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Carnets d'Europe

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Billet de blog 4 janvier 2025

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Ancien journaliste. Secrétaire général du Comité Européen Marseille.

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Nouvel An à Saint-Étienne : vacarme assourdissant, du sang et du vandalisme

La rave party non déclarée dans la friche Peugeot/Tekt de Saint-Etienne avait pour but  de « célébrer le nouvel an dans une bonne ambiance sans débourser une fortune », aurait expliqué l’un des organisateurs. Quelle noble intention ! Sans le sang froid du préfet de la Loire et la finesse de la police nationale, « la bonne ambiance » aurait pu tourner au carnage.

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Ici, rien à voir avec les rassemblements festifs organisés dans toute l’Europe (1). Plus d’un auditeur et plus d'un lecteur du quartier La Rivière, situé à au sud de Saint-Étienne à 10 minutes à pied du massif verdoyant du Pilat, ont dû s’étouffer en buvant leur café matinal. À l’exception notable du journal LA TRIBUNE - Le Progrès, une « rave party » non déclarée du Nouvel An a été présentée par la quasi totalité des médias locaux sous l’aspect d’une fête sympathique. Beaucoup l'assimilent, à tort, à un charivari dans un lieu atypique, « sans incident ni dégâts ». Les organisateurs sont présentés comme des personnes de bonne volonté, soucieuses d’apporter un moment de bonheur à leurs concitoyens ; et les policiers comme des empêcheurs de tourner en rond, toujours prêt à en découdre avec un public jeune. Les faits sont tout autres.

Au sud de Saint-Étienne, le vacarme de la fête du Nouvel An était assourdissant. Il a duré plus de 24 heures, sans discontinuer, en dépit des appels désespérés au 17 des résidents de la rue Gutenberg et des alentours, en dépit des interventions réitérées du propriétaire de la friche auprès des organisateurs. Ces derniers n'avaient nullement son autorisation pour organiser leur événement hors-norme, d'autant que le lieu ne s'y prête pas.
On comprend que des jeunes gens apprécient de se retrouver, de nouer des amitiés, à l’occasion de manifestations festives. Et ceux que nous avons croisés, particulièrement le matin du 1er janvier n’étaient en rien farouches. Puis, d’heure en heure, la foule s’est épaissie, passant de quelques dizaines vers 9 heures à plusieurs centaines l’après-midi. Depuis deux mois, selon un « grand » quotidien de la presse locale, les organisateurs préparaient l’événement en transmettant les coordonnées GPS aux personnes intéressées. Les réseaux sociaux ont fait caisse de résonance et des fêtards sont accourus de partout, « de toute la France », selon le propriétaire de la friche. Tous n’avaient pas la gentillesse et l’exquise civilité des gens de Saint-Étienne.

Ordre du préfet : « Ne pas intervenir pendant la rave party »

Sur ordre du préfet de la Loire, Alexandre Rochatte, la police nationale n’est pas intervenue au cours de la « fête » pour la stopper. « Il s’agissait avant tout d’éviter des affrontements avec un public particulièrement jeune » selon une source bien informée de l’Hôtel de Police. Les jeunes, comme chacun sait, sont toujours susceptibles d’être manipulés par des gens qui pratiquent le « business ». On devine lequel...
« Ne pas intervenir pendant la rave party » : la décision du préfet, formé à Saint-Cyr et ancien officier dans la Royale comme en témoigne son uniforme protocolaire de représentant de l'État, était empreinte de sagesse. C’était la bonne stratégie. La police nationale sous ses ordres a agi avec beaucoup de doigté, de finesse… et au bon moment.
Les fonctionnaires ont relevé le tapage et attendu patiemment leur heure pour intervenir. La foule des fêtards a quitté les lieux sans être inquiétée. Sitôt le dernier matériel de sonorisation chargé dans le camion, ils ont procédé à l’interpellation des organisateurs présumés. Le matériel (montant estimé par la police à 40 000 euros)  et le camion ont été saisis. Cerise sur leur gâteau du Nouvel An, toujours selon la même source de l’Hôtel de Police, les fonctionnaires ont reconnu l’individu que tous les policiers du département pistaient depuis des mois pour des « affaires ». Il leur manquait toujours des éléments « pour le faire aux pattes », comme on dit dans leur jargon. C’est maintenant chose faite !

Scène de guerre dans une friche en cours de réhabilitation…

C’est une véritable scène de guerre que le propriétaire de cette friche, en cours de réhabilitation, a découvert  à l'aurore le 2 janvier. « De nombreuses flaques de sang ; des vitres éclatées ; des transformateurs défoncés. Des câbles de cuivre ont été arrachés, volés.» - Que sont devenus les blessés ? « Pas de service médical ni d’autres services adaptés comme des sanitaires ou des poubelles. La rave party n’était pas déclarée. Les dégâts se chiffrent à plus de cent mille euros », nous a-t-il confié. Bien entendu, il a déposé plainte.
Comment dans ces conditions peut-on écrire que la rave party n’a provoqué « ni incident ni dégâts » comme on peut le lire sur beaucoup de sites de médias locaux ? Il est clair, que l’alcool et les drogues ne sont pas sans rapport avec les blessures de participants qui ont causé les dégâts dans cette friche. D’autres dommages sont aussi à craindre pour les personnes, notamment avec la perte auditive qui va aller en s’aggravant avec le temps.
Chose intrigante, les « boum-boum » qui empoisonnaient l’existence des riverains depuis deux années environ, ne se font plus entendre. On est en droit de s’interroger : le matériel saisi a-t-il servi à l’organisation de rave parties journalières, tout aussi clandestines mais plus discrètes, dans l’une des nombreuses friches du quartier ? Nous n’affirmons rien, mais la question mérite d’être posée.
C’est presque mission impossible de déterminer l’origine des sons de basses fréquences, si prisés des amateurs de paradis artificiel. Ils se propagent par le sol à des centaines de mètres de leur point d’émission, puis remontent chez les particuliers par les structures des immeubles.
Beaucoup d’habitants des quartiers sud de Saint-Étienne sont aussi régulièrement réveillés au milieu de la nuit par des tirs d’artifice. Fini l'époque du « tambourine man » que chantait Bob Dylan. Les dealers préfèrent les rave parties super-bruyantes, les gros tirs de mortier, le bruit assourdissant qui mène à l'abasourdissement des personnes. Le barouf du diable investit l’espace sonore public et privé, attire les curieux, les nigauds, les paumés, les camés. Il détermine la zone d'achalandage et délimite le territoire. Il avertit les concurrents qu'il est déjà pris.
Les organisateurs présumés de la Rave Party du Nouvel An du quartier la Rivière à Saint-Étienne, quant à eux, ont été mis en garde à vue. Le journal LA TRIBUNE - Le Progrès (voir article en page 12 de Naël Dandachi) parle de trois hommes  de 23, 26 et 30 ans, respectivement originaires de Monistrol-sur-Loire (Haute-Loire), du Puy-de-Dôme et de Grenoble (Isère). Dès les premières lignes de son article, ce journaliste attentif a su mettre en exergue la fin du calvaire pour les riverains.
Gageons que les fonctionnaires ont sorti le champagne pour fêter leur succès et la sérénité retrouvée des habitants du quartier de la Rivière.

(1) https://www.ticketswap.com/magazine/article/best-techno-festivals

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