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Billet de blog 29 mars 2011

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Glissant, de partances en caprices

Sur les rayons du Bookclub, en cette fin mars, des envies de découvertes et de voyages : des poètes en partance, l'Aveyron à (re)découvrir, l'imaginaire des langues d'Edouard Glissant, un Aragon ganté et déjanté. Actualités critiques. Petits plaisirs du mois.

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Sur les rayons du Bookclub, en cette fin mars, des envies de découvertes et de voyages : des poètes en partance, l'Aveyron à (re)découvrir, l'imaginaire des langues d'Edouard Glissant, un Aragon ganté et déjanté. Actualités critiques. Petits plaisirs du mois.

Vers le Tout-monde avec Glissant

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Grande figure des littératures francophones, Édouard Glissant nous a quittés il y a quelques semaines. Une voix éclatante s’éteignait. La voilà ranimée par la publication des entretiens qu’a eus avec lui Lise Gauvin, auteure québécoise, au fil des ans.

Défenseur d’une francophonie intelligente et généreuse, Glissant s’opposait aux formes multiples de la domination culturelle comme à tout ce qui est expression d’un monologisme de l’Être, de l’identité forte, de la prétention à l’universalité. Partant de quoi, il en appelait à l’avènement d’un Tout-Monde voulant qu’aucune culture ne puisse exister qu’en relation potentielle avec les autres. Dans le même esprit, il défendait, pour les écrivains et penseurs de partout, la nécessité d’un imaginaire des langues les entraînant à pratiquer la leur en résonance avec d’autres (sans pour autant connaître ou parler celles-ci). Partant de quoi, il faisait de la «créolisation» un idéal littéraire qu’il opposait à un créolisme folklorique se contentant de barioler un texte de mots «exotiques». Il s’agissait pour lui non pas de mélanger les langues mais de « tisser les poétiques ». Il parlait volontiers par ailleurs de lieux de créolisation produits par les situations politiques. Ainsi de Beyrouth, de Sarajevo ou encore des Antilles françaises. Fort bien menés, ces entretiens proposent une vue d’ensemble de la pensée de Glissant.
JD
Édouard Glissant, L’Imaginaire des langues. Entretiens avec Lise Gauvin (1991-2009), Paris, Gallimard, 2010. 14,90 €.

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La petite encyclopédie de l’Aveyron

Comme l’écrit Daniel Crozes en introduction de sa Petite Encyclopédie, «l’Aveyron ne se résume pas au laguiole, au roquefort, aux volcans de l’Aubrac et à ses hommes politiques».

Des faits divers qui ont défrayé la chronique, du XIXè siècle à aujourd’hui, aux richesses architecturales, ce dictionnaire à la fois ludique et sérieux nous présente un département singulier et riche. Chaque entrée est accompagnée d’un focus sur un «mot suranné».

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Traditions, anecdotes, histoires et portraits jalonnent un voyage en Aveyron passionnant qui tient de la collection et de l'inventaire insolite.

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Daniel Crozes, La Petite Encyclopédie de l’Aveyron, avec des illustrations de Séverin Millet, Editions du Rouergue, 318 p., 23 €.

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Aragon ganté et déjanté

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Jean Ristat accompagna longuement Aragon dans les dernières années de sa vie. Il nous reparle de celles-ci dans un petit essai écrit au fil de la plume mais riche d’informations intéressantes et de regards perspicaces. On y voit le vieil écrivain se promenant comme halluciné dans Paris et on le voit au labeur, répandant autour de lui — sur les murs ou par terre — documents et notes de travail.

Ristat met en évidence chez Aragon la fidélité à soi en trois domaines : l’esprit de subversion, la passion de l’amour dans sa force, le goût tout surréaliste de la circonstance. L’Aragon finissant de Ristat consacrait toutes ses forces au rassemblement de son Œuvre poétique complet comme à l’écriture de Théâtre/Roman, dont le critique souligne l’importance dans l’aventure de la fiction moderne.

Aragon homme au gant comme dans un portrait du Titien : écrivain du gant que l’on retourne doigt après doigt, — comme on se défait d’un masque.

JD
Jean Ristat, Aragon l’homme au gant, Bruxelles, éditions Aden, « Label littérature », 2011. 8 €.

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Capricci, Actualités critiques, 2011

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Les éditions Capricci rassemblent désormais en revue une sélection de textes, de documents, autour des projets d’une année, réalisés, abandonnés ou en cours. Une revue semestrielle, critique, principalement cinéphile (mais pas seulement) qui se donne tout ensemble comme une somme et un work in progress.

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Pour ce numéro 1, 256 pages richement illustrées et un sommaire passionnant : avec, entre autres, une nouvelle inédite de James Agee (Dedication Day, Le jour de la consécration), un dossier autour de la série The Wire, Jean Eustache, Mathieu Potte-Bonneville & The Cat, the Reverend and the Slave, Ingmar Bergman.

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Capricci, Actualités critiques 2011, numéro 1, 256 p., 19,80 €

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Poètes en partance, De Charles Baudelaire à Henri Michaux

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Sophie Nauleau le rappelle en préface de ce recueil Poésie/Gallimard : «La poésie aime à partir», elle joue d’impulsions, qu’elle soit mémoire itinérante, épopée immobile ou aventure.

De la douleur de l’au-revoir à la joie du départ, les poèmes disent le voyage dans ses infinies variations ou l’attente du retour au foyer, après l’exil. «Partir» est le verbe phare des poèmes ici rassemblés, «partir» qui «porte le sens latin du partage», à la fois découverte d’autrui et séparation.

Modulation de voix, de registres et d’échos, manières particulières de reculer bornes et frontières, autant géographiques que mentales ou poétiques, cette anthologie de poche propose également un voyage temporel à ses lecteurs, de Baudelaire et son fameux «enfant, amoureux de cartes et d’estampes» : «un matin nous partons» (Le Voyage) à l’«Emportez-moi» d’Henri Michaux, en passant par Rimbaud, Claudel, Supervielle, Cendrars mais aussi Pierre Jean Jouve, Soupault, Reverdy ou Catherine Pozzi.

42 «étonnants voyageurs», pour reprendre l’expression baudelairienne, «dites, qu’avez-vous vu ?»

CM

Poètes en partance, de Charles Baudelaire à Henri Michaux, Edition de Sophie Nauleau, Poésie/Gallimard, 160 p., 6 € 70.

Jacques Dubois & Christine Marcandier