Oscar Ruiz Navia est un réalisateur colombien, présent à la 27e édition de Cinélatino. Son film Los Hongos est programmé en ouverture du festival. Il a également été programmé dans des salles dans les régions Midi-Pyrénées, Aquitaine et Languedoc-Roussillon et à Paris.
Entretien avec Oscar Ruiz Navia du 08/02/2015 par Marie-Françoise Govin
Pourrais-tu me parler un peu des quartiers de Cali qu’on voit dans le film?
Un des quartiers s’appelle Mojica, dans le district de Aguablanca, à l’est de la ville, où habite essentiellement une importante population de classes pauvres. Beaucoup ont émigré de la campagne et de la côte.
Certains quartiers sont tranquilles, d’autres plus difficiles, mais en tout cas, c’est le véritable cœur de la ville.
Les autres quartiers qu’on voit dans le film sont les quartiers du sud-ouest. La partie de la ville où j’ai vécu quasi toute ma vie. Les quartiers Miraflores et San Fernando sont les quartiers des classes moyennes et des individus au pouvoir économique un peu plus important.
Existe-t-il à Cali un mouvement important de street art? Je pense que c’est interdit. Est-ce que le street art est dangereux ?
Ce n’est pas interdit, et si ce n’est pas encore un mouvement très grand, il grandit de jour en jour.
Le street art a toujours un certain contenu subversif, c’est essentiel à cette discipline. Il y a eu des projets aidés par le gouvernement mais beaucoup des meilleurs artistes ont décidé de faire leur travail à la marge des institutions et d’être plus indépendants.
Dans ton film, la police maltraite les deux jeunes. Est-ce que la population craint la police à Cali ?
Certains oui, certains non. Comme partout dans le monde, la police est parfois corrompue. La Colombie est un pays violent et le fait que la police fasse des choses non appropriées peut paraître normal. Mais dans le film, ce que je prétends montrer c’est que malgré cela, les artistes résistent et continuent, et combattent les atrocités grâce à l’art.
Sais-tu comment ton film a été reçu en Colombie?
Les jeunes très bien, les adultes aux mentalités ouvertes bien mieux. Les gens conservateurs plus ou moins bien. Les critiques arrogants très mal. Les gens ordinaires et sensibles assez bien.
Peux-tu me parler un peu de la musique qu’il y a dans le film?
Il y a différentes musiques comme ça se passe à Cali, de la salsa, du rock, du hip hop, de la musique du Pacifique colombien. À travers la musique s’exprime un métissage propre à notre ville et à notre temps.
Los Hongos me paraît être un film trépidant, avec beaucoup de choses qui s’entrechoquent : l’art des graffeurs, la famille, l’adolescence, la politique, la religion, la violence. J’aime beaucoup ce rythme, qui ressemble à un rythme urbain et aussi à celui de la jeunesse. Est-ce que ce rythme propre au film est une métaphore ?
J’aimerais être fidèle à l’univers que je reflète ; c’est un âge de chocs et de quêtes, d’un certain chaos, mais aussi d’illusions et d’attentes.
Pourrait-on dire que ton cinéma est influencé par d’autres réalisateurs ? Lesquels ? L’esthétique porte-t-elle des traces du cinéma du grupo de Cali, de Luis Ospina ou Carlos Mayolo ? Comment ?
Je ne sais pas si j’ai été influencé par d’autres réalisateurs. J’essaie de travailler à faire un cinéma qui me vient du cœur, et peu m’importe si on m’aime ou si l’on me déteste. Je m’exprime et je travaille seulement pour pouvoir trouver une communication avec beaucoup de gens.
El grupo de Cali est une source d’influence pour moi. Ce film est, de fait, plein d’hommages pour eux parce que je suis un de leurs enfants et un des meilleurs fils, j’y suis né et j’y ai grandi. Et je les respecte. J’ai fait un film à Cali en jouant des thèmes que d’autres avaient déjà joué, c’était une obligation d’établir des connexions avec la génération d’avant.
Si tu penses à d’autres choses, n’hésite pas à les dire ici.
Que le film est la vie qui naît dans la mort ; au milieu du chaos, pour résister, il y a l’art.