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Boulevard des Mots-dits

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Billet de blog 4 avril 2012

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Nouveaux mots (suite 2) : Vieux mot doux vaut mieux que mal vaudou

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 Sans doute il en manque quelques uns...

Alors qu'un sigisbée tout en afféterie jouait les porte-coton, m'offrant galamment une coupe de Vouvray, je zieutais en miston outrecuidant l'appendice nasal de mon plus proche voisin, hésitant à qualifier ses apostumes de ponceau, andrinople ou zinzolin... Je scotchais sur son nez tel le sparadrap sur le doigt du capitaine Haddock en me demandant si la marjolaine bouillie en coquemar ou le plantain réduit à l'athanor composeraient un onguent efficace. Ou alors une embrocation ? Et si je le ponçais avec mon petit galuchat spécial gros orteil ?

L'escalabreux sigisbée m'arracha à mes rêveries d'apothicairerie, attrapant mon œil gauche pour le fixer, en une complicité fort cavalière digne du dernier des reîtres - attrapa mon œil gauche donc, pour le fixer avec le sien sur une cimaise bancroche, ajoutant en aparté quelque propos d'une affligeante banalité sur une gente politique stipendiée !

Je rechigne autant à margotter avec les cailles qu'à hurler avec les loups et ses rodomontades commençaient à me courir sur le haricot et m'accoraient plus encore qu'un margouillis de bidonville.

De son côté mon voisin sybarite (qu'il en avait le nez tuméfié) coulait des regards énamourés vers de petites verrines de mirepoix qu'un giton alignait aux côtés de cassolettes de daube et de tantouillées d'Aunis, jouxtant des brochettes de cuisses de grenouille, elles-mêmes calées contre des coquilles de Saint-Jacques au potimarron. Tout autant de promesses de messes basses ad vitam !

« Giton, tu exagères quand même, me morigéné-je intérieurement. N'étais-je pas en train de commettre un délit de faciès – bien que le délit consistât plutôt en l'insulte discriminatoire mais giton, était-ce là une insulte ou une désignation ? Disons, pour en revenir à notre « giton », qu'il avait une apparence débile. Si jeune et déjà cacochyme ! me repris-je, envoyant au diable les censeurs de tous bords.

Pour faire tomber un peu la tension et retrouver un tant soit peu d'attention, je me recentrai sur les falbalas de mon jupon de coton, remis en plis ma petite guimpe d'Emmaüs que je trouvai décidément du plus bel effet, assortie qui plus est à mon attifet de printemps.

Et c'est ainsi fort imbue que je prêtai de nouveau l'oreille à l'assemblée qui continuait de s'adonner à l'hédonisme en toute bonne vivance simple et de bon ton.

Mon regard continuait de s'évader pendant que je ponctuais régulièrement d’acquiescements la conversation dans laquelle je me trouvais. Au plafond les insignes sigillaires d'Aliénor, plus bas une caméra anti fric-frac, au mur une tête de cerf tellement élavée qu'on l'aurait cru engendrée d'une brehaigne. Tout en bas, la conversation battait son plein. Le brouhaha des voix augmentait avec le degré d'alcoolisation des convives bien décidés à profiter de ces doux moments de libations désinhibition.

Non?Vraiment !

On se désolait de la déshérence d'un vieil homme, tandis qu'un freluquet extorquait l'hoirie d'une douaire, et ce n'était rien à côté de celle qui avait mis son daron sous tutelle de peur qu'il ne dilapide sa future chevance. Et l'on se répondait comme en une antienne, chacun connaissant par cœur son antiphonaire.
Je réussis enfin à m'extirper de la conversation pour aller me planter sous une photographie rendant image à un châtaignier, me demandant de quel aruspice j'étais le jouet pour m'assoter ainsi d'une impression d'arbre.

C'était bénin, sans doute.

Et ma rêverie de m'emporter de châtaignier en iroko, de Belcayre à Ouidah, dans la forêt sacrée de Kpassè Zoun, en de longs échos... .

Quel étrange lien s'était ainsi tissé ? Je revoyais l'enfant tricéphale, dieu vaudou de la tolérance envers la différence, me promettant en contemplant les frémissements de lumière qui enfeuillaient ce décidément magnifique châtaignier d'en prendre de la graine de cette tolérance... Je posai donc un regard de sage sur ces beaux  linges devisant de l'art, benaises, et me gouleyais sans barguigner plus avant d'une rasade de cet irrésistible Vouvray.

Ces doux mots anciens m'emportèrent bien loin, me disais-je en rêvant d'un portulan qui me mènerait à bon port...

On me tapote gentiment l'épaule :

« -Vous avez la tête ailleurs ma chère !

-Laquelle ? »

Merci pour ces belles aventures de mots et d'images

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