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Billet de blog 29 mars 2014

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Tony O’Neill, De l’aiguille à la plume

Ancien toxico et ancien claviériste de Marc Almond ou Brian Jonestown Massacre, Tony O’Neill a délaissé la drogue pour l’écriture. Son nouveau roman, Black Néon, s’inscrit dans la droite ligne de ses précédents : brutal, sombre et profondément humain. Tony O’Neill parle sans langue de bois ni faux-semblants. Enfin un discours intelligent sur les psychotropes…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ancien toxico et ancien claviériste de Marc Almond ou Brian Jonestown Massacre, Tony O’Neill a délaissé la drogue pour l’écriture. Son nouveau roman, Black Néon, s’inscrit dans la droite ligne de ses précédents : brutal, sombre et profondément humain. Tony O’Neill parle sans langue de bois ni faux-semblants. Enfin un discours intelligent sur les psychotropes…

Quand avez-vous commencé à écrire ? A prendre conscience que votre expérience ferait un bon terreau pour des romans ?

Illustration 1
Tony O’Neill

J’ai toujours écrit et aimé les livres. J’ai grandi dans une maison et dans une ville ouvrière du Nord de l’Angleterre où l’on n’accordait pas beaucoup d’intérêt aux livres. Pour moi, lire était un acte de rébellion. A force, j’ai fantasmé sur le fait de devenir un écrivain. J’imaginais que ça serait une vie hyper glamour. J’ai essayé d’écrire des histoires dans le style de celles que je lisais, Stephen King ou James Herbert, des thrillers, des histoires horrifiques. Je n’avais rien à dire, en vérité. Ce n’est que quand je suis parti de chez moi et que j’ai expérimenté la vie que j’ai commencé à me dire que j’avais des choses à raconter.

Ecrivez-vous beaucoup à partir de ce que vous avez vécu ?

En tant que romancier, je pioche dans mes expériences passées, dans ma vie, tout le temps. C’est de là que viennent mes personnages. Au début, la fiction était un outil pour me maintenir en vie. J’ai passé une décennie accroché à la drogue. J’ai été sans domicile, suicidaire, en clinique, un voleur… Quand j’ai décroché, je me suis dit que si je ne devenais pas clean là, je ne le serais jamais. Je voulais être capable de devenir un bon père pour mon enfant et d’aimer la fille avec laquelle j’étais, de terminer ce cycle de misère. La question était : puis-je arrêter l’héroïne ? Tout dépendait de ça. Au bout d’une semaine de cure, j’étais hyper malade, j’avais l’impression de devenir fou. Ma femme Vanessa s’occupait de moi mais il fallait que je trouve quelque chose à faire pendant les huit heures où elle n’était pas à la maison. Alors j’ai commencé à écrire. Je m’asseyais à l’ordinateur avec une poubelle à côté pour vomir. Les premières choses que j’ai écrites étaient des souvenirs sur mes expériences de toxico à L.A., tout ce qu’il y avait de pire. En plus je n’avais pas écrit depuis des années et j’avais le cerveau embrumé. Mais les mots coulaient, et c’était le premier plaisir que je ressentais depuis que j’avais commencé ma cure. Quand ma fille est née, j’ai réalisé que j’avais une histoire avec un début, un milieu et une fin, c’était le brouillon de Du bleu sur les Veines.

Que pensez-vous de la vieille idée selon laquelle la drogue ouvre les portes de la perception ?

L’idée selon laquelle la drogue soutient la créativité est un mythe! Tout comme celle selon laquelle la drogue détruit la créativité… La drogue peut inspirer. J’écris beaucoup à partir d’idées qui me sont venues quand je fume du cannabis, par exemple. Mais je ne peux pas écrire dessus. D’autres drogues peuvent aider certains processus. Le speed est utile quand on fait des trucs très précis, dans le détail. Je ne prends plus de speed, ça ne me plaît plus, mais je le ferais si ça pouvait m’aider à accomplir une tache comme ça. La société exagère le pouvoir de la drogue pour mieux la diaboliser. Les drogues sont ce qu’on en fait! Elles n’ont ni mauvaises ni bonnes qualités de manière intrinsèques, elles ne sont pas plus conscientes qu’une pomme ou une orange. Malheureusement, contrairement aux pommes et aux oranges, les drogues sont illégales. La prohibition ne sert à personne, à part aux politiciens, aux dealers et aux prisons, qui eux profitent pleinement des dégâts créés par la drogue.

Qui sont les écrivains qui vous inspirent ?

L’école des écrivains comme Dan Fante, Charles Bukowski, Herbert Huncke, William Burroughs, Jim Thompson etc. Ils ne forment pas un groupe homogène, mais quand on aime leur écriture, on comprend quels sont les liens qui les unissent. Ils agissent en marge de l’establishment. Le genre de mec qui a eu du mal à se faire reconnaître dans son pays, qui a été méprisé par le monde littéraire. Mon travail rencontre un succès en Europe qu’il n’a pas rencontré aux USA. Là bas, mes médias mainstream ne m’approchaient pas. Les écrivains comme Mark SaFranko, Dan Fante et moi sommes considérés comme des sauvages. Je n’ai aucun diplôme, je me suis fait tout seul, j’écris sur la drogue sans critiquer ce mode de vie, j’ai été junkie et je ne l’ai jamais regretté, mon père était chauffeur de bus et ma mère aide domestique. Même ce qui est connu comme une scène littéraire « alternative » n’a jamais voulu de moi. Je ne suis pas une espèce de hipster vegan qui vit à Brooklyn et se prend pour un personnage de Wes Anderson, alors ça ne leur convient pas.

Tony O’Neill, Black Néon, traduit de l'anglais par Etienne Menanteau, 13e Note Editions, 400 pages, 23 € 50

(propos recueillis en janvier 2014)

Illustration 2

Né à Blackburn (Angleterre) en 1978, Tony O'Neill est l'auteur de Notre Dame du Vide, Dernière descente à Murder Mile, Sick City, Du bleu sur les veines et Black néon - tous traduits en français chez 13ème Note.

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