Billet de blog 29 novembre 2012

Laurence De Cock (avatar)

Laurence De Cock

Professeure d'histoire-géographie

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Messieurs, merci de bien vouloir nous oublier un peu

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ceci est un message rapide aux quelques députés qui se targuent de faire appel à l'enseignement de l'histoire dans l'arène, tristement vide, de l'Assemblée nationale. Ceci est un message plus précisément adressé à Monsieur le député Nicolas Dhuicq qui a consacré 5 min de son temps hier à "trois axes de réflexion" permettant de relier le terrorisme islamiste, l'homoparentalité, et l'enseignement de l'histoire.

Les deux premiers "axes" ont déjà été largement condamnés, je vais donc me consacrer ici à la troisième brillante allusion.

Monsieur Nicolas Dhuicq demande officiellement au ministre de l'éducation nationale de remédier au fait que les "enfants de France" apprennent d'abord les histoires "des grands peuples et des grandes nations" au lieu de l'histoire de France. Vous l'aurez compris, l'équation est simple : nous, professeurs d'histoire-géographie, à force d'enseigner une histoire extra hexagonale à des enfants - de surcroît potentiellement privés d'autorité paternelle - nous rendons complice de la fabrique de terroristes islamistes en puissance. Vous aurez également compris que cette brillante démonstration a donc été prononcée non pas lors d'une conversation de bistrot mais dans l'un des lieux emblématiques de la représentativité nationale.

On avait, depuis quelques années, pris l'habitude que certains experts auto-proclamés de l'enseignement de l'histoire se targuent, dans des essais très médiatisés, de dévoiler au grand public le projet de sabotage de l'identité nationale dont nous serions les agents zélés. Nous en avons déjà largement parlé dans des billets précédents, et Claude Lelièvre l'évoquait encore avant-hier dans son édition. Mais je ne m'étais encore jamais envisagée comme laborantine de "terrorisme en éprouvette". 

Cette surpuissance démiurgique que l'on attribue à l'enseignement de l'histoire me gonfle soudainement d'orgueil, et j'en profite au passage pour m'excuser auprès des collègues d'autres disciplines qui, il faut bien l'avouer, ont un pouvoir nettement moins important que le mien (imaginez ici un soupir ronflant d'autosatisfaction).

Car nous, professeurs d'histoire-géographie, depuis quelques années, participons à un  immense lavage de cerveau des enfants et adolescents de ce pays : nous bouleversons l'ordre chronologique des évènements, nous effaçons de la mémoire nationale les grands hommes qui ont fait l'histoire, nous abattons les frontières hexagonales comme des forcenés, nous pactisons avec l'ennemi indien, africain, musulman... Bref, nous sommes les (pro)créateurs d'une France privée de ses racines éternelles et les missionnaires de la "haine de soi".

Depuis deux ans, l'argument est repris en boucle : les nouveaux programmes de collège demandent d'enseigner les civilisations antiques extra-européennes : Inde et Chine ainsi que les royaumes médiévaux africains. 6h d'endoctrinement crypto- internationaliste répartis sur la 6ème et la 5ème. 6h à s'adonner aux délicieux interdits des civilisations non occidentales.

Je comprends que le scandale pénètre jusqu'aux tribunes de l'hémicycle, car vraiment, qu'on se le dise,  il y a là presque une atteinte à la sûreté de l'Etat. 

PS : message de dernière minute de René Char qui demande à Monsieur Nicolas Dhuicq de bien vouloir le laisser reposer en paix. 

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