Capitaine Stedman ou le négrier sentimental, Christophe Grosdidier
En 1773, un corps expéditionnaire levé par le prince d’Orange de Hollande est envoyé dans la colonie du Surinam afin de mater la rébellion des esclaves. Parmi ces hommes en armes, le capitaine Stedman est davantage présent par défaut que par vocation militaire. Dès son arrivée dans la colonie, il découvre l’horreur des tortures infligées pour diverses et futiles raisons aux esclaves. Il se met à dessiner et surtout à être ému par le sort réservé à une jeune et jolie esclave nommée Joanna.
ABOLITIONNISTE MALGRÉ LUI
L’expérience de Stedman au Surinam dura un peu plu de quatre années, durée nécessaire pour faire face militairement à la rébellion des esclaves. C’est précisément cette période que Christophe Grosdidier a choisi pour faire découvrir son héros éponyme. Il ne s’agit pas véritablement de héros, au sens d’un personnage doué de qualités hors du commun, bien au contraire. La narratrice, fictionnelle, n’est autre que la fille de Stedman, celle-ci ne connaissant le récit de son père qu’à travers les écrits et les dessins qu’il a laissés. Stedman ayant quitté très vite et sans états d’âme sa femme et ses enfants, le récit est ici le contraire d’une hagiographie, prenant parfois les traits d’un règlement de compte d’une fille abandonnée par son aventurier de père.
Le courant abolitionniste qui est apparu dans les années 1770 voyait dans les témoignages et les dessins de Stedman relatifs aux traitements atroces infligés aux esclaves, des pièces à conviction pour faire avancer leurs idées. Ainsi, Stedman devint a posteriori abolitionniste malgré lui, alors qu’il était bel et bien un militaire au service de la couronne princière servant les intérêts des grands propriétaires, colons et commerçants, tous profondément esclavagistes. La figure historique du capitaine Stedman est bien plus connue outre-Atlantique qu’en France par exemple, et le défi du livre était à la fois de le faire connaître tout en enlevant la part légendaire qui faisait de lui un défenseur des droits des esclaves. L’intérêt de cet ouvrage est aussi d’évoquer à la fois cette expédition punitive comprenant divers militaires issus de divers royaumes esclavagistes d’Europe et la rébellion au Surinam. Au-delà de cette évocation, il manque hélas tout un travail d’historien précisant les modes de vie de la société coloniale, du côté des propriétaires comme des esclaves. Ceux-ci ne servent finalement que de contexte au cadre de l’histoire personnelle vécue par Stedman. Or celle-ci n’est guère passionnante et la distance prise par la narratrice empêche toute compréhension dudit personnage. Les allers et retours entre le vécu du capitaine et la pensée personnelle de la narratrice désamorcent trop souvent l’intrigue. En outre, cette édition est malheureusement desservie par de nombreuses coquilles et autres erreurs de frappes. Cédric Lépine

Capitaine Stedman ou le négrier sentimental
de Christophe Grosdidier
France, 2013.
Nombre de pages : 174
Date de sortie (France) : novembre 2013
Prix public conseillé : 17,00 €
Éditeur : L’Harmattan
Collection : Romans historiques, série XVIIIe siècle