Billet de blog 24 mars 2023

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Cinélatino 2023 : "Ñaños" d'Emilio Subía

Une histoire personnelle, une métaphore d’un moment dans la vie de ceux qui ont décidé de partir de chez eux. C’est ainsi que je définirais "Ñaños", un court-métrage réalisé par Emilio Subía, qui fait partie de la sélection officielle du festival Cinélatino 2023.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Emilio Subía © DR

Emilio Subía nous fait explorer New York depuis une perspective différente, celle d’un migrant équatorien. Ainsi, nous découvrons l’histoire de deux frères équatoriens, Diego et Andres, qui habitent avec leur mère dans une ville chaotique, sale et à la vitesse infernale, où selon le réalisateur « on peut trouver de la beauté »

Alors que les deux frères aident leur mère avec l’entreprise familiale, ils essayent de continuer à vivre leurs vies et luttent contre le besoin constant de quitter leur foyer.

« À ce moment-là, j’avais besoin de parler du choix que j’avais fait de partir de chez moi et des conséquences que cela avait dans ma vie. Je voulais parler de cette idée, de prendre la décision de partir, d’abandonner sa famille, pour accomplir des rêves ou pour se retrouver soi-même […] mais évidemment, après tout le reste c’est de la fiction » - Emilio Subía, réalisateur et scénariste de Ñaños (entretien réalisé le 14 février 2023)  

Le court-métrage apparaît authentique et intime. Cela pourrait être à cause de son esthétique, qui nous fait sentir comme si nous étions en train de regarder un documentaire, plutôt qu’une fiction. Le choix d’enregistrer avec une pellicule 16 mm donne une texture propre aux images d’archives, comme s’il s’agissait d’une succession de souvenirs issus de vieux albums de famille.

De la même manière, la caméra portée donne un effet de tremblement qui pourrait être considéré comme une « erreur d’amateur », mais dans ce cas en particulier, ces « tremblements » ne font que renforcer le caractère d’image d’archives et augmenter l’illusion de réalisme.

Par ailleurs, le positionnement de la caméra nous met, plusieurs fois, dans une perspective de voyeurs (comme si nous étions en train d’espionner). Au final, nous avons l’impression d’être témoins de quelque chose qui serait en train de se passer dans notre réalité physique spectatorielle et non dans la fiction.

Illustration 2
Emilio Subía © Ñaños de Emilio Subía

En ce qui concerne le cadrage et les échelles de plans, l’usage récurrent des plans serrés nous donne l’impression immédiate d’oppression : rapidement nous sommes coincé.es dans le film, exactement comme Andres et Diego.

C’est une histoire simple en apparence, avec un apport iconographique important. Par exemple, la personne déguisée en Donald Trump, qui amène avec lui une poupée Ronald Mc. Donald, serait l’emblème du capitalisme extrême des USA, et serait une figure du refus du migrant, qui prône cette idéologie.

« On a fait ce film en 2020, juste quelques jours avant les élections présidentielles aux USA, c’était un moment de tensions politiques et raciales. Tu sais que la rhétorique de Donald Trump a toujours été anti-immigration, cela était très présent à ce moment-là […] être un immigrant dans ce pays était dangereux » - Emilio Subía, réalisateur et scénariste de Ñaños (entretien réalisé le 14 février 2023)  

Il s’agit d’un scenario qui part de « ce sentiment de vouloir revenir au foyer, mais être incapable de le faire » et qui finit par traiter des sujets politiques importants, comme la ségrégation raciale, la vie de beaucoup de migrants équatoriens qui sont partie aux USA à la recherche de meilleures opportunités. Ou encore, depuis une perspective plus personnelle, le film explique à quel point nous pouvons nous sentir enfermés dans des noyaux familiaux.

Bref, c’est la complexité d’un sentiment de nostalgie d’un migrant, simplifié dans une fiction facilement transmissible. Un court-métrage très intéressant, avec de fortes qualités esthétiques qui mérite vraiment de faire un détour pour aller le voir au festival Cinélatino. Pour moi (une autre migrante équatorienne), il s'agit d'un grand coup de cœur.

-Par Gaya N. 

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