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Depuis sa disparition le 30 août dernier, les hommages ne cessent d'être rendus, en Europe et dans le monde, au dernier président de l'URSS - Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Un président exceptionnel, détesté en Russie, adulé en Europe et dans le monde
"Mikhaïl Gorbatchev était un dirigeant digne de confiance et respecté. Il a joué un rôle crucial pour mettre fin à la guerre froide et faire tomber le rideau de fer", a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dès le lendemain de l'annonce de son décès. Pour elle, comme pour les autres chefs d'État européens, à l'exception de celui de la Lituanie (une contestation a été réprimée par les armes sous sa présidence), son héritage est "inoubliable".
Le président Poutine, apparemment très ému, a déposé un bouquet de fleurs rouges sur son cercueil, devant lequel il s'est incliné. Avant de se signer, il y a posé sa main, comme un ultime adieu, semblant marquer sa considération pour l'homme d'État qui n'avait pas renoncé à l'URSS. Il a annoncé qu'il ne se rendrait pas aux funérailles du dernier président de l'Union soviétique, détesté par un grand nombre de ses concitoyens.
À l'opposé, les Occidentaux lui rendent hommage. Ils sont unanimes ou presque : l'homme avait du cœur et une tête bien faite. N'a-t-il pas mis fin à la Guerre froide, fait avancer la démocratie et, surtout, libéré l'Europe de l'Est sans guerre civile ni Troisième Guerre mondiale ?
En Russie, Mikhail Gorbatchev reste un dirigeant honni
L'effondrement de la Russie communiste était inéluctable. Son économie, planifiée jusqu'à l'absurde, et la guerre ruineuse d'Afghanistan, comme la tragédie de Tchernobyl, ont montré les limites d'un système fondé sur le mensonge ; l'obéissance servile à une bureaucratie irresponsable.
Beaucoup de Russes continuent de penser que Gorbatchev était un idiot. Selon eux, la Russie pouvait continuer à occuper une partie de l'Europe en matant dans le sang les velléités d'indépendance. Ils occultent l'exploitation des travailleurs de l'Est, les citoyens bafoués dans leur dignité, souvent contraints de servir d'informateurs à une police politique, toute puissante. Le pillage des richesses...
Beaucoup de Russes rendent responsable Gorbatchev de la fin de l'URSS, de l'effondrement économique et financier qui ont chamboulé leur existence... voire de leurs difficultés présentes !
Ils le déclarent coupable de la disparition d'une époque, prestigieuse à leurs yeux, pleine de facilités (logement, énergie, transport, pension de retraite etc). Leur jugement est sans pitié : Gorbatchev était un "idiot", un dirigeant "incapable", un "faible", qui n'avait pas voulu employer la manière forte pour les rebelles... Les Russes croyaient dur comme fer (et croient toujours) au statut de superpuissance de leur pays. Avec un chef à poigne, la Russie aurait surmonté les difficultés... "Il a tout gâché !"
Gorbatchev en réponse, leur avait conseillé de ne plus se raconter d'histoire, et de cesser de boire de la vodka... Au propre comme au figuré. Il avait joint la loi à la parole !
Glasnost et perestroïka
Sa politique, fondée sur la transparence (en russe : "glasnost"), traduit cette volonté de voir les choses sans se mentir. Et la "perestroïka" (la reconstruction), témoigne de la volonté d'édifier le socialisme sur des bases démocratiques, avec un contrôle du parlement. L'impulsion restant du ressort du parti unique, le PC avec, à sa tête, le secrétaire général, qui préside l'Union Soviétique. Le gouvernement russe assumant l'exécutif sous sa présidence. Mais sans l'ouverture de son économie au capitalisme et aux méthodes occidentales, la Russie aurait continué à sombrer à cause des plans d'une bureaucratie envahissante et terroriste. La Russie communiste était comme une ruche qui ne faisait pas de miel ou si peu. Seulement capable, dans le meilleur des cas, de produire en série et en grande quantité des produits inutiles à la grande masse des citoyens. Les pays européens occupés, membres de son comecon (1)... le bien nommé ! étouffaient sous son joug. Complètement coupés du commerce mondial, les Européens de l'Est croyaient vivre dans une serre. Partout, la révolte grondait... Nous nous souvenons particulièrement de la jeune femme rencontrée à Aix en Provence à la fin des années 80. Cette fille d'un cadre de la nomenklatura polonaise nous confiait son exaspération. "Dans son pays, de longues files d'attente à l'entrée des magasins... mais il n'y a rien à acheter ! Chez vous, il y a aussi de longues files d'attente... mais pour payer les achats !"
Un scénario bien ficelé
Qui a mis fin à l'URSS... ? La vieille garde communiste et le KGB ! Afin d'évincer Gorbatchev du pouvoir. Deuxième acte : Discréditer les démocrates avec la présidence de Boris Eltsine, souvent saoul (saoulé ?) comme une barrique. Et au final installer Poutine en intérim aux commandes pour prouver aux Russes qu'il mérite d'être leur président ... On connaît la suite !
Pour déconsidérer Gorbatchev, le dégager du fauteuil présidentiel, l'astuce a consisté à prendre contact avec les républiques restées fidèle à l'Union Soviétique, de convaincre leurs dirigeants de voter la dissolution de cette organisation, afin de rendre sans objet le poste de secrétaire général occupé par Gorbatchev et, par conséquent, de lui ôter tout pouvoir. Le poste de secrétaire général se confondant avec celui de président de l'Union soviétique...
Le futur Prix Nobel de la Paix n'a pas mis fin à l'URSS... Ce sont ses adversaires pour le pousser à la démission ! Fin du premier acte.
L'épisode démocratique semble se poursuivre sous la présidence de Boris Eltsine, un "imbécile", selon Gorbatchev, mais néanmoins un "démocrate" selon le président américain Bill Clinton. Ce dernier soutient la guerre menée par la Russie contre les Tchétchènes... allant jusqu'à concourir au financement de l'agression, menée sous le commandement de son ambitieux homologue. Clinton autorise aussi les services secrets à fournir des appareils de ciblage électronique ultra-secrets, avec lesquels les Russes vont assassiner le président tchétchène, Djokhar Doudaïev, alors que celui-ci mène des négociations de paix avec Moscou sur son téléphone satellite, il est pulvérisé par deux missiles guidés par laser.
Bill Clinton se rendra à Mocou pour féliciter Boris Elsine !
Cette Première guerre de Tchétchénie (1994-1996) visait à remettre cette République sous la férule de Moscou... À reconstituer l'Urss ! Les Américains, craignant une déstabilisation du Caucase par les Islamistes, ont prêté main forte à la Russie...
Boris Elstine, addict à l'alcool comme beaucoup de ses compatriotes, se donne en spectacle et discrédite la démocratie. Le peuple russe vit une difficile et douloureuse période de transition économique et sociale. Boris Eltsine par ses frasques et l'image pitoyable qu'il donne de son pays à l'international fait honte à ses compatriotes. Comme s'il les jetait dans les bras de Poutine !
Boris Eltsine a reconnu avoir servi de tremplin à Poutine, alors ministre, en démissionnant pour raison de santé six mois avant la fin de son mandat présidentiel. Période pendant laquelle Poutine a assuré l'intérim, tout en se portant comme candidat à l'élection présidentielle sous l'apparence d'un homme sain, sportif, viril, énergique. Tout son contraire ! Et désireux de renouer avec le prestige et la force, valeurs chères au peuple russe. La ficelle était grosse mais comme disait Chirac : "plus c'est gros, plus ça passe". Et Poutine est passé !
La Seconde guerre de Tchétchénie va révéler la volonté génocidaire de Poutine et des militaires sous ses ordres. Commencée en août 1999, sous la présidence de Boris Elstine, elle se terminera officiellement 6 mois plus tard sous son obédience, avec le massacre de la population civile, écrasée sous les bombes, les missiles, déchiquetée par les mines personnelles, terrorisée, torturée, violée, pillée...
Gorbatchev avait offert à ses compatriotes, sur un plateau, la liberté, la démocratie... et la paix
L'ambition de Gorbatchev n'a jamais été de défaire l'Union soviétique, mais de la reconstruire sur des bases démocratiques, de l'ouvrir sur le monde, de vivre en paix avec l'Europe au sein d'une "maison commune européenne".
Le peuple russe a refusé la liberté pour lui et les autres peuples. Il est retourné à la servitude et sa pratique multiséculaire qui concentre tous les pouvoirs aux mains d'un seul homme... ou d'une seule femme. N'oublions pas le règne de la tsarine Catherine II, impératrice de toutes les Russies, l'ancêtre des Romanov !
Au tout début du 19e siècle, ces caractéristiques distinctives avaient déjà été remarqué par notre compatriote, l'aristocrate normand Alexis de Tocqueville, prédisant à la Russie sa domination par les armes sur une moitié du monde. Il avait aussi prévu l'émergence sur la scène mondiale des États-Unis et le grand rôle que ces deux pays joueraient dans le destin du monde.
Avec Poutine, le peuple russe a choisi de retourner à ses illusions d'une "grande Russie", forte, prestigieuse et clinquante, fédérant par la force les pays à ses frontières. La folie des grandeurs ! Rien à voir avec la vision de Gorbatchev, dont la soif de vérité et de paix, pourrait préfigurer un autre destin, probablement d'un ordre élevé sur le plan spirituel. la Russie est un grand pays de martyrs et ne manque pas de personnes courageuses et décidées.
"Le monde a perdu un leader mondial de premier plan, un multilatéraliste engagé et un défenseur infatigable de la paix" (António Guterres)
Le Secrétaire général de l'Onu a rendu un hommage chaleureux au dernier dirigeant de l'Union soviétique.
Il a noté dans sa déclaration qu'en recevant le prix Nobel de la Paix, Mikhaïl Gorbatchev avait fait remarquer que "la paix n'est pas l'unité dans la similitude mais l'unité dans la diversité"... "Il a mis en pratique cette intuition vitale en empruntant la voie de la négociation, de la réforme, de la transparence et du désarmement." Une démarche typiquement européenne, à l'origine, car Poutine avec sa politique démentielle (2) a obligé les Européens a changer leur fusil d'épaule.
Contrairement à Poutine, Gorbatchev a séduit les Européens par sa grande humanité, son désir de paix, de liberté, de démocratie. Résolument en faveur du multilatéralisme, comme les Européens, il voulait aussi ouvrir son pays sur le monde, sur ses nouvelles réalités. "Un homme d'État unique qui a changé le cours de l'Histoire", affirme António Guterres. Sa politique a en particulier accéléré l'intégration européenne. D'ailleurs, son expression "l'unité dans la diversité" est, à un chouia près, la devise de l'UE ! Gorbatchev avait compris le sens de la démarche européenne. La réciproque est vraie. Beaucoup d'entreprises européennes ont investi dans l'économie russe. Des États, notamment l'Allemagne, se sont beaucoup engagés... Des jeunes Européens ont poursuivi leur cursus en Russie, dans le cadre d'échanges entre établissements privés. L'Europe s'est engagée résolument en faveur de la Russie de Gorbatchev. Elle en paie le prix aujourd'hui.
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L'antithèse de Gorbatchev : Poutine
Dans son adolescence, l'ado Poutine est une petite frappe, un voyou. il ne tolère pas d'être mis en état d'infériorité et n'a de cesse de prendre le dessus sur ses adversaires. Sa maitresse d'école va lui apprendre les bonnes manières mais il gardera ce trait de caractère... Après avoir décroché le Saint-Graal, le pouvoir suprême, il n'a cessé de mettre au pli, en prison ou d'envoyer au cimetière, d'autres gangsters de sa trempe, oligarques comme lui. Des administrateurs, représentants de l'État, qui se sont approprié, des entreprises publiques, très juteuses. Gare à celui qui refuse de lui verser le "pizzo" (une forme de racket pratiqué par les mafias , une « protection » dans leur jargon) ou qui critique ses décisions ! C'est à ses yeux une attitude "suicidaire". Pas simplement pour les vieilles canailles, pour tout citoyen qui manifesterait son désaccord avec la guerre en Ukraine, notamment. En phase avec un système autocratique, Poutine ne souffre pas qu'on remette ses décisions en cause et c'est un personnage très rancunier...
Le FSB ne manque pas de moyens pour faire taire ses détracteurs, éliminer les gêneurs : dioxine, pallonium 210, novitchok, poison de crapaud, défenestration, empalement, pendaison, noyade ; des armes classiques comme le poignard, le revolver, la mitraillette, l'engin explosif... Tout y passe ! Et tant pis pour les proches ! Tous y passent !
Rien que pour cette année, six oligarques sont passés brutalement de vie à trépas. Point commun : ils n'étaient plus copains avec "Poutler" (surnom donné par des esprits moqueurs ; contraction de Poutine et d'Hitler) ...
"Le tueur du Kremlin", comme le surnomme le président américain Joe Biden, mène depuis son arrivée au pouvoir une politique expansionniste, assassine, sans égard pour les populations civiles. En République tchétchène pour commencer, où des localités entières ont été pulvérisées, réduites en cendres, comme en témoignent des films, endommagés par les rayons X de la censure. Nous avons visionné à Marseille au début des années 2000 ces films, rapportés par des réfugiés politiques russes ayant participé à la guerre en Tchétchénie. Des images de blindés tirant sans discontinuer obus, roquettes... en fonçant dans une agglomération, la défonçant, la pulvérisant avec ses habitants. Les Russes qui me présentaient ces images terribles, terrifiantes, en étaient encore tout retournés.
L'ogre Poutine a découpé comme de vulgaires volailles d'autres pays qui ont voulu s'affranchir de sa tutelle. Il en a déstabilisé puis annexé des régions. Enhardi, il s'est résolu dernièrement à envahir la totalité de l'Ukraine, un pays qui lui tient tête depuis plus de huit ans.
Son appétit débordant attise les craintes d'autres États européens, pas seulement ceux de l'UE. Instruits par un passé pas si lointain, ils se préparent au pire... ◊
Photo : 6e Forum mondial de l'eau à Marseille, 12-17/03/2012
Janez Potočnik, membre de la CE chargé de l'Environnement, Andris Piebalgs, membre de la CE chargé du Développement, Kristalina Georgieva, membre de la CE chargée de la Coopération internationale, de l'Aide humanitaire et de la Réaction aux crises, et Connie Hedegaard, membre de la CE chargée de l'Action pour le climat, ont participé au 6e Forum mondial de l'eau, qui s'est tenu à Marseille.
1) comecon : acronyme anglais ; en français caem : Conseil d'aide économique mutuelle. Une organisation d'entraide économique créée par Staline entre pays communistes en 1949. Une réponse au plan Marshall créé en 1947. Dissous avec la chute du bloc soviétique le 28 juin 1991. Siège à Moscou.
2) Poutine a renié les traités signés par ses prédécesseurs. Son nationalisme obtus et son esprit de reconquête vengeresse, à la Hitler, lui ont fait couper les ponts avec l'Europe. Et perdre la tête. La guerre qu'il mène contre l'Ukraine est insensée. Elle va encore durer des années... À plus court terme, la Russie ne pourra pas remplacer le matériel qu'elle est incapable de produire, notamment pour son industrie d'extraction. Quand des cadres russes de haut niveau lui font savoir... Ils sont liquidés sur le champ !
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Mikhaïl Gorbatchev est mort à l'âge de 91 ans, sa vie en images