert, pour ce message qui me prolonge le bonheur d'une longue conversation téléphonique avec Jean-Paul Bourgés qui avait été précédé par une super bouffe avec un autre ami et camarade de combat en faveur du participatif

🙂🙂🙂

Au Mexique il est coutume de crier "Como Mexico no hay dos" (Aussi bien que le Mexique ça  n'existe pas)

😎😎😎

Tu me donnes envie, Gilbert, d'écrire ce matin "Como Mediapart, no hay dos"

😉😉😉

A bientôt.

Amitié.

https://www.mediapart.fr/journal/economie/101216/jacques-genereux-halte-la-deconnomie/commentaires#comment-7965655

19/12/2016 10:55

Attention à ''l'atterrement'' des économistes.

En aucun cas il ne s'agit de l'enterrement des économistes mais une invitation à leur écoute, en particulier de Jacques Généreux https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_G%C3%A9n%C3%A9reux dont les travaux nous sont recommandés par le journaliste à Mediapart Hubert Huertas dans cet article, en l’occurrence, Jacques Généreux

Hubert Huertas

Sa biographie

J'ai commencé dans la presse locale, Le Provençal, tâté de l'hebdo à l'Express, suis rentré à Radio France en 1982, Red-Chef à Avignon puis Aix en Provence, Correspondant permanent d'Inter et Info à Marseille, puis Chef du Service politique de France Culture que j'ai quitté en janvier 2014. Longtemps prof de Radio au CFPJ Montpellier et l'Ecole de Journalisme de Marseille. Je suis enfin l'auteur de deux essais politiques et de cinq romans.

😎😎😎

A bientôt.

Amitié.

Hubert Huertas ne peut pas, inlassablement, reprendre l'intégralité du livre de Jacques "La dissociété" http://www.seuil.com/ouvrage/la-dissociete-jacques-genereux/9782757822890 surtout face à un auditoire qui n'a pas lu et ne veut pas lire ce livre

😛😛😛

A bientôt.

Amitié.

J.G. résume ce que bcp d'ouvrages ont dénoncé depuis quelque temps ,le regretté B. Maris par exemple. D'après son interview ce qui me semble nouveau est la question qu'il se pose à propos de pourquoi de gens intelligents sont dans le déni de faits. Il me semble que l'intelligence ne suffit pas ni se suffit pas elle-même: la preuve est qu'en dépit de  tous ces technocrates formés dans des écoles X,ENA et d'autres, et  que remplissent les cabinets ministériels et maintenant constituent le cœur de oligarchie qui nous gouverne, nous sommes dans la "merde". Enfin, comme je crois que l'intelligence est au départ"un ensemble vide" remplie peu à peu  des valeurs,d'idéologie et enfin de nos représentations guident nos comportements!

13/12/2016 11:01

Pages 29 et 30

Malheureusement pour le bien commun, la plupart de ces étudiants intelligents ne feront pas de politique, ou bien ils en seront dégoûtés ou évincés par les autres. En effet, quand nos futurs députés et ministres quittent le marché du diplôme, c'est pour entrer sur un marché sans doute plus débilitant : le marché politique. Après l'école des c..., bienvenue dans le piège à c..., à savoir le système de sélection des gouvernants que nous persistons sans rire à dénommer "démocratie". Un système en fait tout aussi délirant que la déconnomie !

En effet, nos gouvernants figés dans leurs croyances imbéciles ne nous tombent pas du ciel : ils émanent d'une majorité politique constituée part le vote populaire. La mise en œuvre d'une politique alternative supposerait l'existence d'un "peuple" de citoyens éclairés dont le votre se porterait rapidement vers les partis progressistes qui proposent d'autres issues praticables. Mais ce "peuple" n'existe pas ; c'est juste un beau projet dont notre société de consommation et nos institutions politiques entravent la réalisation. Le système électoral que nous appelons "démocratie" n'est désormais plus qu'un marché des bulletins de vote régulé par la valse des opinions, des images, des faits divers et des idées reçues. Ce système ne fabrique pas des "citoyens", il ne produit pas de l'information politique, il ne favorise en rien le choix raisonné entre différents projets der société ; il sélectionne et porte au pouvoir les plus doués pour la lutte des places, les plus incompétents pour la quête du bien public.

Rien d'étonnant, dès lors, à ce que, en temps de crise, les prétendues démocraties européennes ne sachent pas aujourd'hui, et pas mieux qu'hier, produire autre chose que l'impuissance des benêts au pouvoir, l'inflation des pulsions nationalistes et le déchaînement combiné de la colère et de la bêtise

Pages 30 et 31

Si l'histoire semble ainsi se repérer, on peut espérer que ce ne ,soit pa seulement pour le pire, mais aussi pour le meilleur. Alors, de catastrophes en catastrophes, nos sociétés finiront-elles peut-être, comme en 1945, par prendre une autre voix. Mais si rien n'est fait pour transformer en profondeur l'éducation des citoyens, la formation des dirigeants, l'information politique, les règles du jeu démocratique, si, par ces moyens, ne sont pas restaurés le fût, l'exigence et la pratique de l'intelligence individuelle et collective, alors la déconnomie et ses conséquences seront bientôt de retour. Car une prochaine génération ignare, qui n'aura ni connu ni appris le désastre qui fut nécessaire pour qu'adviennent une renaissance, pourra toujours déconstruire l’œuvre des anciens reconstructeurs.

Ainsi, une fois que nous aurons pleinement pris la mesure (ou relevé la démesure) de la déconnomie, il apparaîtra à la fin que le véritable enjeu de ce livre est de penser la prochaine renaissance, c'est ,à dire plus précisément de concevoir ce qui a manqué à la précédente pour prévenir de nouvelles catastrophes. Pour mes lecteurs contemporains, cela risque évidemment de ne plus servir à grand_chose. Il est peut-être trop tard, en effet, pour éviter les désastres que tant de sages et de savants nous annoncent. Mais - et surtout si le temps nous manque - il n'est jamais trop tôt pour commencer d'investir dans l'intelligence. Pas seulement en économie, bien sûr. Que chacun laboure donc son propre champ, encore et encore, avec le soc de la critique. Celui du discours économique contemporain est tellement truffé d'erreurs manifestant des biens cognitifs récurrents dans l'esprit humain, qu'il constitue un terrain remarquable pour s'entraîner à la pensée rigoureuse.

Ceux qui croient n'avoir nul besoin ce de cet entraînement n'ouvriront pas ce livre. Les autres comprendront qu'il n'y a ici ni insulte ni mépris pour tous ceux dont las analyses ou les politiques sont jugés "déconnantes". D'abord, parce que seuls les propos et les actes sont visés, et non point les personnes. Ensuite, parce que penser de travers et croire à des âneries sont des propensions naturelles de l'espèce humaine : en faire le constat n'implique dons aucune indignité pour quiconque. Et peut-être est-ce le début de l'intelligence véritable que de se savoir sujet à ces troubles ordinaires de l'esprit.

Ce livre est donc écrit pour les cons intelligents et par l'un d'entre eux ! C'est le plus sûr moyen de toucher un large public. Car vous et moi sommes tous capables de penser les choses à l'endroit, et pourtant tous très cons à nos heures. Ayons l'intelligence de le reconnaître.

A la mémoire de Bernard Maris https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Maris, qui œuvra tant pour une meilleure intelligence de l'économie

Pages 34 à 37

Mieux nommer les choses pour mieux les comprendre

C'est pourquoi désormais, pour désigner ce courant d'analyse (idéologie du marché) - aujourd'hui dominant ans les facultés -, nous ne parlerons plus de science économique mais de "marchéisme", de théorie déconomique ou de déconnomie tout simplement. Nous éviterons ainsi l'amalgame stupide et trop fréquent opéré par les auteurs qui entreprennent une critique radicale de "la" science économique et "des" économistes, quand, en réalité, ils ne s'attaquent qu'à "une" doctrine et à ses grands prêtres *. Nous écarterons du même coup deux autres contresens. En effet, un usage courant désigne les marchéistes comme des "néolibéraux" et des "néoclassiques", c'est à dire comme les héritiers de la philosophie libérale et de l'économie politique des grands "classiques" (Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill, etc.) **. Cet usage est plus contestable, comme le montrera plus avant le reste de cet ouvrage, en particulier, le chapitre consacré à la "théorie déconnomique".  

Mais, pour l'instant, nous nous occuperons seulement du fonctionnement pratique de notre système économique, c'est-à-dire de son dysfonctionnement en fait. Comme je l'ai annoncé, il ne s'agit pas d'en décrire précisément tous les méfaits déjà bien connus (lire : http://www.seuil.com/ouvrage/la-dissociete-jacques-genereux/9782757822890). Ce chapitre s'attache plutôt à décrypter un paradoxe. Quand j'écris plus haut "un monde où règnent le saccage des ressources naturelles, l'injustice scandaleuse et des crises économiques récurrentes", vous considérez sans doute ce portrait comme une banale évidence. Et pourtant, au même instant, la plupart d'entre vous n'envisagent pas sérieusement la non moins évidente nécessité de changer un système économique aux conséquences si lamentables. La plupart des gens critiquent volontiers les effets du capitalisme, mais presque personne ne se dit "contre" le capitalisme. C'est un pue comme pour la pluie, en somme : on n'aime pas ça, en général, mais personne ne milite pour son interdiction !

Cette soumission spontanée à l'état du monde comme à une fatalité naturelle n'est pas seulement l'effet du ramollissement postprandial des citoyens trop bine nourris. Elle manifeste aussi une perception brouillée et manipulée qui amplifie notre propension naturelle à surévaluer les avantages du statu quo et les pertes potentielles associées au changement. Le statu quo, en l'occurrence, c'est un système dont on convient trop aisément (sans inventaire rigoureux) qu'il présente un bilan globalement positif. L'alternative, c'est un saut dans l'inconnu qui inspire forcément une frayeur proportionnelle à l'ignorance.

* Dans Les vraies Lois de l'économie (Seuil, "points Économie", 2005), j'ai montré que le plus sérieux démenti aux thèses marchéistes a constamment été apporté par la science économique, la "vraie" science : celle qui rejette les affirmations démenties par les faits, contrairement aux diverses religions économiques qui dénoncent la réalité quand elle n'est pas conforme à la doctrine.

** Plus précisément, l'âge de l'école "classique" couvre un siècle (des années 1770 aux années 1860) encadré par deux œuvres majeures : Essai sur la nature et les causes de la richesse des nations d'Adam Smith, en 1776 ; Principes d'économie politique de John Stuart Mill, en 1848

La peur brouille parfois l'entendement jusqu'à la paranoïa.

En 1981 - quand se profilait la possible victoire électorale de François Mitterand et l'arrivée de ministres communistes dans le gouvernement français -, j'ai connu des gens très sérieux qui redoutaient vraiment de devoir prendre la fuite ou les armes. Comme les Hongrois de 1956 face aux chars de l'armée rouge, sans doute ! Tour cet affolement pour l'avènement d'une "gauche" qui, en fin de compte, engagea la France et l'Europe dans l'ère du capitalisme financier dérégulé ! Ironie mordante de l'histoire qui ne prémunira en rien les générations suivantes contre les peurs grotesques.

En 2013, quand Barack Obama lance sa réforme pour une extension du système de sécurité sociale des U.S.A., des opposants conservateurs brandissent des pancartes "Non au communisme" ! Et, aujourd'hui, en Europe, on qualifie d'"extrême gauche" des partis qui occupent en fait la place laissée vacante par des socialistes et des sociaux-démocrates désormais à peine différentiables des conservateurs ; des partis républicains qui entendent changer le système uniquement par le vote des citoyens, qui veulent refonder les politiques économiques et les institutions européennes sur le libre choix des peuples souverains.

Ainsi donc, proposer un peu plus de sécurité sociale, c'est du "communisme" ! Souhaiter une démocratie réelle, c'est de l'"extrémisme" ! Les délires politiques ont des objets différents de part et d'autre de l'Atlantique, mais leur ressort est le même. Ce qui se joue là, aujourd'hui comme hier, c'est la peur de irrationnelle et les représentations erronées véhiculés par des mots, ce sont les réflexes défensifs qui dispensent d'analyser les faits, de lire les livres et les programmes avant de les commenter, de s'informer avant de juger, de réfléchir avant de parler. Voilà pourquoi, au fond, la claire évidence des dégâts infligés par notre système économique ne suffit pas à déclencher sa remise en question pourtant logique. Le débat en cette matière est tout sauf logique, tout sauf rigoureux : il est embrouillé et ce chapitre vise principalement à le désembrouiller.

Alors, pour commencer : de quel "système" économique parlons-nous exactement ? De l'économie de marché mondialisée instaurée par les politiques néolibérales bien sûr, pensez-vous. Eh bien non, en fait ce n'est pas si "sûr" !

Un premier pas fréquent vers l'intelligence du monde consiste à mal nommer les choses. Car les noms véhiculent des images, des sensations et des associations d'idées qui, dans notre cerveau naturellement économe d'énergie, prennent aisément le pas sur l'observation rigoureuse des faits. Un usage inapproprié des mots n'a pas le seul inconvénient d'altérer notre entendement. En effet, dans une communauté humaine, le langage est souvent performatif : il induit des comportements et des choix qui transforment la réalité. "Dire c'est faire", selon la formule fameuse de John Austin https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Langshaw_Austin (1955), et cela va bien au delà de ce qu'imaginait ce philosophe anglais en développant sa théorie des "actes de langage"https://fr.wikipedia.org/wiki/Acte_de_langage. La parole agit parfois au point de faire advenir en réalité ce qui n'existait au départ que dans les mots. Criez "au feu, on va tous mourir !" dans une salle de spectacle, et il y aura effectivement des morts. Un mensonge fabrique une vérité. Les mensonges de l'économie ont cette même faculté, mais ils agissent le plus souvent de façon détournée : ils ne fabriquent pas littéralement ce qu'ils disent, mais des manières d'agir conformes aux intérêts de ceux qui les disent.

Pages 37 à 44

La fable mondialiste

La culture déconnomique peut donc progresser insidieusement

par l'usage répété de termes et d'expressions simples qui peuplent nos esprits de représentations erronées du monde et des possibles. Ainsi, avant d’ouvrir ce livre, vous ne doutiez sans doute pas de vivre dans une "économie de marché mondialisée". On vous l'a tellement rabâché. Vous êtes pourtant à mille lieues de la réalité. Ce n'est pas votre faute. Bine des intellectuels et des économistes qui critiquent ou contestent radicalement notre système économique ne songent pas eux-mêmes à discuter les expressions convenues qui désignent leurs cibles. "Les néolibéraux ont installé une économie de marché mondialisé." Telle est la manière convenue de raconter l'histoire, à droite ou à gauche, à la télévision ou à la radio. Or cette manière de dire n'est pas neutre : en toute rigueur, elle est fausse ; au mieux, elle est trop vague et ambigüe pour être utile ; au pire, elle anesthésie les esprits et entretient leur servitude volontaire. "Mondialisation", "économie de marché ", "néolibéralisme" : voilà les labels passés dans l'usage courant, rarement discutés, alors que (et parce que) leur discussion rigoureuse constitue un excellent moyen d'accéder à a claire intelligence de notre système. J'ai déjà souligné l'usage inapproprié du label "néolibéral" : ce ne sont pas des nouveaux libéraux qui ont pris le pouvoir dans les années 1980, mais des nouveaux conservateurs réactionnaires. Et si "libéral" signifie, notamment soucieux de l'égale liberté des citoyens, respectueux des droits de l'homme et de la démocratie, alors les prétendues politiques "néolibérales" sont en réalité radicalement antilibérales ! J'y reviendrai. Concentrons-nous à présent sur la manière de nommer notre économie, en commençant par l'expression qui est censé caractériser sa spécificité historique par rapport à des systèmes passés : elle est, dit-on, "mondialisée", ou encore "globalisée".

On pourrait le dire sérieusement si la plupart des travailleurs et des entrepreneurs ne déployaient plus l’essentiel de leur activité dans un espace national, mais à l'échelle planétaire ; autrement dit, dans le cas où l'économie fonctionnerait comme s'il n'y avait plus de pays, ou qu'un seul dénommé "Monde". Or ce n'est pas le cas. Une infime minorité de salariés sont des nomades potentiels sur un marché mondial du travail. Une infime minorité d'entrepreneurs dirigent des "firmes globales" gérées à l'échelle planétaire, et il s’avère que mêmes ceux-là conservent souvent un centre d'intérêt économique principalement national. Faut-il rappeler que la plupart des entreprises sont des microentreprises ou des PME (essentiellement dans l'artisanat, le commerce ou les services aux particuliers) qui sont rarement en compétition sur un marché mondial, mail plus souvent sur un marché urbain ou départemental ? On comprend bien sûr l'usage du terme "mondialisation" pour évoquer l'intrication planétaire de la finance, des marchés de matières premières, des grandes firmes industrielles ou encore la circulation mondiale de l'information et des capitaux ; ce n'est rien, mais c'est tout. Les deux tiers des gens ne travaillent pas dans ces firmes globales et ceux qui travaillent dans ces dernières ne sont pas eux-même des salariés mondialisés. La "globalisation" de l'économie n'a rien d'un phénomène évident et universel. L'"économie mondiale" n'est qu'une représentation mentale, une commodité de langage, une ligne utile dans les tableaux statistiques qui additionnent des statistiques nationales. Et si l'interdépendance des économies nationales est bien croissante, elle se dépolie surtout au sein d'espaces continentaux (Union européenne, Aléna, Asean, etc).

L'expression en débat (La fable mondialiste) se justifierait-elle, dès lors et plutôt, par la convergence (voire l'uniformisation) mondiale du système et de la politique économique ? Bine évidemment non ! Il n'existe pas de capitalisme mondial, ni de gouvernement mondial menant une politique mondiale. Bruno Amable https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Amable a bine montré comment, en dépit de la prétendue mondialisation du capitalisme, la diversité des systèmes économiques et sociaux persiste parce que ceux-ci sont  largement façonnés par des histoires, des cultures et rapports de force locaux. Ce diagnostic est renforcé par un ensemble de travaux édités sous la direction de Suzanne Berger http://www.wikiberal.org/wiki/Suzanne_Berger et Ronald Dore https://en.wikipedia.org/wiki/Ronald_P._Dore. "La conclusion qui émerge de ces travaux, écrit Suzanne Berger, est que l'espace pour la vision et le choix politiques - et pour la diversité des choix - est largement ouvert. La vraie solution n'est pas de savoir si la politique peut exploiter cet espace, c'est plutôt : quelle politique mener et pour quoi ? "

Ce ,diagnostic s'applique non seulement aux structures du système économique, mais aussi aux politiques économiques. Ces dernières ont souvent tendance à diverger d'un pays à l'autre, parce que les problèmes diffèrent ou ne se posent pas en même temps et parce qu'un même événement induit des interventions adaptées à (ou contraintes par) un contexte différent (démographique, relations sociales, structure industrielle, taille des entreprises, ouverture extérieurs, situation politique, etc.).

Je sis bien qu'ici les lecteur contaminé par la ritournelle mondialiste pourra se poser cette question : l'idée de mondialisation ne trouve-t-elle pas précisément sa signification dans le fait que les gouvernements nationaux ne peuvent plus mener des politiques autonomes strictement adaptées aux besoins spécifiques de leurs pays ? je dirais que c'est plutôt à l'illusion que la ritournelle globalisante ou mondialisante a pour effet d'installer dans nos esprits : si l'économie est vraiment "mondiale", alors sa régulation par des lois nationales est vaine.

Le chapitre 4 (De l'empire de l'argent à l'empire de la bêtise. Sommes-nous gouvernés par les marchés, par les riches ou par la bêtise ?) démolira ce mythe de l'impuissance des nations; Contentons-nous pour l'instant d'ouvrir les yeux sur cette évidence factuelle : les USA laissent parfois filer les déficits publics quand les Européens préfèrent l'austérité budgétaire ; la zone euro est en cause, notamment parce que les politiques budgétaires et salariales nationales y ont été constamment divergentes ; les pays de l'Alba https://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_bolivarienne_pour_les_Am%C3%A9riques mènent des politiques opposées aux préceptes dits "néolibéraux" ; à la fin des années 1990, un petit pays comme la Malaisie, au cœur de la crise financière frappa l'Asie du Sud-Est, décide de restaurer le contrôle des mouvements de capitaux, quand on enseigne dans toutes les facultés que c'est une décision suicidaire pour un pays face à la finance mondialisée...et c'est ce pays qui sort le plus vite de la crise ! Etc. Les gouvernements font bien ce qu'ils veulent et, comme nous y insisterons dans le chapitre 4, quand ils sont contraints, ils le sont uniquement par les traités et les décrets qu'ils signent délibérément.

Alors, pour finir, la mondialisation de l'économie serait-elle seulement une tendance à long terme, le mouvement implacable d'une histoire nécessaire, imposée par les  nouvelles technologies qui abolissent les distances ? C'est là une hypothèse parmi d'autres. Mais personne ne saurait l’affirmer rigoureusement, hormis quelques écrivailleurs qui exploitent l'engouement du public pour les fables futuristes. Pour de multiples raisons économiques, écologiques et anthropologiques, la planète est rarement un espace optimal de déploiement pour les activités humaines et productives ; cet espace est plus souvent national, voire régional. Et tout le monde comprend que l'engouement des firmes pour la délocalisation vers des pays émergents s'amenuise au fur et à mesure que le développement de ces derniers induit le relèvement des salaires et des normes sociales. Après vingt années d'une tendance partielle à ce que l'on nomme "mondialisation", nous voici déjà entrés dans une phase de démondialisation, de relocalisation et de repolarisation de l'économie sur des espaces régionaux, dans une époque où jaillissent les circuits courts et les systèmes d'échanges locaux. Les gourous - dont nous payons les droits d'auteur pour nous conter les ondes futurs - ne manqueront pas de se reconvertir sur le nouveau créneau de la "municipalisation heureuse", de la revanche du village sur le monde. Laissons donc la gourance aux gourous et revenons aux choses sérieuses.

Au total, la "mondialisation" de l'économie n'est assurément pas un phénomène matériel net et précis susceptible de fonder un concept vraiment éclairant pour une analyse rationnelle. C'est juste et d'abord une façon de parler, une mode langagière qui s'installe par sa force évocatrice. Or nous rappelle le travail de Suzanne Berger http://www.wikiberal.org/wiki/Suzanne_Berger, quand cette mode s'installe, dans les années 1980, l'économie n'est pas plus internationalisée qu'elle ne l'était au début du XXe siècle. "Mondialisation" est un mot qui précède de loin la réalité qu'il est censé désigner. Il ne décrit donc pas alors l'état du monde, mais la projection d'une espérance ou d'une peur, l'émergence d'un récit tantôt enchanté, tantôt déprimé, qui accompagne l'essoufflement du récit national. Les uns espèrent un monde unifié et libéré de la pesanteur des Etats-nations ; les autres redoutent l'effacement et l'impuissance des démocraties face à l'emprise d'une économie affranchie des gouvernements et des intérêts nationaux.

Mais, à force d'être répété par ceux qui craignent, comme par ceux qui désirent ce qu'il désigne, le mot "mondialisation", dont personne ne semble contester la pertinence, colonise les esprits et finit par être entendu, non pour ce qu'il est - une fable -, mais pour ce qu'il n'est pas - une description du nouvel état du monde. Alors ce qui n'était qu'un mot, qu'une hypothèse, se mue en acte de langage transformant la réalité. Certes la croyance dans la mondialisation n'engendre pas la mondialisation, pas plus qu'une fable de La Fontaine ne fait muter les renards et les corbeaux en êtres parlants. Ce qui importe et agit, dans une fable, ce n'est pas le récit métaphorique, c'est la morale de l'histoire, c'est-à-dire une règle de conduite ou de pensée qui, en accédant au statut de dicton populaire, devient une force matérielle de l'histoire réelle. La fable ne vise pas à produire ce qu'elle dit littéralement, mais ce qu'elle veut dire : le message qu'elle entend installer dans l'opinion générale. C'est donc la morale de la fable mondialiste qui est agissante et qu'il importe de saisir. Et la morale la voici :

D'un pays disparu, n'attends point de secours

Dans le vaste monde, tu es ton seul recours.

'incrustation psychique du récit "mondialiste" abolit en effet l'idée de frontière, l'image du pays, la force de la nation qui façonnait précédemment notre représentation de la société. L'individu s'en trouve fragilisé, en partie privé de la base d'attachement social sécurisante que constituaient la communauté politique souveraine, capable de protéger les siens, et son mode de vie propre contre les atteintes extérieures. cette fragilité altère bien évidemment les comportements et les choix politiques réels des individus. Certains, faisant le deuil d'une communauté politique présumée impuissante, se désintéressent du politique et, ce faisant, affaiblissent effectivement ladite communauté. N'espérant plus grand-chose de la nation, ils perdent aussi le sentiment de lui devoir quelque chose et consentent plus péniblement à l'impôt. D'autres, ou les mêmes, troquent l'identité désuète du citoyen solitaire pour celle du guerrier solitaire, ils s'adonnent au culte narcissique de l'accomplissement dans la compétition et par la performance individuelle.

Ce n'est évidemment pas un hasard si cette mutation est précisément celle qu’attendent les actionnaires de grandes firmes. Certes, l'idée de mondialisation engendre aussi des réactions nationalistes, voire xénophobes : l'insécurité matérielle et symbolique causée par le délitement de la frontière protectrice nourrit alors le désir éperdu de reconstituer une communauté souveraine des semblables, un pays enclos et aseptisé, à  l'abri des différents. Mais les promoteurs de la mondialisation s’accommodent aisément de cet effet secondaire et de la résurrection consécutive des partis d'extrême droite en Europe. La réaction nationale a l'"avantage" de prendre des voix à  la gauche anticapitaliste, là où celle-ci existe encore. Et la capitalisme a toujours fait meilleur ménage avec le fascisme qu'avec le socialisme ; il sait composer avec la haine de l'altérité et de la démocratie, pas avec celle de l'inégalité et de la ploutocratie.

Ainsi, pour en finir, avec cet élément de langage, la fable mondialiste ne produit pas ce qu'elle dit, mais peut engendrer la résignation et les choix politiques espérés par ceux qui la disent.

Pages 45 à 50

Nous n'avons jamais été dans une "économie de marché"

On amputera donc sans regret le nom de notre système : "économie de marché", cela reste à voir, mais "mondialisé", on peut s'en passer. Pardon si vous êtes pressés, mais la chirurgie critique exige ici quelques opérations supplémentaires.

"Économie de marché" est aussi l'une de ces expressions fourre-tout chargées d'affects et de représentations qui embrouillent nos esprits paresseux. On a pris l'habitude de nommer ainsi notre système par opposition à "économie planifiée". Or, durant le demi-siècle précédant la chute du mur de Berlin, cette opposition a coïncidé avec le clivage entre les démocraties de l'Ouest et les dictatures de l'Est. Cette coïncidence suscite une association facile et trompeuse entre marché libre, droits de l'homme et démocratie. Ainsi, l'économie de marché suscite spontanément notre indulgence, car  nous ne la dissocions pas du bonheur simple de vivre libres. Si la seule alternative à l'économie de marché c'est le Goulag, il est sans doute raisonnable de considérer tous les méfaits de notre système comme un moindre mal, comme le prix de notre liberté.

Alors, détendez-vous, soufflez un grand coup et reprenez vos esprits. Le bonheur de vivre libres, nous le devons ni à la libre concurrence ni au pouvoir des actionnaires, mais aux lois et aux institutions issues d'une longue histoire de luttes pur l’émancipation et l'égalité des êtres humains. La liberté d'entreprendre et de commercer peut participer à ce processus d'émancipation, mais elle sait aussi faire bon ménage avec la dictature, aujourd'hui, en Chine ou en Russie, comme autrefois dans l'Italie fasciste et dans l'Allemagne nazie. Et, même dans les démocraties, la liberté des marchés s'étend désormais en piétinant les droits humains fondamentaux et la souveraineté des citoyens. Aujourd'hui, entre autres exemples, la liberté de la finance, c'est le droit de spéculer sur les denrées alimentaires au point d'affamer les pauvres ; le pouvoir des actionnaires, c'est le droit de pousser des salariés au suicide pour éviter les indemnités de licenciement. Aujourd'hui, dans l'union européenne, les politiques marchéistes sont imposées par des traités rejetés par le vote explicite de peuples prétendument souverains. Mais cela ne choque personne au sommet des États souverains. Mais cela ne choque personne au sommet des États européens, car : "Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens", explique benoîtement Jean-Claude Junker président de la Commission européenne.

Nous voilà, je l'espère, débarrassés de l'association fallacieuse entre démocratie et économie de marché ! Mais ce  n'est qu'un premier pas vers la lumière, car nous restons vulnérables aux représentations trompeuses suscités par le simple terme de "marché". Imaginez donc un "marché" en fermant les yeux. Dans notre tête défilent alors des images et des sensations qui n'ont rien à voir avec ce qu'implique "l'économie de marché" en théorie ou en pratique.

Si je vous dis "marché de savon" : vous voyez des étals chatoyants sur une place de Marseille, fleurant bon la lavande et le chèvrefeuille, vous entendez l'accent pittoresque de vendeurs bine sympathiques...

Pour l'économiste en revanche, "marché de savon" n'est qu'une métaphore pour désigner un modèle abstrait qui décrit la formation des prix résultant d'une hypothétique confrontation de toutes les offres et les demandes de savons dans le monde. Et pour finir, il y a la vie réelle, les conséquences effectives de la libre concurrence mondiale dans l'industrie du savon. Par exemple, des touristes roumains croient acheter du "savons de Marseille" sur la Cannebière pur ramener en souvenir un produit typique de la Provence ; en fait, bien souvent, ils ramènent un savon roumain fabriqué tout près de chez eux avec de l'huile de palme indonésienne ! Ils achètent un condensé d'économie de marché : savonneries marseillaises fermées, tribus indonésiennes expulsées pour raser des forêts primaires et planter des palmiers qui épuisent les sols, dix mille kilomètres de transport polluant (au lieux de dix !) entre l'huilier et le marchand de savon, droits de l'homme foulés au pied, écosystèmes saccagés, empreinte carbone maximisée...pour fabriquer quoi ? Un faux produit, une contrefaçon légale qui exploite l'ignorance du client. Qui a vraiment gagné quelque chose dans l'affaire, hormis quelques actionnaires ? Même pas les travailleurs indonésiens ou roumains qui auraient pu tout autant fabriquer de vrais produits utiles à leur propre développement et préserver leur écosystème ! Et pourtant, mis à part de rares savonniers marseillais et les indigènes privés de leur forêt, tout le monde semble content. La "déconnomie de marché" dans toute sa splendeur !

Notre système économique n'a pas toujours ressemblé à cette folie. Et ce, notamment, parce que nous n'avons jamais été dans une "économie de marché", au strict sens économique du terme. En ce sens, en effet, une économie de marché suppose que la production, la distribution et les prix de tous les biens et services privés - du litre de lait à l'avion de chasse, de la restauration à l'éducation, en passant par le logement, le crédit, l'assurance, la santé, etc. - soient déterminés par la libre confrontation des offres et des demandes sur des marchés organisés à cet effet. Dans cette économie, seul quelques "biens publics purs" (défense nationale, justice) échappent aux marchés, car il est impossible d'en faire payer le prix autrement que par l'impôt.

Un tel système n'a rien de "naturel". Avant une période très récente, on n'en trouve pas trace dans toute l'histoire de l'humanité. La monnaie et les échanges marchands n'apparaissent que voici quelques milliers d'années et leur usage reste limité jusqu'aux temps modernes. Avant l'épanouissement du capitalisme industriel (des années 1750 aux années 1850), l'usage de la terre, le travail, la production et les échanges sont principalement organisés par des conventions sociales instituant les droits et obligations de chacun en fonction de son statut. Le salariat, le commerce marchand et le crédit restent peu développés hors des villes et des échanges avec l'étranger.

Comme l'a notamment montré Karl Polanyi https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Polanyi, la marchandisation systématique de la terre, du travail et de la monnaie ne s'accomplit vraiment qu'au XIXe siècle, et ce, dans quelques pays européens seulement. Les premiers "pays industrialisés" sont alors en route vers ce qu'on appellera "économie de marché" : le salariat s'étend ; les capitaux circulent librement ; les bourses et la spéculation prospèrent ; l'extension des échanges internationaux autorise à parler d'une "première mondialisation" du capitalisme entre les années 1870 et les années 1920. Mais la route s'arrête en 1929. La marche vers l’économie de marché s'avère être  une course vers l’effondrement du système financier et de l'économie.

La Grande Dépression qui sévit dans les années 1930 - et dont les pays capitalistes ne sortiront vraiment que par la guerre mondiale - favorise un nouveau consensus, "keynésien" et social-démocrate, qui dominera la politique économique des années 1945-1975. Or, durant ces fameuses "Trente Glorieuses", le système économique n'a pas grand-chose à voir avec une économie de marché. De nombreux prix de base, les salaires minima, les taux d'intérêt et les loyers sont réglementés. La circulation internationale des capitaux est strictement contrôlée. Les taux de change des monnaies sont fixés par les États. Le crédit bancaire est régulé par les banques centrales et, dans de nombreux pays (dont la France), cette politique du crédit est directement déterminée par le gouvernement. La répartition spontanée des revenus est corrigée par une fiscalité fortement progressive et par les prestations sociales. Les gouvernements et les banques centrales interviennent aussi pour éviter ou compenser les récessions et donnent la priorité au plein-emploi de la main-d’œuvre. De larges pans de l'activité économique sont gérés par les États ou les collectivités locales, notamment dans l'énergie, les transports, les télécommunications et la distribution de l'eau. Bref, il s'agit là d'une économie administrée et régulée par des autorités publiques ; les "marchés", à supposer qu'ils existent, ne déterminent rien d'essentiel.

Les grandes entreprises privées, elles-mêmes, ressemblent davantage à des administrations gérées dans l'intérêt de l'organisation qu'à des sociétés capitalistes gouvernées en vue de profit maximal pour les actionnaires. En fait, dès les années 1930, les économistes constatent que la concentration des entreprises industrielles induit une séparation croissante entre leur contrôle et leur propriété, entre les managers exerçant effectivement le pouvoir de décision et les actionnaires apportant les capitaux. Les premiers, gagnant en autonomie, ont éventuellement la possibilité de poursuivre leurs fins propres qui ne convergent plus nécessairement avec l'intérêt financier des seconds. Ainsi émerge ce que l'on appellera le "capitalisme managérial".

Cette mutation est accentuée durant les Trente glorieuses, car le pouvoir de pression des actionnaires se trouve singulièrement affaibli. Le chantage au licenciement pour soumettre les salariés ne fonctionne pas dans une économie qui est presque toujours au plein-emploi. Le chantage à la délocalisation du capital n'est guère possible, car les opportunités d’investissement et de déplacement des capitaux sont limités par la réglementation financière et par la fermeture des frontières avec les pays communistes. Enfin, les taux d'imposition très élevés sur les plus hauts revenus et les plus-values amputent le profit net des capitalistes. Les actionnaires doivent dès lors se contenter d'un taux de rendement net (après impôt) relativement faible (comparé aux standards exigés aujourd'hui). Ils se consolent en considérant qu'un partage des fruits de la croissance avec les ouvriers a au moins le mérite de les protéger du grand péril communiste. Et puis, les taux de croissance exceptionnels de l'époque tempère aussi la tentation de contester le compromis social installé après-guerre : la prospérité des entreprises assure tout de même un rendement du capital alors considéré comme honorable.

Bref, dans ce contexte, le pouvoir réel de gestion appartient à des managers (des cadres dirigeant salariés) à peu prés libres de poursuivre leurs stratégies de développement à  long terme, sans se soucier de maximiser la rentabilité financière immédiate.

Cette économie "administrée" (et non pas "de marché"), dirigée par une technocratie économique et politique, engendre une longue période de forte croissance, de plein emploi, de progrès social, de réduction des inégalités. Elle constitue donc à ce jour le système qui a le mieux combiné la performance économique, la redistribution des revenus et la stabilisation de l'économie. "Le mieux" ne veut bien entendu pas dire "idéalement". Cela signifie seulement mieux que durant la période précédente de capitalisme non régulé et mieux que durant la phase suivante de capitalisme dérégulé.

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L'occasion perdue d'une renaissance : la crise des années 1970

 Le simple constat qui précède n'implique en rien qu'il serait aujourd'hui souhaitable de revenir à cet état antérieur de l'économie. Même si (et surtout si) l'état présent nous parait détestable, il serait absurde de vouloir restaurer le cadre historique qui l'a engendré. De toute façon, l'histoire ne fait jamais marche arrière : chaque état des sociétés humaines est associé à des conditions spécifiques non reproductibles à l'identique et qui évoluent en permanence.

Restaurer le passé n'a pas de sens. Il convient en revanche de s'inspirer des réussites et des échecs des politiques passées. C'est bien là ce que firent les élites dirigeantes de l'après-guerre. Tirant les leçons de l'effondrement tragique engendré par un capitalisme débridé et par la compétition des nations, elles n'ont pas tenté de rétablir un quelconque état antérieur, elles ont imaginé un nouveau compromis entre capitalisme et socialisme, entre liberté économique et régulation politique, entre compétition et coopération internationales. Las, quand le régime économique issu de ce compromis est à son tour entré en crise, les élites des années 1980, quant à elles, ont cherché à restaurer le capitalisme débridé et les politiques désastreuses qui avaient engendré la Grande Dépression ! C'était là exactement le contraire de ce dont les vieux pays industriels avaient alors besoin. Que fallait-il faire ? D'abord, prendre la mesure de l'épuisement du modèle d'après-guerre, épuisement qui était déjà bien compris à la charnière des années 1970-1980, grâce aux théories de la régulation initiés par Michel Aglietta https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Aglietta et Robert Boyer https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Boyer, ou encore grâce aux travaux des économistes du travail. 

La croissance exceptionnelle des Trente Glorieuses reposait sur l'extension à l'Europe du modèle de production fordiste né aux Etats-Unis, au début de XXe siècle, dans les usines automobiles d'Henry Ford : une fabrication en grande série de produits standardisés, permettant une division taylorienne du travail en tâches rudimentaires exécutés par des ouvriers peu qualifiés et postés le long d'une chaîne où défilait le produit à assembler. Associée à un compromis social améliorant les salaires ouvriers, cette production à grande échelle et à coûts décroissants permettait l'essor d'une consommation de masse. La généralisation du mode de vie américain (voiture, télévision, équipements électroménagers) à l'Europe occidentale soutenait une croissance quasi automatique jusqu'au début des années 1970. Les assurances sociales et les politiques keynésiennes complétaient ce modèle en stabilisant le pouvoir d'achat des ménages face aux aléas de al vie ou de la conjoncture. La solidarité sociale était indolore, avec une croissance annuelle de 4 à 5% qui remplissait les caisses publiques de recettes fiscales et de cotisations sociales. Ce régime de croissance forte et de progrès partagé était par ailleurs soutenu par divers facteurs : l'exploitation intensive d'une énergie à bas prix (le pétrole) dans des sociétés alors inconscientes de l'enjeu écologique  ; une compétition limitée à une vingtaine de pays riches ; la stabilité financière internationale (taux de change stables arrimés à un dollar convertible en or).

Ce modèle entre en crise, dans les années 1970, non pas à cause d'un quelconque excès d'intervention de l’État entravant le génie des marchés, mais parce qu'alors s'écroulent tous les piliers qui soutenaient la croissance et, à travers celle-ci, l'emploi, la rentabilité des investissements, le partage des gains et le financement de la sécurité sociale.

L'inconvertibilité du dollar en or (15 août 1971) ouvre une ère d'instabilité des changes ; les chocs pétroliers (1974,1979) cassent la croissance et font exploser l'inflation ; de nouveaux pays industriels asiatiques ou sud-américains entament les parts de marché des Occidentaux ; l'âge d'or de la course à  l'équipement des ménages ouest-européens s'achève : dans les années 1970, presque toutes les familles ont déjà une voiture, un lave-linge, une télévision, se ce n'est plusieurs.

Tout cela impliquait que la croissance serait plus faible et plus compliquée à soutenir. Le modèle fordiste devrait céder la place à une nouvelle organisation industrielle fondée sur l'innovation, sur la qualité et le renouvellement de produits plus sophistiqués en plus petites séries, sur la flexibilité et la vitesse de réaction des entreprises face à  une demande plus changeante et incertaine. Cette mutation appelait une révolution du travail : des salariés beaucoup qualifiés et polyvalents, comprenant et maîtrisant eux-mêmes les processus de production, motivés et impliqués dans leur mission, non plus par la nécessité d'exécuter des injonctions de la hiérarchie, mai spar leur association à l'organisation du travail et grâce à l'épanouissement personnel dans une activité enrichie et plus autonome.

La croissance ralentie n'était pas en soi une catastrophe, en dépit du fait que cela avait pour effet immédiat de déprimer l'emploi et de compliquer le partage du revenu national. Car les années 1970 sont aussi l'époque d'une véritable prise de conscience des dégâts écologiques du productivisme et de la nécessaire mutation vers un mode de production et de consommation plus sobre en énergie et en déchets polluants. Un investissement massif dans les énergies renouvelables, le recyclage des déchets, la réparation des produits, l'isolation thermique des logements, les transports collectifs et l'agriculture biologique pouvait créer bine d'emplois qu'il n'en serait détruit par le ralentissement de la croissance industrielle classique. Une autre façon de concilier la décroissance nécessaire de certaines productions matérielles et le maintien de l'emploi consistait à poursuivre le mouvement long de réduction du temps de travail, pour travailler tous et moins péniblement. Le maintien du plein-emploi pouvait alors garantir l'équilibre des comptes de protection sociale.

Dur le plan international, il fallait retrouver la stabilité financière en instaurant un nouveau système monétaire évitant la contradiction fatale du précédent, à savoir que celui-ci prenait comme instrument monétaire mondial une monnaie nationale, le dollar américain, dont l'émission était naturellement gérée dans l'intérêt prioritaire des États-Unis.

Enfin et surtout, il restait à surmonter une difficulté majeure, à savoir les tensions croissantes sur la répartition primaire du revenu dans les entreprises. Il est déjà plus compliqué de partager un gâteau qui progresse plus lentement ; il est encore plus délicat de le faire dans un contexte de forte inflation.

Dès le début des années 1970, la rentabilité et le rythme des investissements fléchissent en raison de la saturation des marchés qui firent la grande croissance des Trente Glorieuses. De leur côté, les salaires sont alors plus ou moins indexés sur l'inflation qui s'emballe avec les chocs pétroliers. Du coup, l'ancien compromis sur le partage du revenu engendré par la production (la valeur ajoutée) est brisé ; il est momentanément et mécaniquement déformé au détriment du capital et à  l'avantage du travail. Comment s'entendre sur un nouveau partage en régime de croissance ralentie ? Comment répartir la charge induite par l'explosion de la facture pétrolière ? Tel est le double défi du moment. Certains petits pays d'Europe du Nord ou le Japon, forts d'une longue tradition de coopération, voire de consensus social, se trouvaient mieux armés pour l'affronter. Pour tous les autres grands pays industriels, il fallait passer soudainement d'une entente implicite, autrefois facilitée par une croissance exceptionnelle, à un nouveau contrat social explicite, visant un partage équitable de la Valeur Ajoutée, de sa croissance, mais aussi de son recul en phase de récession.

Bref, à condition de renouer avec l'esprit de compromis entre classes sociales et de coopération entre nations qui s'était imposé dans l'après-guerre, les pays occidentaux avaient la faculté de rétablir le meilleur de la phase précédente (chômage minimal et progrès social), sans restaurer un quelconque régime ancien, mais, au contraire, en opérant la mutation vers un nouveau modèle écologique et social et en renforçant leur coopération internationale.

Au lieu de cela, le monde occidental a opté pour la restauration du pire d'un capitalisme d'avant-guerre : la guerre économique, la productivité forcené, l'exubérance dévastatrice de la spéculation financière, la régression sociale, le sous-emploi de sous et l'épuisement physique ou moral des autres.

C'est que, contrairement au mythe contemporain, ce ne sont pas les lois de l'économie qui gouverne le monde, mais les lois politiques. Or, la crise des années 1970 crée le contexte favorable à la victoire politique de partis et de leaders animés par une idéologie marchéiste à abolir les compromis sociaux noués dans l'après-guerre et bine décidés à restaurer un capitalisme pur fondé sur la libre recherche des profits privés.

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La contre-révolution conservatrice

A la suite des chocs pétroliers (1973 et 1979), croissance en berne et hausse brutale du prix des hydrocarbures se combinent pour entraîner les pays industriels dans la "stagflation" : stagnation économique, forte inflation et envolée de chômage. Les comptes de l’État et de la protection sociale plongent dans le rouge. Le compromis social-démocratique et la gestion keynésienne de l'économie semblent ainsi discrédités. Quant à "l'autre système" possible, celui des économies dites "socialistes", il ne fait plus rêver la classe ouvrière : le rêve communiste de l'après-guerre a viré au cauchemar stalinien de L'Archipel du Goulag. En revanche, après trente ans d'économie administrée, la promesse d'une "libération" peut attirer une génération vaccinée contre la bureaucratie, mais pas contre un ultralibéralisme économique qu'elle n'a jamais expérimenté. En bref, toutes les conditions sont réunies pour une alternance politique en faveur de la droite conservatrice qui promet alors un État minimal. Au lieu d'une révolution écologique et sociale, nous aurons donc une contre-révolution conservatrice.

Cette contre-révolution s'engage au tournant des années 1970 et des années 1980 avec les victoires électorales de Margaret Thatcher au Royaume-Uni (1979), Ronald Reagan aux États-Unis (1980) et Helmut Kohl en Allemagne (1982).

Inspirés notamment par la philosophie économique des Friedrich von Hayek et de Milton Friedman, les nouveaux conservateurs imputent la crise à l'intervention excessive de l’État dans l'économie et entreprennent la déréglementation des marchés et de la finance, la privatisation des services publics et la libéralisation des échanges extérieurs. Cette politique sera étendue de force à de nombreux pays en développement, grâce aux "plans d’ajustement structurel" du FMI. Ce qu'on appellera alors le "consensus de Washington" inverse radicalement la logique inspirant les politiques économiques. Au temps du consensus keynésien, les élites dirigeantes considéraient que la prospérité et le progrès reposaient sur une bonne régulation politique de l'économie et sur la coopération internationale. Désormais, c'est l'efficacité d'un pays dans la guerre économique mondiale (sa "compétitivité") qui est censée garantir la prospérité. Or la compétitivité internationale suppose une inflation faible, une liberté maximale pour les entreprises et des charges fiscales et sociales minimales. Hors du camp des bines publics purs, il faut donc laisser faire les marchés. L’État doit revenir et se cantonner à sa fonction archaïque de gendarme assurant l'ordre public. Il ne devrait même pas s'occuper de lutter contre l'inflation puisque, selon le nouveau dogme monétariste de Friedman, une banque centrale indépendante s'en chargerait bien mieux en effectuant un contrôle strict de la masse monétaire à l'abri de toues pressions politiques.

Initiée par la droite, ce nouveau culte du marché libre et du monétarisme sera, à des degrés divers, pratiqué par la gauche socialiste et social-démocrate dans les années 1990. Avec l'effondrement de l'Union Soviétique et l'élargissement de l'Union Européenne aux anciens pays communistes de l'Europe de l'Est, la logique marchéiste achève, presque de dominer le monde.

Pour autant, nous ne sommes toujours pas entrés dans l'ère d'une économie de marché au sens strict. Certes, on s'en rapproche, avec le nouveau poids déterminant des marchés financiers, avec la privatisation croissante des services publics (santé, éducation, transports) et des assurances sociales (fonds de pension), avec la marchandisation de la nature (brevetabilité du vivant), de la sécurité (police et prisons privés), du sport, etc. Mais, au sens strict, la simple extension de la sphère marchande ne fait pas une "économie de marché" ; en fait, cette expression reste une pure métaphore théorique et un habile euphémisme politique.

C'est une métaphore théorique parce que, hormis les matières premières et les produits financiers, la quasi-totalité des bines et les services ne sont pas négociés sur un marché organisé assurant la centralisation de toutes les offres et de toutes les demandes, c'est-à-dire une Bourse permettant la cotation en continu d'un prix d'équilibre qui s'impose à tous les acteurs. Dans l'économie réelle, la plupart des prix reflètent des rapports de force entre des organisations économiques, politiques et sociales. Ils ne résultent pas d'un équilibre neutre entre des offreurs et des demandeurs anonymes égaux et qui seraient tous de simples "preneurs" d'un prix de marché indépendant de leur volonté.

Concrètement, en l'absence d'un Bourse fixant u véritable cours de marché, tous les producteurs du monde fixent eux-mêmes leur prix à partir du coût de production auquel s'ajoute une marge bénéficiaire. Certes, les petites et moyennes entreprises confrontées à un très grand nombre de concurrents ont une autonomie de décision limitée - notamment celles qui interviennent dans l'artisanat, le commerce et les services aux particuliers ou celles qui travaillent pour le compte de très grandes entreprises (comme fournisseurs ou sous-traitant).

En revanche, dans bien des secteurs, il existe un petit nombre de grandes firmes qui dominent le prétendu "marché" et font en réalité les prix. Ces firmes ont la force de frappe marketing et publicitaire nécessaire pour manipuler le désir des consommateurs et faire payer à ces derniers le prix fort d'un simple logo. Elles sont aussi en mesure d'imposer leurs conditions à leur fournisseur et sous-traitants. Elles financent des cabinets de lobbyistes pour influencer les décisions  publiques, voire corrompre les décideurs. Elles multiplient les filiales bidons et autres " sociétés écrans" pour déplacer les profits imposables vers les paradis fiscaux. Bref : ce que l'on nomme "économie de marché" est donc, en fait, un système dans lequel le pouvoir économique réel appartient aux acteurs qui détiennent le plus gros capital. Tel est l'effet concret de la libre concurrence dans l'histoire réelle : c'est la victoire des plus forts, la domination des grandes marques, la concentration du capital et la constitution d'oligopoles, voire de quasi monopoles qui confèrent le pouvoir à leurs propriétaires ou gestionnaires et  non pas aux "marchés".

"Économie de marché" est donc aussi un euphémisme politique qui enfume la réalité et efface les rapports de force fondés sur le rapport des fortunes : "de marché", qualification vague, voire plaisante, remplace ici le mot "capitaliste", objectivement plus juste mais nettement moins sympathique.

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