Dans les rayons du Bookclub ce mois-ci, Stendhal, Cendrars, art & érotisme. Littérature & liberté. Partir.
Blaise Cendrars : braise, cendre et art
Né Suisse puis devenu Français, Cendrars présente le cas singulier du grand écrivain qui n’a pas tout à fait réussi. C’est sans doute que son œuvre est à l’image de sa vie, multiple et dispersée. Elle est faite de poèmes comme la merveilleuse « Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France », de quelques romans comme Moravagine, de nouvelles, de reportages, de mémoires. Il faut donc se réjouir de voir aujourd’hui l’œuvre entière rassemblée en un fort volume de la collection « Quarto ».
Grand spécialiste de l’écrivain, Claude Leroy, qui édite l’ouvrage, a choisi de l’intituler Partir en écho à la passion du départ et du voyage qui n’a cessé de porter Cendrars : « Pour Cendrars, écrit-il, la bourlingue et la lecture sont des vases communicants qui rendent à l’homme ses rêves d’enfant. » (p. 912). Tout jalonné de photos, le volume s’ouvre sur une préface et une chronologie impeccables et combien précieuses. Cendrars était habité tout ensemble par le feu passionné de la braise et la mélancolie des cendres. Il y ajoutait la marque de son art si personnel. Pour rappel, Cendrars avait perdu un bras à la guerre ; il disait volontiers que l’amputation lui fut une seconde naissance et que sa main manquante, qui le faisait encore souffrir, s’était projetée au ciel dans la constellation d’Orion.
Jacques Dubois
Blaise Cendrars, Partir. Poèmes, romans, nouvelles, mémoires, Paris, Gallimard, « Quarto », 2011. 29, 50 €.
Stendhal érotique
Dans un récent Stendhal, Alexandra Pion reprend l’ample dossier des rapports de l’écrivain avec l’amour et la sexualité. De façon magistrale, elle fait ainsi un tour complet d’une question qui a occupé de bien des façons l’auteur de De l’amour. Le livre commence en mode mineur, rappelant longuement combien la pensée de l’écrivain a puisé chez les Idéologues, ses maîtres. Puis, d’un coup, l’ouvrage monte en puissance et propose quelques chapitres passionnants. Trois d’entre eux sont à retenir : le cinquième relatif au « babilanisme social », c’est-à-dire à une impuissance à cause externe, non physique, thème qui obsède le romancier ; le sixième, qui analyse avec beaucoup de finesse les romans se trouvant aux deux bouts de l’œuvre, soit Armance et Lamiel ; le septième et dernier, qui renouvelle notre lecture de La Chartreuse de Parme et ouvre à un examen des liens inattendus que noua le romancier avec l’idéal de l’amour courtois, avec l’érotique provençale et, mieux encore, avec la lyrique arabe et ce que l’on appelle le « mythe bédouin ». Alors Stendhal champion de la pleine liberté des deux sexes en amour ? Oui, il y a de cela.
Jacques Dubois
Alexandra Pion, Stendhal. L’Érotisme romantique, Presses Universitaires de Rennes, 2010. 16 €.