Nous le savions déjà, les démocraties sont fragiles…L’avènement d’une véritable démocratie est souvent l’affaire d’une, voire de plusieurs générations successives, mais il suffit parfois d’un jour ou de quelques heures pour que celle-ci s’effondre.
La situation géopolitique et internationale très inquiétante, nous rappelle à quel point les États de droit démocratiques sont menacés de l’extérieur par des puissances autocratiques aux inclinations impérialistes, mais aussi de l’intérieur par d’obscures forces centrifuges flirtant avec le populisme et l’intolérance.
Dans un tel climat, fallait-il prendre le risque d’ouvrir une crise de légitimité politique et démocratique supplémentaire, pour tâcher de faire passer en force une réforme jugée par des experts avertis non urgente, et surtout injuste socialement ?
C’est pourtant le choix qu’a fait sciemment Emmanuel Macron, ce 16 mars 2023, en « imposant » à la Première ministre Élisabeth Borne, pourtant très peu favorable à cette option, de faire adopter le texte législatif sur la réforme des retraites, en recourant à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Inutile de tourner autour du pot, et de se perdre en circonvolutions pour tenter de justifier l’inacceptable sous l’apparente légalité constitutionnelle : Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un coup de force anti-démocratique, d’une extrême gravité et d’une violence symbolique inouïe !
Faut-il rappeler que l’actuel locataire de l’Élysée n’est arrivé en tête du premier tour de la dernière élection présidentielle, qu’à peine avec 28% des suffrages exprimés ? Et que sa victoire au deuxième tour, face à la candidate du Rassemblement national, ne résulte que d’un choix par défaut pour de nombreux Français ? Sans compter le taux record d’abstention de ce deuxième tour. De fait, la légitimité démocratique d’Emmanuel Macron est intrinsèquement fragile. Il eût sans doute mieux valu constituer un gouvernement d’union nationale, mais il ne s’agit pas ici de refaire le match…
C’est pourtant en dépit d’une légitimité démocratique forte, mais surtout contre une très grande majorité de concitoyens opposés à l’allongement de l’âge légal de départ à la retraire à 64 ans, contre l’ensemble des organisations syndicales unanimement opposées à la réforme telle que proposée, et en dépossédant l’Assemblée nationale de son pouvoir souverain de voter la loi, qu’Emmanuel Macron, persuadé d’avoir raison envers et contre tous, et sans aucun doute en phase avec les puissances de l’argent ainsi que la technostructure bruxelloise, a décidé de faire adopter coûte que coûte cette très controversée réforme des retraites.
Le président de la République est plus que jamais isolé, seul en son Palais, et en pareilles circonstances, la seule image qui s’instille dans nos têtes, est celle d’un irresponsable « bras d’honneur » symbolique adressé par Emmanuel Macron à l’ensemble du peuple français, des corps intermédiaires, et des députés !
Alors, puisque nous en sommes à ce point de dysfonctionnement majeur des institutions de la Ve République, voire même de basculement de notre système démocratique, autant renverser la table une bonne fois pour toutes….
Il nous apparaît donc salutaire que tous les députés de la Nation, quelle que soit leur couleur politique et en dépit de leurs oppositions, prennent le président de la République ainsi que le Gouvernement à leur propre jeu d’artifice constitutionnel, en votant massivement pour la motion de censure qui sera présentée ce lundi 20 mars à l’Assemblée nationale. Afin d’une part que le texte de loi sur la réforme des retraites soit rejeté, et d’autre part de renverser l’actuel Gouvernement.
Il est temps, il est grand temps qu’un nouveau chapitre démocratique s’ouvre en France. Des intellectuels de renom tels que Pierre Rosanvallon, Dominique Rousseau, et bien d’autres encore, ont depuis longtemps mis en lumière la crise de la démocratie représentative française, et formulé des propositions innovantes de refondation, qui méritent d’être débattues.
Et puisqu’il s’agit d’ores et déjà d’émettre certaines propositions, pourquoi par exemple ne pas proposer la mise en place d’une convention citoyenne chargée d’émettre des propositions visant à sauvegarder le système de retraite par répartition ? Des citoyens seraient tirés au sort pour débattre ensemble de la réforme la plus juste, pertinente et réaliste à mettre en œuvre dans les années à venir. Les organisations syndicales et patronales seraient en outre associées aux débats de la convention. Enfin, les travaux issus de la convention citoyenne pourraient in fine faire l’objet d’un référendum d’initiative partagé, tel que prévu par l’article 11 de la Constitution.
David Dahomay.