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La question se posait déjà au tout début des années 50. L’opinion de Charles de Gaulle était que la menace d’invasion russe, « inévitable dans les mois à venir », commandait la réorganisation de l’armée. Nos Alliés du traité de l’Atlantique Nord (Otan) partageaient ses craintes.
Son bras droit durant la Seconde Guerre mondiale, le chef de la France Combattante, le général Kœnig (1), résuma d’une phrase la situation dans une interview retentissante accordée au journaliste Robert de Saint-Jean en mai 1951 :
« Je crois que les dix-huit mois qui vont suivre revêtent une importance capitale pour la France, pour son existence même de nation libre. Serons-nous, ou non envahis ? Telle est la question, l’unique question. » (propos relevés dans l’ouvrage « Kœnig » de Louis Gabriel-Robinet - Éditions France-Empire 1973).
La France allait-elle partager le destin de notre voisin allemand, amputée avec la création de la RDA en 1949, et plus généralement de celui des pays de l’Europe de l’Est, envahis et intégrés à l’URSS après la défaite de son ancien allié, le IIIe Reich, avec lequel elle s’était entendue pour attaquer et dépouiller la Pologne et annexer les États baltes ? La Finlande elle-même, pourtant restée neutre dans le conflit, avait vu une partie de son territoire annexé par Staline en 1947. Sous le fallacieux prétexte de « sécurité », les Russes s’étaient appropriés la région de Carélie « en raison de la proximité de Leningrad » (aujourd’hui redevenue Saint-Petersbourg).
Au début des années 50, la France continuait l’absurde guerre d’Indochine, soutenue financièrement par les États-Unis à 80%, sans rencontrer l’hostilité du général de Gaulle, qui s’était pourtant déclaré partisan… de la décolonisation !
Pour faire face au « péril communiste", à la menace qu'il faisait planer sur la France et « le monde libre », on appelait de toute ses forces à « une réorganisation de l’armée française ». À cette fin, « pour instruire cette armée, il faudrait rappeler d’Indochine la plupart des officiers et sous-officier de carrière, et y envoyer les soldats du contingent », déclarait en juin 1951 dans une interview au National Zeitung de Bâle l’ancien collaborateur du général de Gaulle (lien : archives du journal Le Monde) . On n’était plus à une contradiction et une absurdité près !
En fait, toute la survie de l’Europe démocratique dépendait à cette époque du « parapluie » nucléaire américain. Un parapluie de moins en moins crédible aujourd’hui, qui renvoie à la problématique des années 50 : une défense indépendante et efficace face à la politique hégémonique de Moscou. Mais on a changé d’échelle : elle est maintenant, plus que jamais, à la dimension de l’Europe. Une dimension refusée par les gaullistes et communistes en 1952, qui s’unirent pour faire échec au traité de Communauté européenne de défense...
(1) Élevé à la dignité de Maréchal de France en 1984, dignité qu'il avait refusée de son vivant car, disait-il, « il n'y avait plus d'armée française ». À sa mort, en 1970, ses effectifs s'élevaient encore à 570 000 hommes environ.(http://armee-francaise-1989.wifeo.com/ordre-de-bataille.php). En 1984, ils avoisinaient 300 000 hommes...