La cinémathèque française, l'Institut culturel italien de Paris et les éditions Flammarion organisent une grande rétrospective Moravia, du 3 au 21 mars 2010 à Paris, à l'occasion de la parution conjointe de la biographie de l'écrivain, par René de Ceccatty, et d'un texte fascinant, Claudia Cardinale par Alberto Moravia, que l'actrice elle-même viendra lire à la Cinémathèque, samedi 6 mars 2010, à 17 heures.
Les films adaptés des romans de Moravia seront projetés : Le Mépris (Jean-Luc Godard), les deux versions de L'Ennui (Damiano Damiani et Cédric Kahn), Le Conformiste (Bernardo Bertolucci), et bien d'autres. Des tables rondes sont organisées, autour du cinéma, de la littérature, mais aussi des lectures et signatures. Le programme complet de la rétrospective est disponible sur le site de la Cinémathèque française.
Parmi ces événements, soulignons la parution d'un texte extraordinaire et inédit en France, Claudia Cardinale par Alberto Moravia. L'entretien date de 1961. Claudia Cardinale a alors 23 ans, elle vient de jouer dans Rocco et ses frères. Et s'apprête à tourner Le Guépard et 8 ½. Moravia a rencontré le succès littéraire avec la parution de L'Ennui. L'interview est une commande d'Esquire. Elle paraîtra ensuite en Italie, aux éditions Lerici, dans une collection de portraits d'actrices par des écrivains (dont un Brigitte Bardot par Simone de Beauvoir).
Agrandissement : Illustration 2
La rencontre a lieu chez Moravia, à Rome, via dell'oca. Claudia Cardinale la raconte comme un « je me souviens », en préface. Elle dit sa propre timidité mais aussi la gaucherie de Moravia, qui tape questions et réponses, et ne cesse de faire tomber sa machine à écrire !
Une star de cinéma face à un monument littéraire. L'entretien est incroyable, « particulier » comme le déclare d'entrée l'écrivain. Moravia veut saisir l'actrice en tant qu' « objet » et non sujet. Il questionne son rapport à son corps, à sa beauté, la pousse à raconter ses rêves, à exprimer sa révolte et ses envies de liberté. Ce faisant, Moravia définit une essence de l'actrice (au-delà de Claudia Cardinale) dans son mode particulier d'existence, d'apparition / disparition. Claudia Cardinale est donc d'abord, pour Moravia, un objet occupant un espace : 1 mètre 69 et quelques chiffres significatifs (tour de taille, de hanches, longueur des cheveux, couleur des yeux...). Il détaille sa beauté, son front, ses yeux, son rire, son nez, sa bouche, ses seins, ses jambes, tente de la cerner, de la dire, presque scientifiquement. Moravia cite Baudelaire et force l'actrice à se confronter à sa beauté :
« - Quelle est, selon vous, la caractéristique principale de votre beauté ? Et avant tout, pensez-vous être belle ?
- Je ne sais pas si je suis vraiment belle. Je crois que je suis étrange.
- En quoi consiste cette étrangeté ?
- Je ne saurais pas dire. Je sais seulement que j'ai l'impression d'être étrange.
- Allez, faites un effort, essayez d'expliquer cette étrangeté.
- Je dirais peut-être qu'elle est due à la différence entre la tête et le reste du corps.
- Tout à fait ».
Entre dialogue platonicien, texte littéraire (Moi et lui de Moravia, justement) et enquête cinématographique (Masculin / Féminin de Godard), Alberto Moravia et Claudia Cardinale jouent une partition. Ils définissent la beauté, le rêve, le sommeil, la mort par un jeu de questions - réponses fascinants. Principalement la beauté d'ailleurs, la manière pour une actrice de la vivre, de l'incarner, mais aussi de l'imposer aux autres, aux spectateurs. La schizophrénie si particulière du jeu, assumée - « être perçue telle que je ne suis pas dans ma vie » dit Claudia Cardinale.
Samedi 6 mars, à 17 heures, Claudia Cardinal lira ce texte (avec René de Ceccatty dans le « rôle » de Moravia), à la Cinémathèque, dans une mise en espace signée Alfredo Arias. La Lecture sera suivi d'une séance de signatures, par Claudia Cardinale, à la librairie de la Cinémathèque.
CM
Alberto Moravia, Claudia Cardinale, traduit de l'Italien par René de Ceccatty, Flammarion, 80 p., 12 €.
Agrandissement : Illustration 3
René de Ceccatty, Alberto Moravia, Flammarion, « Grandes Biographies », 700 p., 25 €.
La Cinémathèque française
51, rue de Bercy
75012 ParisInformations : 01 71 19 33 33
Lecture : Plein Tarif 10€ / Tarif Réduit 8€ / Moins de 18 ans 5€ / Forfait atout prix et Cinétudiant 7€ / Libre pass Accès libre