
Quel sujet ! Probablement l’un des plus vastes et des plus abordés dans l’art depuis l’apparition des peintures sur les parois des grottes préhistoriques. Il n’existe sans doute que bien peu d’œuvres dénuées de toute inspiration amoureuse, positive ou négative…A l’heure des sites de rencontres et des pokes, la donne reste la même. On drague lamentablement, on patauge dans une vie de couple qui peut mener à l’urticaire et on se retrouve avec des ruptures insurmontables à gérer tant bien que mal. Bon d’accord, il y aussi de belles réussites et de bons moments, tout n’est pas non plus si caricatural… parfois… N’est-ce pas…

Simon Rich, scénariste américain de 29 ans, plonge avec une certaine délectation dans le jeu de l’amour et du hasard en trente très courtes nouvelles. Trente textes qui nous promènent dans les grandes étapes de la vie amoureuse, de la rencontre à la rupture en passant par le couple, sur un ton souvent caustique, généralement drôle et parfois très très grinçant. Ou pourrait s’attendre à quelque chose de convenu de la part d’un scénariste américain dont le texte va être adapté en série… Eh bien, pas tant que ça ! Ou alors nous sommes tous, tous sans exception, convenus dans nos rapports amoureux. En général, nous sommes les premiers à nous moquer des autres et à tomber dans des panneaux de la taille d’un éléphant obèse, ça, c’est certain. Mais Rich parvient à extraire les archétypes de la démarche amoureuse avec une fraîcheur bienvenue, même si pas toujours aussi drôle que l’ont pointé les critiques américains. Peut-être notre caractère européen ombrageux, habitué aux tragédies, aux drames romantiques et aux déchirements de passion est-il un peu plus difficile à dérider que celui de nos voisins d’outre-atlantique. Peut-être sommes-nous plus susceptibles, aussi… Peut-être Rich est-il plutôt assez fin pour amener le sourire tout en suggérant un grincement de dents.
Dans ces portraits, on croise des martiennes venues séduire les hommes plein d’assurance, un célibataire que ses bons copains essaient de caser avec un troll, des prisonniers qui purgent une peine de couple, la petite copine d’Adolph Hitler, un genre de bouc un peu pédophile sur les bords, une mère qui a pour amant le Père Noël… Simon Rich ne se contente pas de croquer des personnages, comme les dessinateurs du New York Times (pour lequel il écrit, d’ailleurs, en plus de GQ et Mad, entre autres) le faisaient avec leurs caricatures, il aime pousser les situations à un paroxysme parfois surréaliste. Il part de postulats que nous connaissons tous — la peur de séduire, le sentiment de victoire quand on ramène quelqu’un chez soi, les embrouilles conjugales, les scènes de ménage, la peur de la solitude — pour mieux nous y confronter. Qui ne se retrouvera pas dans au moins une poignée d’histoires ? Qui ne se rappellera pas une aventure, un épisode de sa vie à la lecture de ces pages ? Sans doute pas grand monde, ou alors il y a beaucoup de menteurs et de fiers-à-bras !
Ce livre ne révolutionnera pas la littérature contemporaine ni la vision de l’amour au 21e siècle, mais il a le mérite, même avec son enveloppe « commerciale » ou « mainstream » évidente, d’apporter une petite bulle de légèreté grinçante dans des temps encombrés par la morosité. Et un certain soulagement, aussi. Après tout, nous ramons toujours un peu tous dans la même galère…
Simon Rich, Homme cherche Femme et autres histoires d’amour, traduit de l’anglais (USA) par Thierry Beauchamp, Editions du Seuil, 220 p., 15 €