The Believer, c’est bien sûr la cultissime revue mensuelle américaine lancée en 2003 par McSweeney’s : refus de formater les papiers, longueur non imposée, appel aux plus grands écrivains, croisement des pratiques artistiques. Le Believer est désormais disponible en version française, éditée par Inculte. Indispensable.
Sur un rythme trimestriel (le numéro 1 vient de sortir, le suivant est attendu pour le 15 juin), Le Believer c’est 50% d’articles issus des trois dernières éditions américaines de la revue et 50 % d’archives, mélange pop et détonant. Comme dans l’édition américaine, la couverture est signée Charles Burns, pape du Graphic Novel (voir ici, là ou là), l’identité visuelle des deux éditions est la même. Mais il ne s’agit pour autant pas d’un simple travail de traduction : l'Inculte comité de rédaction fait des choix, adapte, imprime sa marque.
Dans ce numéro 1, Nick Hornby, Zadie Smith, Don DeLillo mais aussi « la littérature de la disparition chez Jonathan Safran Foer », Marx, Damon Albarn, Thomas Bernard, Bob Dylan, Copenhague et du sexe. Le livre, au carrefour de tous ces croisements, si l’on devait chercher un mot d’ordre à une revue qui se caractérise surtout par sa liberté, son éclectisme, sa singularité. A la fois exigeante et abordable, pointue et accessible. Drôle d’équilibre, a priori impossible et ce numéro 1 prouve le contraire.
Un premier numéro de revue a toujours valeur de signature, voire de manifeste. Si tel est le cas ici, l’avenir s’annonce radieux : reportages, interviews, conversations, nouvelles, lectures, tout entre en résonnance et en correspondance. Le lecteur entre de plain-pied dans la création contemporaine, des fanzines aux disques, des livres au cinéma, en passant par la bande dessinée avec Daniel Clowes. Des artistes ouvrent le laboratoire de leur œuvre, le réel est interrogé, mis à distance, décalé. L’époque s’écrit sous nos yeux, les mouvements qui la traversent, les courants qui la portent.
Le lecteur du Believer printemps 2012 commence par lancer des citrons au bazooka avec Nick Hornby, qui, plus sérieusement, évoque cinq livres récents et le principe de la littérature qui est de « trouver, dans tous les cas, notre propre bazooka à citron ». Chez DeLillo, par exemple, en conversation avec Greil Marcus autour de Bob Dylan et la capacité de la musique à « dissoudre l’identité ». Chaque article le mène dans un univers, l’importance du bunker dans la psyché américaine, celle de la contrainte dans la stimulation de la créativité avec l’Oulipien Harry Mathews, celle du fluide correcteur dans une histoire de la littérature « créée par effacement, collage et omission ». Au centre du numéro, une Leçon de savoir-faire par Zadie Smith qui évoque l’art de la fiction. Terme bien pesant, « "art" est un mot trop noble et trop étranger pour quelque chose qui se fait, la plupart des jours, en pyjama ».
Lisez Le Believer, en pyjama ou non, c’est une des rares revues existantes qui vous aidera, dans tous les cas, « à trouver votre propre bazooka à citron ».
Le Believer, n°1, printemps 2012, 15 € - Ou sur abonnement 50 €, un an, 4 numéros
Sommaire de ce numéro :
Mes lectures, par Nick Hornby
Conversation avec Don DeLillo, par Greil Marcus
Shoot, par Stephen Elliott
Les souffrances du jeune Marx, Par Sam Stark
Rencontre avec Daniel Clowes, par Nicole Rudick
Entretien avec Steve Carrell, par Kathryn Borel
Christiana : la fin d’une utopie, par Porter Fox
Leçon de savoir-faire, par Zadie Smith
Glenn Gould et Thomas Bernhard, l’impossible rencontre, par Jonathan Taylor
Damon Albarn et Paul Simonon interviewés par Nick Coleman
Entretien avec Harry Mathews, par Laird Hunt
La culture du Bunker, par Alena Graedon
Les écrivains hypocondriaques, une fresque d’Ivan Brunetti
La littérature de la disparition, par Jeannie Vanasco
Entretien avec Steve Carell, par Kathryn Borel
Mon Top 10 : Amy Winehouse & The Shangri-Las, par Greil Marcus
Achat en librairie, sur le site du Believer ou celui des éditions Inculte