Diffusion sur la plateforme Mubi (France) : Le Miroir de la sorcière de Chano Urueta
Diffusé lors de la rétrospective de l'âge d'or du cinéma mexicain au festival de Locarno en août 2023 et en attendant sa prochaine diffusion au sein de la programmation réalisée par la Cinémathèque française à Paris prévue du 26 octobre au 4 novembre 2023 intitulée « Mexico maleficarum, 13 trésors du cinéma fantastique mexicain », Le Miroir de la sorcière (El Espejo de la bruja) de Chano Urueta est diffusé actuellement sur la plateforme Mubi. Bien que représentant orgueilleusement le savoir-faire national, le film est à la croisée de trois grandes sources filmiques que sont Rebecca (1940) d'Alfred Hitchcock pour le rôle maléfique inquiétant de la gouvernante à la croisée avec le mythe du féminicide de Barbe Bleue, Les Mains d'Orlac (Mad Love, 1935) de Karl Freund pour les mains greffées tueuses et Les Yeux sans visages (1960) de Georges Franju pour le savant fou démiurgique capable d'atrocités au nom de son amour pour celle qu'il veut sauver.
Agrandissement : Illustration 1
Le film de Chano Urueta (Le Monstre ressuscité) qui a réalisé de son vivant plus d'une centaine de longs métrages témoigne pleinement de l'épouvante à la manière mexicaine en digérant pleinement le cadre gothique européen tout en l'associant en arrière-plan avec la réalité sociale du féminicide au Mexique toujours d'une douloureuse actualité en 2023. La récurrence du féminicide à l'intérieur du cinéma mexicain (cf. au sein de la même programmation El Esqueleto de la señora Morales de Rogelio A. González) n'a donc rien d'anodin même si le sujet n'est pas approfondi et reste un prétexte pour construire à grands traits un scénario horrifique. Cela n'empêche qu'à l'aune du féminicide on peut lire dans la représentation de la sorcellerie féminine une organisation de sororité pour que les femmes en situation subalterne dans un monde patriarcal puisse prendre leur revanche. Ainsi, la science de la médecine moderne capable de maîtriser les greffes de peau incarné par l'homme est opposé à la gouvernante aux pouvoirs occultes de sorcière. Fait surprenant dans un scénario qui n'est pourtant pas riche de complexité, l'évocation des forces maléfiques de la magie noire de Satan, Lucifer, etc. n'est à aucun moment contrebalancé par les figures positives du christianisme et la morale de l'histoire ne fait pas nécessairement triompher le Bien dans une vision manichéiste et religieuse du monde. Dès lors, la revanche de la sorcellerie et du féminisme pourrait également être celle d'un pays colonisé par la violence froide de conquistadors à l'image du savant fou qui se passe d'éthique au nom de la science.
Si l'on oublie les invraisemblances et les facilités du scénario, de même qu'un rythme parfois maladroit dans le montage, la photographie est particulièrement soignée dans la tradition de l'expressionnisme avec des plans qui viennent travailler la profondeur de champ pour mieux mettre en question le trouble qui lie les personnages.
Le Miroir de la sorcière
El Espejo de la bruja
de Chano Urueta
Fiction
75 minutes. Mexique, 1962.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Isabela Corona (Sara), Armando Calvo (Eduardo), Dina de Marco (Elena), Rosita Arenas (Deborah), Carlos Nieto (Gustavo), Wally Barrón (l'inspecteur)
Scénario : Alfredo Ruanova, Carlos Enrique Taboada
Images : Jorge Stahl Jr.
Montage : Alfredo Rosas Priego
Musique : Gustavo César Carrión
Superviseur sonore : James L. Fields
Assistant réalisateur : Américo Fernández
Décors : Javier Torres Torija
Maquillage : María del Castillo
Coiffure : Teresa Sánchez
Casting : Guillermo Castillo
Scripte : Carlos Falomir
Production : Abel Salazar
Société de production : Cinematográfica S.A., Producciones ABSA, Studios Azteca