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Billet de blog 20 novembre 2009

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New York, New York

« New York ! ça c’est une ville pour moi »(Jack Kerouac, The Town and the City, 1950)

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« New York ! ça c’est une ville pour moi »

(Jack Kerouac, The Town and the City, 1950)

« New York ! ça c’est une ville pour moi » (Jack Kerouac, The Town and the City, 1950)

« Il y a plus ou moins trois New York. D’abord, le New York de ceux qui y sont nés, s’y sentent chez eux et trouvent naturels et inévitables son gigantisme et l’effervescence qui y règnent. Ensuite, il y a le New York des banlieusards, une ville dévorée chaque matin par des nuées de sauterelles, qui la recrachent dans la soirée. Enfin, il y a le New York de celui qui est venu d’ailleurs en quête de quelque chose. » (E.B. White, 1949, p. 760).

Illustration 1

Au moins trois New York… beaucoup plus si l’on en juge par les 1360 pages de ce New York, Histoire, promenades, anthologie et dictionnaire publié sous la direction de Pauline Peretz dans la collection Bouquins (Robert Laffont). Une ville monde, paradoxalement constituée de villages, unique et pourtant plurielle, incarnant tous les fantasmes, toutes les peurs, tous les mythes. Bien plus qu’un lieu, un univers, le mythe qui colle à chaque pas, à chaque mot. Une ville verticale, ouverte sur l’océan, gigantesque et intime, offerte, presque un slogan ou une pin up : I love New York. Et pourtant labyrinthique, mystérieuse. Un « outremonde », pour reprendre le titre du roman de Don DeLillo (Underworld, 1997) que ce New York, collectif, pluriel, nous invite à découvrir, feuilleter, déplier.

L’épais volume, aussi passionnant qu’impressionnant, s’ouvre par l’histoire de la ville, de la découverte de l’île Manhata, de cette baie exceptionnelle à nos jours. New York, capitale du monde, illustre une histoire collective, faite de crises, de prospérité, de fractures sociales, d’espoirs et d’illusions. Elle dit l’économie, la politique, le social, les grands mouvements de l’Histoire et des peuples.

Le livre se poursuit sur des « Promenades », le New York de Dos Passos (Manhattan Transfert), Harlem, Brooklyn, le Queens, le Bronx, le « Nyu-Yorkish » (New York première ville juive du monde), les parcs, les avant-gardes artistiques, le New-York du polar, celui de Gotham, la ville au fil de l’eau, de ses fleuves, de ses ponts… Chaque promenade nous fait entrer dans un univers, un imaginaire, une réalité de la ville, complémentaires, changeants, pleins.

Le voyage se poursuit par une anthologie littéraire de près de 300 pages, tissant des regards sur la ville, regroupant les plus grands écrivains, du 19ème siècle à aujourd’hui, de Fitzgerald à Auster, de Whitman à Roth, de Poe à DeLillo mais aussi d’autres moins connus, comme une invitation à un double voyage, géographique et littéraire. A une reconnaissance comme à une découverte.

Et le volume se « clôt » (terme étrange quand le livre ouvre à tous les possibles, tous les rêves) par un dictionnaire aux multiples entrées, vocabulaire, personnalités, événements, lieux…

Illustration 2

Ce New York est un livre monde à l’image de la ville qu’il célèbre : tentaculaire, rythmé, dense, passionnant. Variant les éclairages, les écritures, les angles de vue, il réussit le prodige - alors qu’il ne contient aucune image ! - de mettre la ville sous nos yeux.

L’ensemble du volume, jubilatoire, place le lecteur au cœur de Big Apple, sans quitter son fauteuil. A la manière du Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre. Destination : New York. Et, en attendant de prendre un vol transatlantique, tout lecteur de ce New York fera sienne l’interrogation de Des Esseintes : « A quoi bon bouger quand on peut voyager si magnifiquement sur une chaise ? » d’autant que ce livre peut se parcourir à l’endroit comme à rebours, en tout sens, pour découvrir, chaque fois, un New York différent. Un livre fascinant dans sa volonté de dire une ville labile et plurielle, de la manière la plus exhaustive possible, sans la réduire ou la caricaturer. Un pari impossible et pourtant magistralement réussi.

New York, Histoire, promenades, anthologie et dictionnaire, sous la direction de Pauline Peretz, Bouquins / Robert Laffont, 1360 p., 32 €.

Illustration 3


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