
Le 26 septembre, les sociaux-démocrates, ont légèrement devancé, avec 25,7% des voix, le parti traditionnel CDU-CSU de l’ex-Chancelière Angela Merkel avec 24,1%... un effondrement, comparé à son niveau le plus bas de 30%.
Dans le système parlementaire allemand, ce n’est pas le parti qui arrive en tête qui prend le pouvoir. Il faut trouver une majorité avec d’autres partenaires et s’entendre sur un contrat de gouvernement.
Après deux mois de tractations et de réflexion, un nouveau contrat a été signé le 24 novembre par une coalition surprenante. Elle unit dans un même élan les Sociaux-démocrates (rouge), les Libéraux (jaune) et les Écologistes (vert). Comment une telle entente est-elle possible ?
SPD : Dans la continuité du plan de relance franco-allemand
Olaf Scholz (SPD), le nouveau chancelier, s’inscrit en fait dans la continuité de l’effort fourni pendant la pandémie pour sauver l’Europe de l’effondrement : le Plan de relance proposé par le « couple » franco-allemand lors de la présidence allemande du Conseil européen le 21 juillet 2019.
Le Ministre des Finances d’alors qui rassura l’ex Chancelière allemande dans cette décision historique, est aujourd’hui le neuvième Chancelier de la République fédérale d’Allemagne. Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, donnera le nom de NextGeneration.eu à ce Plan qui doit construire et assurer l’avenir.
Les Verts : « Osez plus de progrès ! »
Prenant résolument ce virage ce nouveau contrat porte le nom prometteur de « Oser plus de progrès ». Dans le souci d’orienter le développement économique vers une nouvelle politique en accord avec le changement climatique, il n’est pas surprenant que les Verts se trouve à la tête d’un super ministère de l’Économie et du Climat, confié à Robert Habeck, co-président des Verts et Vice-Chancelier.
C’est certainement avec l’orientation politique de la présidente des Verts Annalena Baerbock, première femme Ministre des affaires étrangères et la plus jeune de l’équipe, que l’on peut mesurer le degré de maturité des écologistes allemands. Elle part du principe que lutter contre le changement climatique implique d’être en capacité de se faire respecter sur la scène internationale. C’est alors que le mot souveraineté « Souveränität », fait son apparition sans complexe dans la langue diplomatique allemande pour assurer à l’Europe une politique européenne indépendante des grands blocs.
Boussole stratégique : l’accord gouvernemental est en faveur de la création d’un ministère des Affaires étrangères de l’UE et mise sur un « partenariat franco-allemand fort »
Un des dossiers majeurs de la présidence française pourrait ainsi avancer : l’adoption de la “boussole stratégique” de l’UE. Un agenda doit fixer le cap de la politique européenne de sécurité et de défense dans les années à venir et pourrait aboutir au Sommet de la défense européenne”, prévu en mars à Toulouse.
Dans cette logique, l’accord gouvernemental tripartite évoque la nécessité d’un ministère des Affaires étrangères de l’UE et met en avant un « partenariat franco-allemand fort ». Ce souhait implique une avancée de l’UE vers un État fédéral européen, selon les principes de subsidiarité et de proportionnalité. La nécessité de modifier les traités s’impose, concernant en particulier la règle de l’unanimité qui paralyse les prises de décision du Conseil Européen.
Le gouvernement tricolore du futur Chancelier Olaf Scholz, social-démocrate, est résolument pro-européen et écologiste. Dans sa volonté de lutter contre le changement climatique il s’engage pour l’augmentation de la production des énergies renouvelables et la sortie du charbon huit ans plus tôt que prévu. Mais à la fois réaliste et soucieux de la faisabilité dans les meilleures conditions, le gouvernement n’exclut pas l’utilisation provisoire du gaz pour l’Allemagne. Enfin, pour ne pas créer de tension avec la France tout en évitant l’opposition des Verts, la question de l’énergie nucléaire n’est pas abordée dans le contrat de gouvernement du Chancelier Scholz.
Un jaune au ministère des Finances
Comment financer un tel programme ? Le choix se porte sur les Libéraux qui obtiennent le ministère des Finances. Il revient à son Président Christian Lindner qui a l’obligation de maintenir le budget en équilibre et gérer la maîtrise des dettes. Pourtant face à la situation sanitaire et les bouleversements liés au changement climatique, la porte reste entrouverte à la négociation sur le Pacte de stabilité et de croissance. On parle d’effort « soutenable ».
La défense des valeurs européennes n’est pas oubliée. La réforme des services numériques pour permettre de mieux réguler les plateformes et intensifier la lutte contre l’appel à la haine et le terrorisme en ligne remportera l’adhésion générale. Mais lorsque la présidence française voudra confirmer le respect de l’État de droit dans les États membres et envisager l’application du mécanisme de conditionnalité du versement des fonds européens, pour l’instant suspendu à une décision de la Cour de justice européenne, la tempête à l’Est du continent ne laisse pas présager un ciel sans nuage.
Le gouvernement allemand souffle un esprit européen de renouveau sur la prochaine présidence française du Conseil
Même placée dans une actualité particulièrement agitée, la présidence française si importante dans ses ambitions, aura besoin de l’esprit du nouveau gouvernement allemand, pour s’appuyer sur le socle originel de la construction européenne. Est-ce la réponse au programme souhaité d’Emmanuel Macron à la Sorbonne lors de sa prise de fonction en 2017 et au renouvellement de l’engagement franco-allemand au Traité d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019 ? L’histoire prend ici tout son sens et justifie la foi en l’humanité des Pères fondateurs qui lancèrent en 1950, au-delà des atrocités et des folies meurtrières, un projet inouï pour unifier un continent composé d’une myriade de pays que seule la culture éclairait d’un même esprit qu’on appelle civilisation.
* Monique Beltrame,
Présidente du Comité Européen Marseille
(8 décembre 2021)
Sélection photo, titre, chapeau et intertitres : Philippe LEGER