Billet de blog 23 janvier 2010

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Obaldia: « Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »

Parlez-vous l'obaldien verniculaire ? Non ? Et bien il serait temps de vous y mettre ! René de Obaldia, sémillant prince des mots, fête cette année ses 92 printemps. Celui qui se proclamait déjà centenaire à 40 ans ne cesse de clamer depuis son entrée à l'Académie française, en 1999, que « c'est tuant d'être immortel ». Mais, nous le savons, jamais l'humour n'aura d'âge. Hommage à un amoureux de la langue qui n'a cessé de jouer avec les mots, de les collectionner, de les déformer, de les inventer, de les tordre, de les faire danser, pour notre plus grand bonheur..© Photo Lot  

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Parlez-vous l'obaldien verniculaire ? Non ? Et bien il serait temps de vous y mettre ! René de Obaldia, sémillant prince des mots, fête cette année ses 92 printemps. Celui qui se proclamait déjà centenaire à 40 ans ne cesse de clamer depuis son entrée à l'Académie française, en 1999, que « c'est tuant d'être immortel ». Mais, nous le savons, jamais l'humour n'aura d'âge. Hommage à un amoureux de la langue qui n'a cessé de jouer avec les mots, de les collectionner, de les déformer, de les inventer, de les tordre, de les faire danser, pour notre plus grand bonheur..

© Photo Lot

Quelques extraits d' « Innocentines » / Poèmes pour Enfants et Quelques Adultes (1969 - collection « Les cahiers rouges » - Grasset), l'un de ses quatre ouvrages de poésie...

Le plus beau vers de la langue française

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »

Voici, mes zinfints

Sans en avoir l'air

Le plus beau vers

De la langue française.

Ai, eu, ai, in

Le geai gélatineux geignait dans le jasmin...

Le poite aurait pu dire

Tout à son aise :

« Le geai volumineux picorait des pois fins »

Eh bien ! non, mes infints

Le poite qui a du génie

Jusque dans son délire

D'une main moite

A écrit :

« C'était l'heure divine où, sous le ciel gamin,

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.

Là, le geai est agi

Par le génie du poite

Du poite qui s'identifie

À l'oiseau sorti de son nid

Sorti de sa ouate.

Quel galop !

Quel train dans le soupir !

Quel élan souterrain!

Quand vous serez grinds

Mes zinfints

Et que vous aurez une petite amie anglaise

Vous pourrez murmurer

À son oreille dénaturée

Ce vers, le plus beau de la langue française

Et qui vient tout droit du gallo-romain:

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »

Admirez comme

Voyelles et consonnes sont étroitement liées

Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.

Admirez aussi, mes zinfints,

Ces gé à vif,

Ces gé sans fin

Chez moi

Chez moi, dit la petite fille

On élève un éléphant.

Le dimanche son œil brille

Quand papa le peint en blanc

Chez moi, dit le petit garçon

On élève une tortue.

Elle chante des chansons

En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille

Notre vaisselle est en or.

Quand on mange des lentilles

On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon

Nous avons une soupière

Qui vient tout droit de Soissons

Quand Clovis était notaire.

Chez moi, dit la petite fille

Ma grand-mère a cent mille ans.

Elle joue encore aux billes

Tout en se curant les dents.

Chez moi, dit le petit garçon

Mon grand-père a une barbe

Pleine pleine de pinsons

Qui empeste la rhubarbe.

Chez moi, dit la petite fille

Il y a trois cheminées

Et lorsque le feu pétille

On a chaud de trois côtés.

Chez moi, dit le petit garçon

Passe un train tous les minuits.

Au réveil mon caleçon

Est tout barbouillé de suie.

Chez moi, dit la petite fille

Le pape vient se confesser.

Il boit de la camomille

Une fois qu'on l'a fessé.

Chez moi, dit le petit garçon

Vit un Empereur chinois.

Il dort sur un paillasson

Aussi bien qu'un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille

Tu veux te moquer de moi !

Si je trouve mon aiguille

Je vais te piquer le doigt !

Ce que c'est d'être une fille !

Répond le petit garçon.

Tu es bête comme une anguille

Bête comme un saucisson.

C'est moi qu'ai pris la Bastille

Quand t'étais dans les oignons.

Mais à une telle quille

Je n'en dirai pas plus long !

****René de Obaldia est né en 1918. Auteur de théâtre ( Génousie, Le Satyre de la Villette, Le Banquet des Méduses, L'Air du Large, Du vent dans les branches de sassafras ...), de romans ou de récits (Tamerlan des coeurs, Le Centenaire, Fugue à Waterloo...), il est aussi auteur de recueils de poèmes (Midi, Innocentines, Sur le Ventre des Veuves, etc.)

Pour en savoir plus:

René de Obaldia par Jérôme Garcin (Nouvel Obs 2008) :http://bibliobs.nouvelobs.com/20081204/9148/le-roi-rene

Obaldia par Obaldia: http://ddumasenmargedutheatre.blogspirit.com/archive/2009/04/29/obaldia-par-obaldia.html

Obaldia se confie à Elizabeth Antébi (Canal Académie 2006): http://www.canalacademie.com/Rene-de-Obaldia.html

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