Billet de blog 7 novembre 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Entretien avec Mauricio Albornoz Iniesta pour "Una canción para mi tierra"

Ce vendredi 7 novembre 2025, la nouvelle édition du festival de cinéma Version Originale à Gujan Mestras propose en soirée d’ouverture la projection du film documentaire argentin "Una canción para mi tierra" réalisé par Mauricio Albornoz Iniesta inédit en France faute de distributeur français pour le diffuser dans les salles de cinéma.

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Mauricio Albornoz Iniesta © DR

Cédric Lépine : Pouvez-vous rappeler les conséquences de la crise économique de 2001 en Argentine et les décisions néolibérales d’où vient la prolifération d’une agroindustrie polluante massive ?

Mauricio Albornoz Iniesta : En 2001, la crise s’est produite dans un gouvernement néolibéral, mais ensuite, il y a eu un gouvernement national populaire. Le boom du soja s’est produit à ce moment avec ce gouvernement, avec les prêts accordés par le FMI pour développer ce type d’économie. La valeur élevée de la production de soja à cette époque a entraîné l’arrivée massive d’une agriculture reposant sur des semences transgéniques et agro-toxiques. Tout d'abord, c'était bien reçu, parce que c'était quelque chose qui reboostait l'économie, mais ensuite, ça a commencé à avoir des conséquences graves, mais personne ne voulait toucher la poule aux œufs d'or, comme on dit.

Fernando E. Solanas, comme en témoigne son film Le Grain et l'ivraie (Viaje a los pueblos fumigados, 2018) a toujours été à l'avant-garde des sujets politiques dans le pays. Il peut dénoncer parce qu'il est indépendant.

Évidemment, les acteurs de l'économie actuelle sont différents par rapport au début des années 2000, mais personne ne veut toucher à ces choix politiques parce qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Cela entraîné aussi beaucoup de mensonges dans les discours officiels.

Toutes les preuves scientifiques établissant la toxicité pour les êtres humains des activités de l’agro-industrie n'ont pas encore de validité réelle. Les entreprises comme le gouvernement demandent aux populations d’apporter des preuves du danger sanitaire alors que cela devrait être l’inverse. Mettre en évidence des preuves pour la population prend du temps et de l'argent, plongeant les plus humbles dans une incapacité à apporter des preuves.

Illustration 2
Una canción para mi tierra de Mauricio Albornoz Iniesta © DR

C. L. : Qu’est-ce qui a changé dans l’Argentine de la présidence Milei ?

M. A. I. : Effectivement, c'est plus compliqué. C'était déjà compliqué pour Ramiro Lozcano, d’autant que ce problème a déjà traversé tous les gouvernements sans jamais être inquiété.

Il y avait auparavant un peu plus de soutien, même avec la culture et l'éducation. Maintenant, ce gouvernement a déclaré la guerre à toutes les initiatives progressives environnementalistes. Avant l’arrivée de Milei, il y avait une branche du gouvernement progressiste et même un ministère et un secrétariat d'agroécologie, qui ne donnait pas beaucoup d’appui, mais au moins, le débat était possible. Dorénavant, les écologistes et les environnementalistes sont déclarés les ennemis du pays.

Les environnementalistes, les gens de la culture et de nombreuses personnes associées à l'éducation sont devenues des ennemis numéro 1 pour le gouvernement actuel. Or, Ramiro Lozcano, en tant que professeur qui fait de la musique sur l'environnement, représente toutes les cibles de Milei. Alors, oui, le contexte, évidemment, est plus dur qu’avant.

Cependant, dans l'adversité, je crois qu'on se retrouve. Il faut que les volontés s’unissent et c'est ce qui s'est passé, jusqu'à présent, avec un certain succès : on a confiance en ça. Nous devons continuer ainsi jusqu'à ce que quelque chose change.

Le concert représente tous ces efforts unis. Il a gagné une vie propre, parce que beaucoup de gens du village ont de l'ouverture d’esprit. Il y a eu durant cet événement beaucoup d'environnementalistes, de scientifiques et de médecins qui ont parlé d'une manière très simple, sans agressivité ni culpabilisation et leurs propos ont réellement touché.

L'idée est de pouvoir continuer à organiser ce concert chaque année mais cela dépend aussi du financement collectif. Il faut continuer. Nous sommes aussi en train de construire des réseaux, en cherchant des musiciens qui viennent d'autres pays. En 2023, ils venaient de Pérou et de Chili. En 2024, je voulais que quelqu'un d'Europe vienne. C'est la seule façon, de créer des réseaux transnationaux.

Avec un groupe de Cactus Cine, notre société de production, nous continuons d'aller à l'école pour donner des cours de cinéma et cela aboutit à la réalisation d’un court métrage.

Pour moi, le concert a été l’expérience la plus heureuse que j'aie vécue. J'aimerais continuer à trouver d'autres manières de s’exprimer. C'est pourquoi nous sommes sur le projet de filmer un autre concert en Colombie. Avec des musiciens colombiens et une productrice colombienne qui a participé au film, nous avons l'intention de faire un concert là-bas et de filmer les conséquences de l’agro-industrie dans l'Amazonie tandis que les entreprises minières sont aussi extrêmement destructives.

Illustration 3

Una canción para mi tierra
de Mauricio Albornoz Iniesta

Documentaire
93 minutes. Argentine, Allemagne, Colombie, 2024.
Couleur
Langue originale : espagnol

Scénario : Mauricio Albornoz Iniesta
Images : Pablo Martin Nuñez Galardo
Montage : Sofía Merle
Son : Pedro Joaquin Gerbelli
Production : Sebastian Carreras, Michael Geidel
Production (structure) : Cactus Cine
Coproduction (structure) : Actrio Studio, Punto 8 Audiovisual

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