Quatre-vingts ans de dessins, de sketches, de regards au vitriol posés sur les travers et les stéréotypes frenchy. Pour cet ouvrage, Jean-Loup Chiflet a sélectionné 200 dessins sur les 68.647 publiés dans The New Yorker entre 1925 et 2006. Un florilège, un must see en trois parties rappelant la relation passionnée et passionnelle entre le nouveau monde et ce pays qui compte autant de fromages qu’il y a de jours dans l’année : la France.

Après L’humour des livres, L’humour des chats, les inédits et la somptueuse intégrale rassemblant 68 647 dessins de 400 dessinateurs ayant collaboré au journal, Jean-Loup Chiflet continue son travail de traducteur et de sélectionneur des meilleurs planches tirées du mythique journal The New Yorker. Initialement paru en 2006 aux éditions Les Arènes, La France et les Français a paru chez Points le 21 octobre dernier.

La France vue par plusieurs générations de cartoonists est un régal de second degré, d’ironie décapante, tant pour nous (pauvres) Français que pour les (riches) Américains qui se piquent de francophilie. C’est un savoureux voyage dans le temps au long des perceptions changeantes selon le contexte historique (les années folles, la crise de 1929, la seconde guerre mondiale, le départ des forces armées américaines du sol français…).
« Si on s’en tient au guide L’Europe pour cinq dollars par jour, notre voyage s’est arrêté avant-hier. »

Du French Kiss passionnel (1925-1939) au Je t’aime moi non plus très sixties (1967-2006), en passant par le cri du cœur Lafayette nous revoilà (1939-1966), Jean-Loup Chiflet explore la fascination exercée par le vieux continent et ses mythes hexagonaux : mode, langue, cuisine, comportements typiques es-qualités (les taxis parisiens en tête), les monuments emblématiques, le chic parisien, la « joie de vivre » (en américain dans le texte)…
Ainsi, ces œnologues attablés autour de différents verres de vin : « celui-ci est très agressif, il ne serait pas Français ? » ou un peu plus tôt, ces deux Américaines en terrasse d’un café : « quand on voit ce qu’on dépense pour eux avec le plan Marshall, tu ne crois pas qu’ils pourraient nous proposer des hors-d’œuvre corrects ? »

The New Yorker s’est longtemps gardé de porter un regard politique sur ces relations d’amour et de désamour, mais il est vrai que l’histoire a eu des répercussions indéniables sur la veine comique et la ligne adoptée par le journal quand il s’est agi de croquer nos compatriotes alors que le gouvernement de Jacques Chirac refusait d’entrer en guerre contre l’Irak aux côtés des USA. Et il ne faut pas voir au fil des pages un esprit revanchard (ou si peu) qui viendrait régler des comptes par strips interposés mais bien au contraire une manière de désamorcer des situations dramatiques en pratiquant un humour pétri de double sens et de dérision réciproque.
La France et les Français en 200 dessins, une manière de (re)visiter la France. A l’américaine et avec humour. – D. B.

La France et les Français, The New Yorker, 200 dessins, Points 2010, 10 €

Crédits images © The New Yorker/ Points 2010