Un petit bijou à paraître aux éditions de la Table Ronde : Le Trousseau de Moulin premier de René Char. « Bijou » pour le sujet, des pastilles consacrées à l’Isle-sur-la-Sorgue comme pour l’objet, livre de cartes postales et de courts textes manuscrits en vis-à-vis davantage qu’en illustration.

Ce carnet magnifique dit l’amour d’une terre, le Lubéron, il tisse un lien étroit entre des vues anciennes de L’Isle-sur-la-Sorgue et les textes, courts, manuscrits, aphoristiques et poétiques, le temps s’arrête, l’espace de l’enfance s’impose, suspendu, donnant son sens plein au mot intimité.
Composé en 1937, peu après la rupture avec le surréalisme, en un moment où Char pense son « inspiration stérilisée », le Trousseau est un retour sur soi et ses terres natales. Si les textes avaient déjà été publiés, en 1936 dans Moulin premier et 1938 dans Dehors la nuit est gouvernée, l’ensemble (manuscrits / images) était demeuré inédit.
René Char donne à voir le feuillage « déprimé d’être », à l’image de l’auteur, malade, lucide, « désarmé » face à la marche terrible du monde (guerre civile en Espagne, montée du nazisme en Europe).
« Chaque jour est un tremblement
Une étincelle écornée de rape ».
« Si l’union faisait le sommeil
Non le désert
La convoitise des coopérateurs quitterait ces murs intercalaires
Dont nous sommes ponctués
Occuperait l’aven
Net de frayeur et matinal d’avenir ».
Un album intime, « tangible anodin familier », à ouvrir et découvrir, effeuiller, cueillir, page à page, pour entrer, comme Char dans ce « mouvement perpétuel de la solitude » :
« Prodigue je distingue déjà mes yeux nouveaux d’éternité ».
CM
René Char, Le Trousseau de Moulin premier, Editions de la Table Ronde, 16 €