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Billet de blog 16 juillet 2011

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Rencontre avec Médiapart, Buoux 2011. Hommage à Edouard Glissant

« Cette lanterne sourde qui n'éclaire jamais qu'en projetant de l'ombre : la métaphore même de l'imaginaire. » (Michel Lebris*)

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Illustration 1
photo Edouard Glissant
« Cette lanterne sourde qui n'éclaire jamais qu'en projetant de l'ombre : la métaphore même de l'imaginaire. » (Michel Lebris*)

Lors de notre prochaine rencontre à Buoux, nous rendrons hommage à Edouard Glissant. Estelle Bonnier-Belhaj nous en lira des textes. Edwy Plénel nous parlera de ce grand « poète du Tout Monde », son ami.

Edouard Glissant est un merveilleux porteur de lanterne sourde, un conteur dans le cercle nocturne éclairé d'un flambeau. Il nous montre à sa manière poétique et politique les grandes révoltes qui mettent la liberté partout à l'ordre du jour.

Imprévisible, divers, incertain, opaque, tel est « l'élan des peuples néantisés » qui surgissent sur les places publiques et surprennent ceux qui les ont crus soumis.

Edouard Glissant nous a offert des mots magnifiques pour éclairer « le défrichage ardu des peuples qui solidairement naissent à leur liberté. » Des mots tels que :

Relation. C'est le nom que s'était donné le mouvement social en Guadeloupe, en janvier 2009 : Liyannaj Kont Pwofitasyon - mouvement qui s'était étendu à la Martinique, en Guyane, à la Réunion.

On l'entend dans le Manifeste des neuf intellectuels antillais dont Edouard Glissant est co-auteur : « La dynamique du Lyannaj - qui est d'allier et de rallier, de lier relier et relayer tout ce qui se trouvait désolidarisé - (...) rejoint des aspirations diffuses, encore inexprimables mais bien réelles, chez les jeunes, les grandes personnes, oubliés, invisibles et autres souffrants indéchiffrables de nos sociétés. »

Poétique. « Derrière le prosaïque du "pouvoir d'achat" ou du "panier de la ménagère", se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir : le poétique. Toute vie humaine un peu équilibrée s'articule entre, d'un côté, les nécessités immédiates du boire-survivre-manger (en clair : le prosaïque) ; et, de l'autre, l'aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité, d'honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de philosophie, de spiritualité, d'amour, de temps libre affecté à l'accomplissement du grand désir intime (en clair : le poétique). Comme le propose Edgar Morin, le vivre-pour-vivre, tout comme le vivre-pour-soi n'ouvrent à aucune plénitude sans le donner-à-vivre à ce que nous aimons, à ceux que nous aimons, aux impossibles et aux dépassements auxquels nous aspirons. »

Créolisation. « J'appelle créolisation, des contacts de cultures en un lieu donné du monde et qui ne produisent pas un simple métissage, mais une résultante imprévisible. Cela est très lié avec la notion de ce que j'appelle le chaos-monde. Un chaos-monde, caractérisé non pas par le désordre mais par l'imprévisible. »

Edouard Glissant nous fait entrevoir dans le monde des trames obscures, des archipels, des eaux volcaniques reliant en secret les continents, les îles. Métaphores.

« L'eau du volcan faisait rivière dans la géographie tourmentée de ces fonds marins, entre les îles, et peut-être raccordait-elle en une Eau Immense le continent au continent, les Guyanes au Yucatan, à travers cette passe de cratères égrenés dans les îlots, sur cette crête de tremblements où la terre pose question à la terre. »

Ces mots, ces images sont dans Le discours antillais(textes écrits entre 1967 et 1989), dans Tout-Monde (1993) dans Le manifeste des neuf intellectuels antillais (février 2009). Fragments d'une œuvre généreuse et dense, dont Edwy Plénel donne une très belle idée dans l'article qu'il a écrit à la mort du poète cet hiver, « Le siècle de Glissant, poète du Tout-Monde » .

*Michel Lebris, préface à Moonfleet de John Meade Falkner

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