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Depuis le 9 mai dernier se tient «la Conférence sur l’avenir de l’Europe»*.
Pour sa réussite, on compte sur les citoyens. On n'a pas lésiné sur les moyens : plateforme numérique multilingue, événements décentralisés, panels de citoyens européens, séances plénières…
Les initiateurs de l’événement : Parlement Européen, Conseil et Commission européenne, déclarent « agir sur un pied d'égalité conjointement avec les États membres de l'Union européenne ». Et affirment leur volonté « de conférer aux citoyens un rôle accru pour ce qui est de façonner les politiques et ambitions futures de l'Union, en améliorer sa résilience… »
La commission et le Parlement Européen faisant copain-copain avec le Conseil et les États… pas de doute, nous sommes sur la planète des Bisounours !
On présente cette « Conférence sur l’avenir de l’Europe » comme un« nouvel espace de débat avec les citoyens ». On nous jure que le but est de « renforcer la solidarité européenne ». Sur tous les grands sujets : « changement climatique et environnement, santé, une économie plus forte, une justice sociale et des emplois, UE dans le monde, valeurs et droits, état de droit, sécurité, transformation numérique, démocratie européenne, migration, éducation, culture, jeunesse et sport… » sans oublier les « autres idées », histoire de ne rien laisser passer. Sait-on jamais, n'est-ce pas ?
On prétend engager « également » un dialogue avec les citoyens en promouvant des formes de participation « plus larges, interactives et créatives », en incitant à aborder tous les sujets qui fâchent...
Dans le contexte de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, l'adverbe « également » fait référence à d'autres parties prenantes : « les parlements et acteurs nationaux et régionaux qui ont un rôle important à jouer dans la conférence et devraient être encouragés à organiser des manifestations liées à celle- ci. »
Dans le contexte des rapports entre les institutions européennes indépendantes et les États membres, c'est à tout le moins percevoir que la bureaucratie des États, si elle a toujours voix au chapitre, ne possède plus la qualité d’interlocutrice privilégiée. On aurait pu y songer avant. Pourquoi maintenant ?
Les institutions justifient le rôle prépondérant qu’elles souhaitent voir jouer par les citoyens par « une augmentation du taux de participation lors des élections européennes de 2019 ». Ces élections prouvant à leurs yeux que « les citoyens européens sont de plus en plus désireux de jouer un rôle plus actif pour ce qui est de décider de l'avenir de l'Union et de ses politiques ».
Votre serviteur s’est donc rendu sur le site du Parlement Européen qui donne « la participation par pays … »
Citoyens européens de Pologne et de Hongrie : vous n’êtes pas seuls. Toute l’Europe est avec vous. Tous unis !
La hausse spectaculaire du taux de participation en Pologne et en Hongrie lors des élections de 2019 est édifiante. On peut consulter les résultats des élections européennes de cette année-là en suivant ce lien (ici). Le taux de participation a carrément doublé d’une élection à l’autre… La raison : une lutte à couteaux tirés, très mobilisatrice. Les uns s’enferrent dans leur nationalisme, le repliement, la régression démocratique, tandis que les autres appellent l’Europe à la rescousse pour sauvegarder leurs libertés fondamentales.
La Conférence sur l’avenir de l’Europe est pour les Polonais comme pour les Hongrois une bonne occasion de faire entendre leurs voix et de tisser des liens de solidarité sur le continent et au-delà, puisque l’Europe est présente partout dans le monde.
D’autres pays, dont la France, affichent pour les élections de 2019 une hausse substantielle du taux de participation (autour de 10%). Là, c’est une autre problématique qui est en mouvement.
L’union faisant la force, comme dit l’adage populaire, l’Europe est déjà perçue avant la crise du covid comme plus efficace que les États membres, souvent désunis, désarmés, impuissants, face aux géants... les États-Unis, la Chine... mais aussi des entreprises multinationales, notamment du net, GAFAM et BATX*.
La présidente von der Leyen, élue au second degré… comme le président des États-Unis !
En 2019, à l’occasion du renouvellement des sièges du Parlement européen, les nouvelles règles mentionnées dans le traité de Lisbonne ont permis l’élection de la présidente de la Commission par les représentants élus de près d’un demi-milliard d’habitants… À tort ou à raison, un certain nombre d’électeurs a pensé que l’élection au deuxième degré du président de la commission européenne ne différait pas de celle du président des États-Unis. Lui non plus n’est pas élu par les citoyens mais par les « grands électeurs ». Seuls les mandats diffèrent mais un mandat... on peut le transformer.
Cerise sur le gâteau, Ursula von der Leyen qui préside aujourd'hui la commission est aussi vice présidente du « Conseil » (1), l’assemblée des chefs d’État et de gouvernement des États membres. Le Conseil a été reconnu comme institution européenne à part entière par le même traité. C'est désormais lui qui impulse la politique européenne en liaison avec la commission. Ce mammouth affaiblit de fait le rôle du Parlement européen. Le risque : qu'il réduise à une chambre d'enregistrement le Parlement sur des sujets importants n'ayant pas fait l'objet d'un transfert de souveraineté. Surtout quand les intérêts des États et de leurs lobbies sont menacés. La commission risque aussi de limiter son rôle à celui d'arbitre, de conciliateur... C'est probablement la raison pour laquelle on désire voir les citoyens et les Ong jouer un plus grand rôle. Avec ce Conseil subsiste aussi le vote à l’unanimité, un véritable droit de véto pour les pays qui piétinent les droits fondamentaux… ou sont hostiles à une union véritablement fédérale, mais il est clair que Le directoire mis en place par le traité de Lisbonne accordera fatalement la part du lion à l'État le plus puissant ; à ce jour l'Allemagne. Seul ce grand pays est en capacité de mettre fin à la farce de l'Europe des États nations et fédérer authentiquement les Européens comme elle a sur le faire avec ses propres citoyens en se dotant après-guerre d'institutions fédérales. Démocratiques. Et responsables.
Le vote à l’unanimité a été institué par le compromis de Luxembourg (1966), pour résoudre la paralysie des institutions instaurée par « la politique de la chaise vide » du général de Gaulle … Cela fait bien des lustres, mais le vote à l’unanimité est resté.
Les hommes passent mais les solutions bancales, accommodantes en dépit de leur venin, s’inscrivent dans la durée.
Le puzzle fédéral se remet en place en dépit du vote à l’unanimité
Finalement, grâce à ce traité de Lisbonne, autant décrié par les adversaires de l’UE que par un certain nombre « d’européistes », le puzzle fédéral , petit à petit, se met, ou plutôt se remet en place, avec de nouvelles pièces.
L'institutionnalisation du Conseil est particulièrement importante si on songe à un nouveau traité, authentiquement européen cette fois, reprenant l’architecture d’un authentique État fédéral, à l’image de la Suisse, des États-Unis... de l'Allemagne. Il y a une vie en dehors du centralisme d'État... étouffant comme un coronavirus ! Il y a toujours aujourd'hui ce maudit vote à l’unanimité, suspendu sur la tête de l’Union, comme une épée de Damoclès, mais la commission a fait entrer sa présidente dans le Conseil, alors que l’inverse n’est pas vrai. Le président du Conseil ne sera jamais dans la commission. Jamais !
Face aux États, pas seulement ceux membres de l’UE, la présidente Ursula van der Leyen peut tirer son épingle du jeu, quand bien même un vilain sultan lui aurait retiré sa chaise au profit du président du Conseil, Charles Michel.
Les institutions européennes sont plus efficaces que la bureaucratie des États nations
La Commission et Parlement européen marchent main dans la main. Ursula von der Leyen et David Sassoli comptent manifestement sur les citoyens pour faire contrepoids aux États, aux bureaucraties balourdes, obsolètes et dispendieuses. Et parfaitement incapables de répondre aux grands défis d’un monde globalisé.
Avec la crise du coronavirus, que de tragédies humaines ! En France, pas assez de lits, pas assez de masques, pas de vaccin. Et pour certains responsables de la politique sanitaire... pas de figure ! Que de mensonges et d’erreurs de communication !
Outre la Commission et le Parlement, une autre institution européenne, tout aussi indépendante des chefs d’ État et de gouvernement, s’est distinguée par sa capacité de réaction et son efficacité durant la crise : la Banque Centrale Européenne, présidée par Christine Lagarde.
Si le renouvellement du Parlement Européen avait lieu aujourd’hui, on peut parier que le taux de participation ressortirait du référendum plébiscite. Il s’envolerait. D’autant que la présidente Ursula van der Leyen a encore marqué des points en déclarant à propos de la pandémie : « l’Union européenne a fait en 10 mois ce que les États auraient mis 10 ans à faire ». S’il en est ainsi dans le secteur sanitaire, comme l’a fait remarquer Ursula von der Leyen, qu’en est-il en matière de migration, de justice, de sécurité, d’État de droit … ? La liste n’est pas exhaustive. C’est celle des sujets proposés aux citoyens Européens dans le cadre de cette Conférence sur l’avenir de l’Europe !
Autant dire que cet événement tombe à pic pour donner de la voix et remettre les pendules à l’heure … La bonne : celle des citoyens européens ! Celle de l’Europe ! Tout le monde sur le pont ! Tous aux claviers ! C’est aux citoyens européens que revient le droit de décider de l’avenir de cette conférence. Et d’écrire l’avenir de l’Europe… notre avenir !
- GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
- BATX : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.
*Liens :
- Conférence sur l'avenir de l'Europe: événement inaugural à Strasbourg
- Déclararion commune sur l’avenir de l’Europe. Dialoguer avec les citoyens pour promouvoir la démocratie.
- Qu’est-ce que la Conférence sur l’avenir de l’Europe ?
- La Charte de la Conférence
- Faites entendre votre voix
- Résultats des élections européennes 2019 : Participation par pays (statistiques du Parlement Européen depuis 1979)