Amparo Noguera est une comédienne chilienne de théâtre, cinéma et télévision. Considérée comme la meilleure actrice du théâtre chilien, elle a interprété également des rôles importants dans plusieurs films chiliens présentés aux cours des éditions antérieures de Cinélatino. Dans tous ces films, elle a déployé des interprétations d'une grande force dramatique. Dias de campo (Raul Ruiz), Tony Manero, Post Mortem et No (Pablo Larrain) ou encore Carne de perro (Fernando Guzzoni) sont quelques films où l’on a pu la voir. Cette année, le public rencontrera à nouveau l'actrice, protagoniste du film en compétition Aurora du réalisateur chilien Rodrigo Sepulveda.
Peux-tu nous parler de ton rôle dans le film Aurora ?
Mon rôle dans ce film est beau et complexe. Il est fondé sur la vraie vie d'une femme qui s'est battue pour enterrer les corps de nourrissons qui ont été abandonnés dans des lieux marginaux comme, par exemple, des dépotoirs de la ville. Ce personnage était pour moi plein de contradictions et de questionnements : comment une femme peut-elle s’obstinerà inhumer un bébé mort ? Cela me semblait obscur et étrange, mais le défi était de trouver un sens à tout ça.
Dans le film, une réplique dit : "Ce qui est humain n'est pas le fait de naître, mais d’être enterré". Cette phrase résume très bien une partie récente et douloureuse de l'histoire de notre pays, où il y a encore des corps à retrouver. Elle parle aussi de la banalisation quotidienne de la mort : lire dans un journal qu'un nourrisson est trouvé mort, tourner la page et continuer… Pour moi, s'arrêter sur cette page est un excès de bon sens. Le film parle de ça, de la lucidité et de la profonde beauté de ce genre de gestes.
Le réalisateur Rodrigo Sepulveda est une personnalité profonde et sérieuse. Il a été très subtil dans le traitement d’un sujet qui a beaucoup de dimensions différentes. Je lui ai fait totalement confiance.
Peux-tu nous parler de ta collaboration avec le réalisateur Pablo Larrain ?
C’est un grand réalisateur, pour lequel je suis toujours disponible et heureuse de travailler. J’aime sa façon de raconter une histoire. Son cinéma montre ce qu’il y a de plus particulier et spécifique dans des réalités très cachées. Si tu décides de travailler avec lui, tu es obligée de te connecter avec ce qu’il y a de plus intime et étrange dans les personnages, d'explorer une intimité parfois au-delà du tolérable et de te livrer à une spontanéité un peu dangereuse.
On ne peut analyser ou commenter les choses les plus étranges de la vie, elles sont comme ça. C’est quelque chose de très attirant pour moi en tant qu’actrice et spectatrice.
Que penses-tu de la situation actuelle du cinéma chilien à l’étranger ?
Il me semble qu’il est déjà situé comme un cinéma particulier, propre au pays. Je crois que chaque nouveau travail qui sort en salles aide une prochaine production. Grâce aux différents langages et aux divers sujets abordés par un ensemble hétérogène de réalisateurs, un mouvement du cinéma chilien s’est créé, intéressant pour l’étranger. Je pense qu’il y a des réalisateurs qui ont pu obtenir une reconnaissance importante à l’extérieur du pays, comme par exemple Torres Leiva, Andrés Wood, Fernandez Almendras, Larraín, Lelio, Silva, Scherson, Jiménez, entre autres. Pour moi, le cinéma chilien actuel a pris de la force et de l’énergie.
Selon toi, quels sont les sujets latino-américains (ou chiliens) les plus prisés à l’étranger ?
Je pense que ce sont des sujets caractéristiques, des histoires qui se produisent dans des pays qui ne sont pas de grandes puissances. L’intimité et la marginalité.
Comment ce « nouveau cinéma national » reflète-t-il la société ?
Je crois que pendant une dictature si terrible que celle vécue dans notre pays, la critique à faire était évidente et crue. Pour la nouvelle génération de réalisateurs, la critique continue à être la même, mais avec le recul que donne le temps passé. Cela permet de sonder ce qu'il y a de plus intime dans les événements et les esprits.
Que penses-tu de la projection d’Aurora à Toulouse ?
Toute l’équipe est très contente ! Pour nous, c’est très important et spécial d’y être cette année avec Aurora, surtout après avoir gagné le prix Cinéma en Construction, qui nous a permis de finir le film. D’ailleurs, on était déjà là en 2000 avec le film Un ladrón y su mujer du même réalisateur. Pour moi, c’est un honneur de participer à nouveau au Festival.
Propos recueillis par Paula OROSTICA